La talentueuse Sophie Bienvenu s'exprime au sujet de Et au pire, on se mariera, son roman coup de poing adapté au cinéma.
Transposer un récit au « je » en long métrage...
Quand j’écris, dit la romancière, je vois toujours des images dans ma tête, donc je portais déjà le film en moi. Après, Léa Pool a apporté sa précieuse expérience cinématographique et sa finesse dans les scènes plus délicates.
La naissance de son personnage principal, Aïcha.
J’habitais un quartier défavorisé et j’ai aperçu une fillette qui jouait au parc pendant que ses parents se droguaient. J’aurais pu la voler et lui offrir une autre vie... Dans une série de livres pour ados, j’avais aussi créé Anita, un personnage trop lisse, dont j’avais envie de « scraper » la vie. Aïcha est un mélange des deux.
Et le casting?
Idéal! Sophie Nélisse terminait La voleuse de livres quand on lui a proposé le rôle, mais elle se trouvait trop jeune. Lorsque le film s’est enfin mis sur les rails, elle a demandé à passer l’audition. Elle était Aïcha. Et Jean-Simon Leduc, qui avait lu le roman, a tout de suite habité le personnage de Baz. Quant à Karine Vanasse, elle peut tout faire, même une mère du quartier Centre-Sud, loin du glam de L.A. dans Vengeance. Je suis fière du résultat.
Et au pire, on se mariera, en salle le 15 septembre (d’après le roman éponyme, La Mèche, 2011).
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Sur les planches, à la télé ou sur le Web, Léane Labrèche-Dor est partout et c’est bien ainsi! Côté littérature, elle doit à son frère la découverte d’un grand auteur classique…
Les aventures de Tom Sawyer
En deuxième secondaire, c’était une lecture – en anglais – plus ou moins imposée. Et je le relis régulièrement, surtout l’été. Peut-être à cause du récit des jeux entre gars sur l’île. L’imaginaire de Tom Sawyer m’interpelle. J’ai toujours été fascinée par cet enfant qui pousse sa chance jusqu’au bout, jusqu’à aller à son propre enterrement ! J’aime beaucoup ce personnage de Mark Twain, arrogant, manipulateur, mais en même temps super joueur. Parfois, je rencontre quelqu’un et je me dis : « Ah… lui, c’est un Tom Sawyer ! »
J’avais neuf ans, soit à peu près l’âge du héros, quand j’ai lu ce roman de José Mauro de Vasconcelos. Un garçon se lie d’amitié avec un homme à qui il se confie et avec qui il partage un arbre. J’ai dû m’identifier à lui, car c’était la première fois que je pleurais en lisant. C’est une histoire extrêmement touchante et bien écrite. Ça me fait penser à La vie devant soi, de Romain Gary.
Le comte de Monte-Cristo
C’était mon premier Alexandre Dumas, un prêt de mon frère, grand fan de l’auteur, comme moi depuis. J’adore son style. C’est à la fois sale et humain. On y trouve de la jalousie, de la traîtrise, de l’ambition et de la vengeance ! Des sentiments qu’on peut ressentir à petite échelle. Je n’ai jamais remis le bouquin à mon frère…
Ne pleure pas ma belle
C’est le premier policier que j’ai lu. Je suis très peureuse, surtout le soir dans le noir ! Un jour, une amie, adepte du genre, m’a prêté ce livre de Mary Higgins Clark. J’étais en cinquième ou sixième année, alors c’était tout un défi d’arriver à passer au travers d’une telle brique. Même si je suis trouillarde, j’ai été tellement happée par cette histoire de meurtre d’une actrice que je me devais de poursuivre ma lecture jusqu’au bout. Depuis, je raffole des polars. C’est chaque fois un thrill de découvrir qui a tué qui !
À la croisée des mondes
Cette trilogie m’a donné envie de lire. Je le faisais peu jusque-là, à cause d’une légère dyslexie. Philip Pullman y aborde des thèmes tout à fait intéressants qui m’ont éclairée et forcée à me forger une opinion sur la religion, la mort, la perte de l’innocence. Pour moi, c’était plus qu’une œuvre fantastique. Ça m’a aidée dans mon passage à la vie adulte. J’ai été très déçue qu’on n’adapte que le premier tome au cinéma.
Humoriste et auteure à succès, Lise Dion a plusieurs cordes à son arc. Voici ses coups de coeur littéraires.
Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges Le premier livre qui m’a marquée. Michel Tremblay y racontait ma vie quand je vivais sur le Plateau-Mont-Royal, les escaliers où, avec mes amies, on passait des heures à parler, les mères qui nous appelaient à cinq heures pour souper… Ç’a m’a touchée de découvrir des personnages aussi familiers. Mon amour de la lecture est né avec Tremblay. Quand j’ai joué dans la télésérie Le petit monde de Laura Cadieux, comme c’était mon monde, j’étais plutôt à l’aise.
Woody Allen Dans cette biographie écrite par Eric Lax. Woody Allen explique son cheminement, ses débuts de stand-up comic. J’ai lu et relu cette bio. Jeune, j’aurais voulu faire du théâtre mais on m’a dit que j’étais meilleure dans la comédie. Je pensais être la seule à avoir le trac en écrivant un numéro ou avant de monter sur scène, la seule à avoir envie de dire aux gens dans la salle : « Rentrez chez vous ». Je ne savais pas que Woody Allen avait aussi peu confiance en lui. J’adore l’humour juif, son côté satirique, même si je suis plutôt dans l’autodérision.
La maison aux esprits Isabel Allende décrit les odeurs, les paysages, de façon telle que c’est comme si on les sentait et on les voyait pour vrai. Les héroïnes de cette saga familiale, qui se déroule en Amérique du Sud, sont des femmes fortes et extraordinaires. Quand je m’approprie le premier livre d’un auteur, j’aime lire toute son œuvre. J’ai appris des choses sur le Chili, mais aussi sur San Francisco, dans le roman Fille du destin. Au cours d’une vie, on n’aura jamais le temps de visiter tous les pays ; quand la description d’un endroit est efficace, on a l’impression de voyager.
Meurtriers sans visage C’est le pianiste et compositeur André Gagnon, devenu un ami, qui m’a fait connaître Henning Mankell (ainsi que Douglas Kennedy). Je suis tombée amoureuse de cet auteur et pourtant, je ne suis pas fan de polars. C’est dans ce roman qu’on fait connaissance avec l’inspecteur Kurt Wallander. Étrangement, je n’ai jamais voulu écouter la télésérie parce que je préférais inventer mon propre Wallander. Ce livre a développé chez moi le sens de l’observation, ce qui aide à la création.
Il pleuvait des oiseaux Un petit livre et gros coup de cœur littéraire. Ce roman-là, c’est wow ! Un livre que j’ai dévoré, prêté par Marie-Claude Barrette [animatrice], avec qui j’étais en vacances. L’histoire m’a émue et réconciliée avec la vieillesse. J’ai aimé l’ambiance, l’amitié entre les personnages de Jocelyne Saucier, qui ont décidé de vivre dans la forêt. Et quels personnages ! Celui de Marie-Desneige, une femme de 82 ans internée pendant 66 ans et qui débarque un jour dans un coin reculé de l’Ontario, je ne suis pas près de l’oublier.
«Quel exercice difficile que de restreindre mon choix à cinq livres pour me révéler à vous! J’ai eu l’impression de trahir des amis en renonçant à certains titres, mais puisque le jeu le veut… Voici les joyaux qui ont semé leurs lumières dans ma vie.»
Les contes du chat perché Ils ont enchanté mon enfance et je les relis toujours avec bonheur. Si je plaignais Delphine et Marinette, les espiègles héroïnes, d’avoir des parents très sévères, je les enviais de vivre à la ferme, entourées de tant d’animaux. C’était un univers poétique et profondément émouvant?; la mort de la panthère aux yeux d’or demeurera le gros chagrin de mes huit ans… Toute l’oeuvre de Marcel Aymé s’inscrit sous le signe de la fantaisie, voire du fantastique, et est baignée par son regard tendre et ironique.
Le ventre de Paris
J’étais adolescente au pensionnat, trop jeune pour emprunter ces ouvrages à l’index, mais sœur Thérèse me permettait tout de même de lire Les Rougon-Macquart, fresque sociale en 20 tomes de Zola. Je n’oublierai jamais le choc ressenti en découvrant le Paris de cette époque. Avec Le ventre de Paris, j’ai craint pour la vie d’un bagnard, flairé l’absinthe, compris la cupidité d’une bourgeoisie, frémi à ses complots… Émile Zola a créé un univers foisonnant, plus vrai que nature. À lire et à relire, pour toutes les fanas de Paris!
L’art du suspense
Je débutais dans le métier quand j’ai eu la chance de lire cet ouvrage généreux dans lequel Patricia Highsmith livre ses secrets, confie ses doutes, confesse ses erreurs. Ses suspenses psychologiques et ses polars – Monsieur Ripley, Ces gens qui frappent à la porte, L’empreinte du faux – sont certainement les livres qui ont le plus influencé mon travail. Et j’ai lu et relu L’art du suspense, qui m’a guidée, conseillée, rassurée. C’est un livre «ange gardien», le seul que je n’ai jamais prêté de peur qu’il ne me revienne pas…
L’écriture ou la vie
Éblouissant de noirceur! Aigu, lucide et pourtant étonnamment romantique… Fuyant la guerre d’Espagne, l’auteur, Jorge Semprun, a vécu en France, où il est entré dans la Résistance. Déporté à Buchenwald en 1943, il choisit «l’amnésie volontaire» afin de survivre… L’écriture ou la vie relate l’indicible du camp de concentration et la façon dont cette plongée en enfer l’a transformé. Semprun, mort l’an dernier, a aussi signé les scénarios de plusieurs films. Avec ce roman, il nous donne un livre d’une dignité absolue.
Le Larousse de la cuisine Pourquoi? Parce que tout y est! J’ai 500 livres de cuisine, mais je consulte régulièrement Le Larousse pour la clarté des explications, la variété des recettes (les classiques de la cuisine française au grand complet) et les nombreuses informations. Je l’offre aux grands enfants de mes copines qui emménagent en appartement, car je sais qu’ils seront attirés par le gratin dauphinois, la simplissime blanquette de veau, qu’ils potasseront l’ouvrage pour séduire l’élu(e) de leur coeur… ce que j’ai fait moi-même bien évidemment!
Essais signés par un psychanalyste, un mythologue, une philosophe, prose et poésie sur les grandes questions de la vie… L’actrice nous invite à réfléchir.
Une femme
Quand tu goûtes à un livre d’Annie Ernaux, tu veux plonger dans tous les autres ! Dans celui-ci, elle parle de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. Comme la mienne… Le regard qu’elle pose sur cette femme, le fait qu’elle s’interroge sur elle-même m’ont touchée. Elle y aborde la compression du temps et la mémoire qui continue à vivre. Ça m’a portée à réfléchir sur ma propre histoire, sur la façon dont je vois ma mère à différentes époques. Grâce à cette lecture, j’ai plus d’outils pour la comprendre et apprivoiser son effacement.
Le temps du paysage
Pendant un séjour en Italie où elle faisait une résidence d’écriture, Hélène Dorion a appris que son père était très malade. C’est de cette expérience qu’est né ce livre-sentier fait de photos et de textes sur la mort et l’amour. Comme une marche en forêt. Sa poésie est prenante, inspirante, émouvante. Alors que j’arrive au mitan de ma vie, cette nourriture me fait du bien.
Humain, inhumain – Le travail critique des normes
La philosophe américaine Judith Butler nous permet de pénétrer au cœur du débat sur l’identité et le poids des normes. Un thème brûlant d’actualité en cette ère de pluralité des façons de se définir. Elle propose des pistes de réflexion passionnantes et remet en question la notion d’hétérosexualité comme norme obligatoire. Selon elle, on devrait d’abord se construire d’après ses désirs et non selon son identité sexuelle.
La peur de l’insignifiance nous rend fous
J’aime observer ce qui se passe dans la société. Carlo Strenger, psychanalyste et intellectuel athée, reçoit beaucoup d’anxieux dans son cabinet. Il prône de toujours préserver le respect de l’être humain et de la pensée libre, même quand ce qu’on entend nous tape sur les nerfs ! J’ai dégusté cet essai par petits bouts. Je notais une phrase, j’y pensais pendant deux jours… Son propos a changé ma manière d’argumenter et d’écouter, moi, l’impulsive. Il m’a poussée à l’analyse – m’accorder quelques secondes avant de parler –, mais aussi à l’action. Il m’est rentré dedans viscéralement
Puissance du mythe
Joseph Campbell était un grand mythologue américain. Ce livre touffu, écrit sous forme de conversations avec le journaliste Bill Moyers, nous amène sur le terrain de la spiritualité. Je l’ai lu en 1992, à un moment où je remettais en cause mes valeurs catholiques. Mes parents étaient croyants. Être athée m’apparaissait tout aussi religieux, tout aussi mystique qu’avoir la foi. Il y avait une conviction à renier Dieu. Cette question n’est toujours pas résolue pour moi. Je me sens incroyante, mais en quête de plus grand.
La comédienne, qu’on peut voir dans la deuxième saison de Plan B, a trouvé le temps de nous révéler ses choix de Sophie… littéraires.
Le lotus bleu
Ma sœur avait la collection complète des Tintin de Hergé et j’ai lu cette bédé vers l’âge de sept ans. Mais c’était un peu trop vieux pour moi. Je ne comprenais pas tout et j’étais terrorisée. Ça parlait d’un pays que je ne connaissais pas, pendant la guerre sino-japonaise. Tintin était méconnaissable dans son habit chinois. On y décrivait l’impression que les Européens avaient de la Chine. Les dessins étaient rouge sang. Et il y avait ce personnage qui disait : « Je vais te couper la tête ! » C’était à la fois beau, mystérieux et épeurant. Le colonialisme de l’histoire, l’ascendant d’un peuple sur un autre, a néanmoins influencé mes choix de lecture par la suite.
Le choix de Sophie
J’ai lu ce roman de William Styron avant de voir le film. C’est son titre qui m’a interpellée. Le récit m’a jetée par terre : un jeune auteur qui arrive à New York est très sensible à ce qui se passe à côté de chez lui. C’est long avant que le choix de Sophie soit dévoilé… On ne devine pas la suite. Toute l’histoire est teintée des croyances religieuses et du background des personnages. Un livre profond et bouleversant. Un très grand roman
La détresse et l’enchantement
Quand j’étais jeune, ma mère m’a beaucoup parlé de Gabrielle Roy, à qui elle vouait un grand respect. Cette écrivaine a été mon premier contact avec la culture québécoise et ma propre histoire, même si elle venait du Manitoba. Ce côté « né pour un petit pain », maladroit, notre espèce de réflexe de colonisés… Je pense à sa description du Montréal crasse pendant la guerre dans Bonheur d’occasion, par exemple. À ses parents invités au bal du gouverneur, mais qui, trop gênés, préfèrent regarder la fête par la fenêtre. Cette autobiographie m’a fait découvrir d’autres facettes de Gabrielle Roy. Elle s’adressait au Québec au complet.
Voyages avec ma tante
Graham Greene, qui a été journaliste et a signé des récits de voyage ainsi que des romans, dont plusieurs ont été adaptés au cinéma, est un écrivain très spécial. C’est un romancier fin, intelligent, qui écrit sur la nature profonde de l’être humain. Ici, c’est l’histoire d’un banquier à la retraite un peu plate et conventionnel qui s’occupe de son jardin en banlieue de Londres. Un jour, il part avec sa tante. Ça m’a marquée, ado, car elle est complètement flyée et fume du pot. Avec elle, l’homme d’affaires se retrouve dans des pays où il n’aurait jamais mis les pieds. J’ai aimé la confrontation de leurs deux mondes.
Les malheurs de Sophie
Je me suis reconnue dans ce livre de la comtesse de Ségur, par mon prénom. Et parce que Sophie n’était pas une enfant impeccable. Différente des fillettes modèles, elle faisait des gaffes, préparait du thé avec l’eau du chien. Ça me rassurait de constater que le monde n’était pas parfait. Ça se situait à une autre époque, mais je comprenais le texte, ce qu’on attendait des filles, soit la perfection et une espèce de sagesse. Ça m’impressionnait de voir que Sophie y dérogeait. Elle avait un côté rebelle sans méchanceté. J’avais enfin une relation avec un personnage attachant !
Animatrice de l’émission Plus on est de fous, plus on lit! à ICI Première, Marie-Louise Arsenault partage avec nous les lectures qui l’ont marquée.
Astérix et Cléopâtre
Les premiers livres que l’on lit restent ancrés en nous pour la vie. Je me souviens très bien des albums d’Astérix que nous empruntions à la bibliothèque de Chibougamau, des exemplaires un peu écornés qui sentaient l’humidité, et que ma sœur Mimi et moi dévorions en gloussant de plaisir. Aussi, je peux dire aujourd’hui que c’est Goscinny qui, le premier, a forgé mon imaginaire et mon humour (« Alors, les enfants, on s’énerve pas! ») et qu’il teinte encore le regard toujours un peu amusé que je porte sur le monde.
Dix petits nègres
Je dois probablement au talent d’Agatha Christie, que j’ai découverte enfant, d’être friande d’histoires policières où un meurtre bouscule l’ordre établi tout en faisant remonter à la surface le fragile équilibre entre le bien et le mal. Dans cette histoire que j’ai relue au moins 10 fois, les invités d’une fête macabre, tous coupables d’avoir commis un homicide, finiront par se perdre, non sans avoir fait face à l’horreur de leurs actes. Un chef-d’œuvre du genre, encore efficace 70 ans après sa publication.
1984
En 1949, George Orwell a imaginé un monde totalitaire où la violence, le contrôle et la propagande déterminent le quotidien de millions d’individus, asservis au pouvoir du fameux Big Brother, dont la surveillance constante empêche toute liberté. Toujours percutant, ce roman que j’ai lu beaucoup trop jeune, probablement pour impressionner mon grand frère, décrit un univers oppressant qui ressemble parfois étrangement à celui que nous avons construit, à coup de pubs pour crèmes rajeunissantes et de guerres « libératrices ».
L’amant
Lu à l’adolescence, ce court roman campé dans l’Indochine coloniale des années 1930 a été pour moi une révélation. Dans L’amant, Marguerite Duras raconte l’histoire de la jeune fille qu’elle a été à 15 ans, coincée entre son désir pour un riche étranger, une mère désespérée, un frère violent et le sceau de la pauvreté. Éprise de vérité, elle réussira à surmonter les interdits, dont celui, puissant, de la sexualité. Un roman initiatique où la lumière de l’Asie et la chaleur languissante des après-midi volés rythment des pages d’une grande sensualité.
Glamorama
On dit de Bret Easton Ellis qu’il est l’écrivain de la génération X, c’est-à-dire la mienne. Sa vision du monde, profondément désenchantée, ressemble à s’y méprendre au monde qui nous a été légué quand nous sommes arrivés à l’âge adulte, au tournant des années 1990. Dans Glamorama, un mannequin accroché aux mirages de la célébrité se transforme en dangereux terroriste. Une étude de mœurs déconstruite et chaotique – comme l’est de plus en plus notre monde – à la fois tragique et terriblement divertissante.
Station Eleven
Certains passages de ce livre d’Emily St. John Mandel m’ont donné des frissons… et continuent même à me hanter. On y suit des individus ayant survécu à une terrible maladie qui a décimé la population de la planète. L’auteure raconte leur destin et décrit les communautés que les survivants ont formées. Elle dépeint avec une grande efficacité les moments qui précèdent la tragédie et y succèdent ! Et elle réussit quelque chose de très difficile en fiction : créer un personnage célèbre — ici, un acteur — en lui donnant une aura de gloire crédible. Un roman curieux.
Emily St. John Mandel (2014)
Maîtresse
Ce roman brillant de l’Américaine Valerie Martin traite de l’esclavage dans les plantations de canne à sucre de la Louisiane du 19e siècle. Manon Gaudet n’aime pas son époux, et encore moins Sarah, leur esclave, que son mari force à devenir sa maîtresse et avec qui il a deux enfants. Lorsque celui-ci est assassiné, Sarah tente de s’échapper, en vain. Les deux femmes se retrouvent alors ensemble. Dans ce jeu horrible, il devient difficile de déterminer qui est l’esclave et qui est la propriétaire…
Valerie Martin (2004)
Le désert des Tartares
Un chef-d’œuvre! L’Italien Dino Buzzati y raconte l’histoire d’un jeune officier affecté à une garnison éloignée, à la frontière d’un empire qui n’est pas nommé. Et là, il attend l’invasion des barbares… qui ne se produit pas. Il passe toute sa vie à faire le pied de grue. J’ai pensé à En attendant Godot en le lisant. Deux ouvrages écrits à moins de 10 ans d’intervalle. Mais quel intervalle! Le siècle a basculé de l’époque moderne à postmoderne, de l’action à l’attente, de l’espérance à la crainte. Buzzati démontre une grande sensibilité dans ce texte lumineux.
Dino Buzzati (1940)
L’Iliade
Je tiens à ce bon vieux classique de la littérature, qui a traversé les siècles. Homère a signé une œuvre palpitante. C’est à mon sens une version ancienne de Game of Thrones, sans le sexe, mais aussi empreinte de violence sanglante. Celle-ci n’est pas gratuite, au contraire ! Jamais n’a-t-on aussi brillamment dépeint la tragédie de la guerre.
Ce qui m’a le plus fasciné, c’est la fluidité de ce récit, qui démarre en pleine action et se poursuit sans s’essouffler. Il s’agit de l’histoire toute simple d’un homme en colère, Achille, et des conséquences que cela entraîne. L’un des plus grands drames jamais racontés.
Homère (env. 750 av. J.-C.)
Disgrâce
Un classique moderne de J. M. Coetzee, lauréat du prix Nobel de littérature en 2003. C’est un écrivain au sommet de son art qui nous présente le parcours d’un professeur d’université qui tombe en disgrâce, dans un pays moralement aveugle. Malgré l’austérité du langage, ce portrait d’une Afrique du Sud qui se meurt et se transforme est extraordinairement subtil et vif. C’est bien la preuve que la grande littérature peut nous emmener vers une nouvelle réalité et lui donner vie.
J. M. Coetzee (1999)
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