Les parents sont des transmetteurs. De valeurs, de croyances, d’émotions. En cette fête des Pères, rendons hommage à ceux qui ont aussi transmis l’un des amours les plus enivrants : celui de la musique.
Cinq personnalités québécoises mélomanes dévoilent ici la musique qui, découverte grâce à leur père, les habite encore.
Charlotte Cardin-Goyer
Authentique, passionnée et lumineuse. Sur une scène, Charlotte Cardin-Goyer occupe tout l’espace. Tout au long de la première saison de La Voix, sur le plateau, nous avons aussi remarqué la présence de son père. Un homme qui, confie-t-elle, influence ses goûts musicaux depuis toujours.
Le band que mon père m’a fait découvrir : AC/DC, quand j’avais environ 10 ans.
La manière : En écoutant les disques à fond la caisse dans la voiture! Mon père adore chanter à tue-tête quand il conduit...
L’effet : La première chanson d’AC/DC que j'ai entendue, Thunderstruck, est encore ma préférée. La voix de Brian Johnson m’a accrochée dès les premières secondes, et le style musical m’a intriguée.
Un moment fort : Le concert de John Mayer au Centre Bell, il y a trois ans. On a vraiment tripé, parce que c’est un artiste qu’on adore tous les deux.
Quand la fille prend la relève… Maintenant, on se fait mutuellement découvrir des artistes. Justement, il y a quelque temps, ma sœur et moi lui avons fait écouter la chanteuse anglaise Imogen Heap, qu’il ne connaissait pas. Il est allé acheter tous ses albums!
La musique, ça rapproche? D’une certaine façon, oui. Elle nous a toujours permis de passer de beaux moments ensemble…
Photo: Donat Boulerice
Thomas Hellman
Le père de Thomas est Texan. Sa mère, Niçoise. Ils se rencontrent à Paris à la fin des années 60, alors qu’ils sont étudiants. La jeune étudiante accepte de suivre son nouvel amant en Amérique à une condition : que leurs futurs enfants soient élevés dans un milieu bilingue.
De cette promesse tenue naît Thomas à Montréal. La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre, dit-on. À l’écoute des disques de Thomas, c’est évident : l’auteur-compositeur s’intéresse autant à la langue française qu’à ses racines texanes…
La musique que mon père m’a fait découvrir : Pour m’endormir, il me chantait de vieilles chansons folk américaines. Le type de chansons transmises de pères en fils, de génération en génération. Des cowboy songs qu’il a apprises sur le ranch familial au Texas. Vous savez que ces chansons étaient aussi jouées pour calmer les vaches!
Un moment marquant : Quand j’étais petit, on a fait un road trip jusqu’au parc Yellowstone dans le Wyoming. Mon père a fait jouer du Jimmie Rodgers tout au long du voyage! Ce vieux son des années 30 ainsi que le fameux yodel de Rodgers, drôle pour un enfant, ont énormément influencé mon parcours.
Le début des concerts : La Bottine Souriante, à l’âge de huit ans. La musique traditionnelle me fascine tout autant.
Quand le fils prend la relève… J’ai appris mon métier au Café Sarajevo. Pendant deux ans, j’y jouais une fois par semaine. Pendant deux ans, chaque fois que j’y étais, mon père venait faire un tour au café pour m’écouter.
Un symbole : Le banjo qu’il m’a offert.
Photo : Mathieu Rivard
Damien Robitaille
Il est unique; sa musique l’est tout autant. Celui qui a grandi à Lafontaine, en Ontario, est arrivé au Québec avec la ferme intention de continuer de composer en français. En 2005, il devient d’ailleurs le tout premier artiste francophone hors Québec à être déclaré grand gagnant des Francouvertes.
Désormais une figure incontournable de notre paysage musical, Damien raconte ici des brins de vie qui ont indéniablement eu un impact sur son parcours…
Le band que mon père m’a fait découvrir : Soldat Louis, un groupe rock de Bretagne qui intègre dans sa musique des instruments du folklore, comme la cornemuse et la bombarde (autre instrument à vent). Mon père m’a aussi fait découvrir beaucoup de folk, notamment Neil Young et John Prine. Au début, Neil Young, je trouvais qu’il avait une drôle de voix!
La manière : Avec sa vieille guitare Gibson, dans la fourgonnette ou autour d’un feu de camp.
Les « vrais » concerts : Je pense que j’ai vu John Prine avec mon père, mais j’étais trop jeune pour m’en souvenir! (Rires.) Sinon, mes parents nous traînaient souvent dans les festivals folk partout en Ontario…
Si Damien devient papa… Si j’ai un enfant un jour, les premières chansons que je lui ferai entendre sont celles des livres de La Bonne Chanson. Des classiques!
La musique, ça rapproche? J’ai appris à jouer de la guitare après le décès de mon père, il y a presque 20 ans déjà. Ça m’a beaucoup aidé à vivre mon deuil… Chanter, c’est pour moi une façon d’être près de mon père même s’il n’est plus là.
Photo : Jocelyn Michel
Marie-Louise Arsenault
Marie-Louise Arsenault anime l’émission Plus on est de fous, plus on lit! à la Première Chaîne de Radio-Canada, du lundi au jeudi. Si vous la suivez sur Twitter, vous savez que, parmi ses missions quotidiennes, il y a aussi la découverte continuelle de musiques de tous les horizons. Ça en dit beaucoup sur la fille : curieuse et allumée, férue de nouvelles sonorités. (On la soupçonne d’écouter du rock’n’roll même lorsqu’elle lit.
La musique que mon père m’a fait découvrir : Charles Aznavour, Joe Dassin, Gilbert Bécaud… La chanson française jouait beaucoup chez nous. Il affectionnait aussi les grands crooners américains, comme Bing Crosby. J’ai grandi avec ces voix-là…
L’effet : Mon père m’a probablement rendue très sensible aux voix, aux interprétations des chansons. Les voix qui me touchent sont celles qui sont habitées, celles qui ont du caractère.
Et les mots? La nuit je mens, je prends des trains à travers les plaines, la nuit je mens, effrontément… Les textes d’Alain Bashung ne me laissent pas indifférente. J’aime qu’ils soient à la fois métaphoriques et poétiques, sans être trop abstraits.
De concert avec papa : Mon père est décédé quand j’avais quinze ans; je n’ai pas eu la chance de voir beaucoup de concerts avec lui. Il m’accompagne toutefois souvent dans mon travail.
Je me souviens notamment d’avoir pensé très fort à lui lorsque, plus tôt dans ma carrière, j’ai interviewé Gilbert Bécaud et Nana Mouskouri. En préparant mes questions, je revoyais mon père passionné, et intérieurement, j’espérais de tout cœur que Gilbert et Nana soient, dans la réalité, à la hauteur de l’amour que mon père leur portait…
Photo : Radio-Canada
Olivier Robillard-Laveaux
Olivier Robillard-Laveaux est critique musical au journal Voir depuis plus de 10 ans. Il est devenu chroniqueur à l’émission télé du même nom, il y a quelques années, et on a pu le voir à C’est juste de la TV (ARTV) et à Débat critique (MusiquePlus).
Lorsque je lui ai demandé quel band son père lui avait fait découvrir, il m’a répondu qu’il allait y penser. Voici pourquoi.
Le band que mon père m’a fait découvrir : Je ne peux pas en nommer un. J’ai réalisé, après ton appel, que mon père m’a fait découvrir la musique. Des Rolling Stones à Jay-Jay Johanson… Toute la musique. La musique tout court, tu comprends?
Le premier contact significatif : Mon père avait un petit studio à la maison. Un jour, j’avais environ quatre ans, mon père avait composé une chanson et m’avait demandé de chanter par-dessus. Il avait fallu que j’improvise des paroles, une mélodie… J’avais fini par raconter la vie quotidienne d’un policier. Il a encore ça sur tape dans ses affaires…
Les premiers concerts : Michel Rivard au Théâtre Saint-Denis en 1992 pour la tournée Le goût de l’eau. Jeune, je me souviens aussi d’avoir vu Les Colocs et Plume Latraverse pour un grand spectacle au parc Saint-Laurent de Repentigny.
La séparation : Quand je suis parti de chez mes parents, la première chose que je suis allé acheter, c’est une chaîne stéréo comme celle de mon père. Évidemment, il est venu au magasin avec moi…
La continuité : Ma fille Charlotte a cinq ans, et déjà, elle aime plusieurs artistes qu’on écoute à la maison. Karim Ouellet, par exemple, qui est hyper entraînant, ou Philippe Katherine (Laissez-moi manger ma banane!), qui accroche avec ses paroles ludiques. Notre propre enthousiasme l’influence aussi, c’est sûr. (Rires.)
Fils critique… père influençable? Certaines de mes critiques influencent ses achats, oui, mais il n’aime pas tout ce que j’encense…
Photo : ARTV/Pierre-Luc Dufour
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