Pour qui ne connaîtrait pas déjà Etsy, cette plateforme de vente en ligne est un souk virtuel regroupant plus de 1,4 million de boutiques. Elles sont tenues par des commerçants d’un peu partout sur la planète, dont un bon nombre d’artisans. Ce qui signifie qu’on y déniche une foule d’articles originaux : un tapis de laine multicolore népalais, une horloge confectionnée en Californie avec un microsillon recyclé, un album photo à l’ancienne venu d’Allemagne... et aussi des trouvailles de chez nous. En mars dernier, l’entreprise lançait, en collaboration avec Châtelaine, le concours Etsy Le meilleur du Québec, à l’intention de ses marchands d’ici. Parmi les 400 participants, un vote populaire a déterminé une personne gagnante dans chacune des catégories suivantes : Maison et déco, Mode et accessoires, Bijoux, Vintage, Art et illustration et Nouveau talent. Surprise : les six lauréates sont des femmes ! L’attribution d’un grand prix, toutes catégories confondues, a été confiée à un jury au goût sûr : Denis Gagnon, designer de mode, Erin Green, directrice nationale d’Etsy Canada, Marie-Soleil Michon, animatrice et ambassadrice d’Etsy, Camille Dg, fondatrice du blogue lecahier.com, et Sophie Banford, éditrice de Châtelaine et de Loulou. Les finalistes les ont séduits par leur dynamisme et leur talent. À notre tour de les rencontrer.
Nommée Veille sur toi, sa boutique offre des veilleuses en verre au design allumé.
Quand Karine Foisy a commencé à fabriquer des veilleuses en forme d’animaux ou de monstres rigolos, elle ne se doutait pas que celles-ci feraient craquer parents, enfants, commerçants… et même un producteur hollywoodien. Et puis, elle n’avait même pas l’intention de se lancer en affaires ! Cette maman et enseignante au primaire apprend la technique du verre fusionné en 2010, dans un cours pour amateurs. C’est par la suite que son passe-temps prend des allures de PME. Ses veilleuses sont désormais offertes non seulement sur Etsy, mais dans quelque 30 boutiques ayant pignon sur rue au Québec.
« Il y a tout de suite eu un engouement dans mon entourage, puis sur le web, raconte-t-elle. Le plus fou, c’est que je n’ai sollicité aucun des magasins qui vendent mes produits. Ce sont eux qui sont venus à moi. » Une de ses créations doit même jouer un petit rôle dans le film américain Southpaw, mettant en vedette Jake Gyllenhaal, qui sortira le 24 juillet prochain. « Le personnage principal offre une veilleuse à sa fille. La compagnie de production a communiqué avec moi après avoir fait une recherche sur Etsy. »
Les monstres créés par Karine sont plutôt sympathiques, non ?
Compagnons nocturnes La collection Veille sur toi compte plus de 60 veilleuses de formes diverses : robot, voilier, tracteur, coccinelle, animaux en tous genres... L’artisane fabrique aussi des modèles personnalisés, à la demande. En plus de leur côté décoratif, ses œuvres apportent une présence rassurante à bien des bouts de chou. « Certaines familles établissent un rituel autour de la veilleuse, à l’heure du coucher, pour apaiser les enfants qui ont peur de l’obscurité. » De plus, le verre utilisé reste frais au toucher, donc il ne risque pas de brûler les petites mains. À quelques jours de son troisième accouchement, Karine sait déjà qui accompagnera les nuits du futur bébé : « Ce sera un raton laveur gris portant un joli nœud papillon turquoise, agencé à la chambre d’Elliot. »
Elle signe la collection Alice et Simone, qui propose des vêtements réversibles craquants.
Même si elle a travaillé comme designer pendant une quinzaine d’années pour divers manufacturiers de vêtements montréalais, c’est un peu par hasard qu’Isabelle Deslauriers a lancé sa collection Alice et Simone. Tout a commencé en 2011, lors d’un échange de cadeaux faits main. « Quand mes amies ont vu la jupe réversible pour fillette que j’avais créée, elles m’ont demandé si j’en ferais d’autres. » De fil en aiguille, on lui en a réclamé de plus en plus, jusqu’à ce qu’Isabelle se lance en affaires pour de bon. « Dès la première année, j’ai traité près de 1 000 commandes. J’en ai cousu des jupes ! » Maintenant qu’elle approvisionne une vingtaine de boutiques, dont deux à New York, en plus de sa clientèle en ligne, elle confie la couture à un atelier local et se charge de la finition de ses créations pimpantes à motifs de petits pois, d’animaux ou de papillons.
L’une des jupes préférées des fillettes, cet été : des chats d’un côté, des pois de l’autre !
Plus que des jupes À côté du produit-vedette de la collection, on trouve maintenant des chapeaux et un pantalon sarouel réversible, ainsi qu’une version pour dames de la jupe double face. L’entreprise montréalaise porte les prénoms des filles de l’artiste, aujourd’hui âgées de cinq et six ans. « Alice, la petite fille calme, et Simone, celle qui bouge. » Deux personnalités bien différentes… comme les deux côtés de ses jupes. Le benjamin de la famille n’est pas en reste : sur l’étiquette des bavettes conçues par Isabelle, on peut lire « Monsieur Charles », du nom de son petit dernier.
Sous le nom Lululalaine, elle confectionne des bijoux uniques et tout doux.
Pour se démarquer sur Etsy, la créatrice Lucie Bourassa mise sur l’originalité du design, mais aussi de la matière. « Quand mes clientes portent mes bijoux, dit-elle, on leur demande souvent de quoi ils sont faits. » Après avoir expérimenté divers matériaux, elle a choisi de fabriquer ses colliers, bracelets et boucles d’oreilles avec le plus inusité d’entre eux : la laine. Elle entrecroise et façonne les fibres de mérinos à l’aide d’aiguilles. Puis, pour qu’elles se compactent et prennent leur forme définitive, elle les mouille d’eau chaude savonneuse et les masse avant de les laisser sécher. « J’adore sentir la laine rétrécir sous mes doigts. Et quand je fixe des perles sur mes pièces, ça me rend zen… jusqu’à ce que les enfants rentrent de l’école ! »
Virage créatif Le travail à domicile s’est imposé à la Longueuilloise à la suite d’un événement tragique : il y a quelques années, son conjoint a subi un arrêt cardiaque qui lui a laissé des séquelles importantes. Lucie a alors mis un frein à sa carrière de courtière en art afin d’être présente à ses côtés. Aujourd’hui, son nouveau métier lui procure une grande satisfaction. Elle s’enthousiasme en parlant de ses douces parures, qu’elles soient sobres, ornées de perles et de pierres, ou encore inspirées de l’art moderne et hautes en couleur. « J’en suis encore à mes débuts, mais j’aimerais faire des choses encore plus extravagantes. »
Les amoureux du design d’autrefois se donnent rendez-vous dans sa brocante virtuelle, Décadisme.
L’envie de s’entourer d’objets qui ont une âme : voilà ce qui a motivé Céline Cabrolier à lancer Décadisme. Dans son magasin en ligne, on découvre une brocante éclectique, remplie de jolies choses datant de la fin des années 1800 jusqu’aux années 1980. Leur point commun : qu’il s’agisse d’affiches, de jouets ou d’accessoires de cuisine, une attention particulière est portée au design. « Je suis parfois surprise par ce que mes clients aiment. Notamment, d’anciens plats Tupperware. Ils retrouvent dans ma boutique une partie de leur enfance. » Certains articles sont vendus tels quels, tandis que d’autres sont retravaillés, par exemple les bougies de cire de soya coulées dans des tasses et autres contenants vintage.
Bonheur d’occasion C’est en suivant sa passion que cette Française d’origine (et Montréalaise d’adoption) a décidé de quitter le domaine publicitaire pour se consacrer à ce projet. Toute petite, déjà, elle adorait accompagner sa mère au marché aux puces de Saint-Ouen, en banlieue de Paris. Maintenant, elle déniche ses trésors dans les encans et les sous-sols d’église, au Québec, dans le nord-est des États-Unis et en France. « Je les choisis selon mes coups de cœur. Si on les voit dans ma boutique, c’est que j’aimerais les avoir chez moi. » Mère de deux enfants, Céline allie l’utile à l’agréable quand vient le temps de renflouer son inventaire : « On en profite pour faire des road trips dans le Maine. » La vie rêvée d’une chineuse, quoi !
Doudoulab, une boutique peuplée de mignons compagnons pour les tout-petits.
« J’adore les beaux tissus. Dans les magasins, je veux tout acheter », dit Danielle Dubois. Cet enthousiasme est évident quand on voit la façon dont elle donne vie aux étoffes, neuves ou recyclées, en confectionnant des poupées de chiffon dont elle dessine elle-même les patrons. « Tout ce que je fabrique sort tout droit de mon imagination. Et si mes clients préfèrent un modèle personnalisé, je le conçois. » Les beaux atours de ses personnages, qu’ils soient fillettes, lapins ou renards, mêlent divers motifs et coloris auxquels s’ajoute de la broderie. Certains portent même des foulards tricotés à la main.
Du graphisme à l’artisanat Cette résidente de Saint-Eustache a commencé à coudre des poupées dans ses temps libres, alors qu’elle travaillait dans le domaine de la mode enfantine en tant que graphiste et designer d’imprimés textiles. Quand le fabricant qui l’employait a fait faillite, il y a quelques années, elle prévoyait prendre des contrats de graphisme à la pige. Mais l’intérêt suscité par ses créations l’a finalement persuadée de consacrer toute son énergie à leur production et à leur commercialisation. Sa plus grande ambition pour Doudoulab : embaucher des mères monoparentales et leur apprendre la confection. « J’ai été dans cette situation et je sais que ce n’est pas toujours facile », affirme celle dont les deux enfants sont maintenant grands – et dont les petites-filles possèdent une foule de poupées.
Original, le renard qui porte un vêtement à motifs de renards !
Son entreprise, Alice in Montréal, charme avec ses tasses ornées de silhouettes urbaines.
Quand Aurélia Turon-Lagot a créé un objet-souvenir dans le cadre d’un cours à l’Université du Québec à Montréal (où elle faisait son bac en design de l’environnement), elle a échoué. Du moins aux yeux de son professeur, qui n’aimait pas du tout son concept : une tasse en porcelaine ornée de la silhouette de bâtiments de la métropole, réalisée avec de la peinture ardoise. Mais la jeune Française, elle, y croyait. Elle avait raison. Son projet étudiant s’est depuis transformé pour devenir une petite entreprise florissante. « Les gens aiment reconnaître sur des trucs des endroits qui leur sont chers. »
Un rêve d’enfance « Pendant plusieurs années, j’ai passé mes vacances familiales au Québec, raconte Aurélia. Quand j’avais 13 ans, j’ai dit qu’un jour je m’installerais ici, que j’y étudierais le design et que j’aurais une boutique où je vendrais mes œuvres. » Elle a dû faire ce souhait sous une bonne étoile, puisqu’il s’est entièrement réalisé. Ses tasses figurent même dans le catalogue Code Souvenir Montréal, parmi des suggestions cadeaux triées sur le volet, témoignant du statut de Ville Unesco de design de la métropole. Son offre s’est élargie pour inclure des modèles uniques, créés sur commande, et des paysages de Paris, Dubaï, Rome... Mais pourquoi l’entreprise se nomme-t-elle Alice in Montréal ? « C’est une référence au livre Alice au pays des merveilles, et, surtout, au monde merveilleux que j’ai découvert ici. »
« Je ne pouvais pas renier mes origines ! » dit la designer au sujet de cette tasse.
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