Culture

Charlotte 
Le Bon: la bonne année

La pétillante Québécoise, actrice de l’heure en France, multiplie les tournages et lance sa carrière américaine parrainée par Steven Spielberg.

Yves Saint-Laurent

Yves Saint-Laurent

Au bout du fil, même à 5 500 km de distance, le son est reconnaissable : Charlotte Le Bon bâille. «Désolée, c’est le jet lag, je suis revenue de Montréal hier et je suis complètement explosée.»

Difficile de comprendre pourquoi les Français soulignent à gros traits son « accent québécois qui fleure bon le steak de caribou badigeonné de sirop d’érable » (magazine Marie-Claire, décembre dernier). Car, à l’oreille, Charlotte fleure plus la baguette beurrée de camembert, pour rester dans le cliché. « Quand je suis ici, c’est instinctif, je parle comme eux. Ces histoires de caribou, ça ne me fait pas rire du tout. Les Français pensent que ce sont des traits d’humour poétique ou je ne sais quoi. Si j’étais algérienne et qu’on disait que je sens bon le couscous et les tajines, je pense que ça deviendrait un truc raciste. »

Charlotte dit les choses comme elles sont, peu importe l’accent. Ainsi, sur le mannequinat, qu’elle a pratiqué de ses 16 à 24 ans : « C’est l’entretien du vide et j’ai détesté ça dès le premier jour, mais j’ai continué pour des raisons financières. Je demandais aux mannequins que je rencontrais si elles aimaient le métier et elles disaient l’adorer. Ça coupait court à tout échange. » Conséquence : aucune amitié nouée en huit ans de photos de New York à Tokyo. Des moments de solitude qu’elle a comblés en dessinant, avec, là encore, du talent (voir son site lebonlebon.com).

Si la Belle Province a vraiment « découvert » Charlotte en avril dernier grâce à Tout le monde en parle, la France est tombée pour la Québécoise depuis belle lurette. Sa rampe de lancement : devenir une Miss Météo disjonctée au Grand Journal de Canal+ en 2010. Dans les sketchs qu’on peut visionner sur YouTube, on la voit annoncer qu’il pleuvra sur Nantes couchée sur une table, les pieds noués derrière la tête. « Oh mon Dieu ! » s’exclame-t-elle quand je lui remémore sa stupéfiante flexibilité. « Il fallait se renouveler tous les jours, on devient presque désespérée… On est allé loin dans le désir de m’humilier. » Le ridicule ne tue pas : dans son cas, il l’a catapultée en orbite. Très haut.

Car depuis son baptême au cinéma en 2012 dans Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté, avec Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, Charlotte tourne tant que c’en est étourdissant : « Neuf films en deux ans et demi ! » Un long métrage américain cet été à Montréal (avec Joseph Gordon-Levitt). Auparavant, quelques drames, et des comédies. Dont Le grand méchant loup, remake français des Trois petits cochons de Patrick Huard.

– « Vous y jouez la bombe sexuelle…, lui fais-je remarquer.

– Oui, bon. (Malaise transatlantique.) Quand j’ai fait la promo de ce film, on m’en a voulu un peu, je crois, parce que je disais que faire la jolie fille dans un film était un passage obligé après avoir fait la météo. Là c’est fait, je peux passer à autre chose. »

Elle a tenu promesse : pour son rôle suivant, dans La marche, Charlotte s’est transformée en photographe québécoise, lesbienne et contestataire. « Un film à portée sociale dont je suis très fière », dit-elle, et tant pis s’il n’a pas… marché.

Avec la biographie filmée d’Yves Saint Laurent, succès critique et public dès sa sortie en France en janvier dernier (au Québec le 15 août), Charlotte a enfin pu crier victoire. C’est le nom de l’icône parisienne qu’elle y incarne, Victoire Doutreleau, mannequin-vedette des années 1950-1960. Pour entrer dans les créations phares du célèbre designer, sorties du musée pour l’occasion, l’ex-Miss Météo a fondu de 20 livres (pour 5 pieds 8 pouces). Et elle portait des serviettes hygiéniques aux aisselles « pour ne pas suer dans le tissu ». Aussi, un comble pour cet ex-top-modèle, elle a dû apprendre à marcher comme un mannequin de l’époque.

Résultat ? « Charlotte Le Bon, formidable », selon le quotidien Le Monde, entre autres éloges. Danielle Fichaud, coach d’acteurs québécoise, n’est pas surprise de voir son ancienne élève vivre « un conte de fées ». « Elle avait 14 ans quand elle a commencé à suivre mes ateliers et, déjà, on sentait qu’elle était une star », dit celle qui en a vu d’autres, de Claude Legault à Marie-Josée Croze. « Elle possède un don d’émerveillement particulier, une candeur, une sensibilité à fleur de peau. Et un sens de l’autodérision exceptionnel. »

Charlotte a grandi dans une famille de comédiens et dit avoir aussi un peu appris le métier par osmose : sa mère, Brigitte Paquette, s’est fait un nom dans les années 1990 avec un rôle clé dans la télésérie Omertà (en fille de mafioso amoureuse d’un enquêteur de la police joué par Michel Côté). « Dans ce temps-là, Brigitte était hot, hot, hot », se souvient Danielle Fichaud, qui l’a bien connue. Ensuite, il y a eu Diva, Les poupées russes, puis ça s’est refroidi. Aux dernières nouvelles, Brigitte Paquette était conseillère du district 5, à Prévost, dans les Laurentides. « Au Québec, on prend toujours les mêmes acteurs, dit Charlotte. Ma mère est encore active et toujours talentueuse. Je le crois intimement. Je pense aussi qu’elle ne demande qu’à travailler. »

C’est peut-être pourquoi la nouvelle coqueluche du cinéma français ne perd pas de vue la terre ferme. « Je prends ce qui m’arrive. Bien sûr, c’est fantastique, mais c’est une étape dans ma vie. Et je n’ai que 27 ans… » Quand elle parle de The Hundred-Foot Journey (Les recettes du bonheur, sortie le 8 août), son premier film en anglais, du réalisateur de Chocolat, Lasse Hallström, Charlotte semble à peine étonnée d’y partager le haut de l’affiche avec Helen Mirren, oscarisée pour The Queen. Et elle oublie presque de mentionner que Steven Spielberg, coproducteur (avec Oprah Winfrey), a pensé à elle pour le rôle d’une sous-chef française après l’avoir vue en Miss Météo. « J’ai très peu de scènes avec Helen, que j’ai trouvée très drôle. Son humour anglais est limite vulgaire. » Et Oprah ? « Je l’ai rencontrée vaguement. Elle a passé deux jours sur le tournage l’automne dernier et j’ai pu partager un verre avec elle. » C’est à ce moment précis dans la conversation que Charlotte a bâillé. Mais chut ! pas un mot à Oprah…

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