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Culture

Série «Adolescence»: un message fort pour les parents

Cette série de Netflix éclaire et complique à la fois les débats autour des responsabilités parentales à l’ère du numérique. Trois experts décortiquent les messages à retenir et donnent leurs meilleurs conseils.
Par Bobbe Hayes, de Today’s Parent
Série «Adolescence»: un message fort pour les parents

Photo: Netflix

« Qu'est-ce que les parents auraient pu faire différemment ? » Cette question est au cœur d'Adolescence, la série à succès de Netflix qui suit une famille dont le fils est arrêté pour le meurtre d'une camarade de classe. Ce débat revient toujours lorsqu'un enfant commet un acte violent, mais la série prouve que le problème est complexe et la réponse, pas si facile à trouver.

À peine deux semaines après sa mise en ligne le 13 mars 2025, Adolescence s'est hissée au sommet du classement des séries les plus regardées de Netflix. Saluée par The Guardian comme « le meilleur drame de 2025 jusqu'à présent », elle a obtenu un score exceptionnel de 99 % de critiques positives sur le site Rotten Tomatoes et s’est attiré les éloges du premier ministre de la Grande-Bretagne, Keir Starmer, et de personnalités comme l’acteur et producteur anglais James Corden

L'histoire suit Jamie Miller (interprété par Owen Cooper), 13 ans, dans les mois qui suivent son arrestation liée à la mort d'un camarade de classe. Alors que le garçon attend son procès, la série alterne entre le point de vue de ses parents, qui cherchent désespérément des réponses, et celui des autorités, qui constituent un dossier d’accusation contre lui. D’un côté comme de l’autre, la révélation que les actes de Jamie ont pu être influencés par des communautés en ligne misogynes s’avère troublante.

La série a trouvé un écho profond chez les parents de garçons et de filles, même si elle est centrée sur l'auteur des faits et sa famille (l’impact sur la famille de la victime est laissé de côté, ce qui a suscité des critiques). Il en a résulté une conversation importante mettant en lumière la menace croissante de l'idéologie des « incels » et le besoin urgent de s'attaquer à la radicalisation en ligne avant que celle-ci n'atteigne un point critique.

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Nous nous sommes entretenus avec des experts en sécurité numérique et des intervenants du milieu communautaire afin de découvrir comment les parents peuvent repérer les signaux d’alarme, assurer la sécurité de leurs adolescents et en discuter avec eux. 

Que raconte Adolescence?

Alerte aux divulgâcheurs : nous avons choisi de raconter la série pour mieux mettre en contexte les conseils des experts.

Adolescence est une série de quatre épisodes qui suit l’enquête policière à propos du meurtre présumé d'une adolescente, Katie, par un camarade de classe. L'agression et les circonstances qui l'ont précédée sont d'abord laissées dans le flou, tandis que les téléspectateurs suivent les scènes chaotiques et chargées d'émotion qui se déroulent le matin de l'arrestation de Jamie. 

Le choc et la perplexité ressentis par son père Eddie (Stephen Graham), désigné comme son accompagnateur au début des procédures, sont palpables pour les téléspectateurs.

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Jamie n'est pas un adolescent turbulent. C'est un enfant apparemment doux et au comportement encore très juvénile. Cependant, au fur et à mesure que le premier épisode avance, tout doute sur sa culpabilité s'estompe, car l'inspecteur Luke Bascombe (Ashley Walters) et la sergente-détective Misha Frank (Faye Marsay) présentent à Jamie et à son père des images de vidéosurveillance qui en constituent la preuve irréfutable.

Dans le deuxième épisode, nous suivons l'enquête alors que Bascombe se rend à l'école de Jamie afin de recueillir des informations sur l'arme du crime. L'environnement est chaotique et les élèves sont peu coopératifs jusqu'à ce que le fils du policier, Adam (Amari Bacchus), qui étudie également à cet endroit, se porte volontaire pour expliquer la signification de certains emojis que Katie avait utilisés dans des commentaires sur le profil Instagram de Jamie.

Selon Adam, Katie qualifiait publiquement Jamie d'« incel », un mot-valise (composé des mots « célibataire » et « involontaire ») utilisé pour décrire les hommes qui éprouvent du ressentiment envers les femmes en raison de leur manque d'expériences romantiques ou sexuelles et font l’apologie de la violence envers les personnes de sexe féminin.

Erin Doherty incarne, dans le troisième épisode, la thérapeute chargée de l'évaluation psychologique de Jamie avant son procès. Au cours de leur conversation, Jamie révèle qu'il a tenté d'inviter Katie à sortir après qu'une photo d'elle seins nus a été diffusée parmi ses camarades de classe à l’aide de Snapchat. Il explique qu'il avait l'intention de la réconforter, mais que Katie l'a rejeté et lui a ensuite envoyé des émojis pour se moquer de lui.

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Jamie n'admet jamais sa culpabilité, mais ses sautes d'humeur donnent une réponse sans équivoque à la légitime question « Ce jeune garçon aux manières douces aurait-il pu commettre un geste aussi horrible ? ».

Enfin, le dernier épisode nous plonge dans la vie de la famille Miller un an après les attentats, alors que les parents et la sœur de Jamie s’efforcent de s'adapter à leur nouvelle réalité, à l'approche du procès. C'est à ce moment-là que les parents de Jamie doivent regarder en face leur propre rôle dans la tragédie. Qu'est-ce qui a mal tourné ? Y a-t-il eu des signes avant-coureurs ? 

Pourquoi Adolescence remporte-t-elle un grand succès?

La série a été saluée pour son originalité, tant en raison du sujet traité que des aspects techniques de la production. Chaque épisode d'Adolescence est filmé en une seule prise, sans aucun montage, malgré les fréquents changements de lieux, les scènes de foule chaotiques et les changements de points de vue. L'effet est d'un réalisme impressionnant, comme l’écrit Robert Lloyd du Los Angeles Times : « lorsque l’image ne coupe jamais, le spectateur, comme les personnages, est pris au piège dans ce monde ».

Au-delà des éloges officiels de la critique, la série a été largement saluée par les téléspectateurs et sur les médias sociaux, ainsi que par des experts en cybersécurité. « En tant que mère d'un garçon de 16 ans, cette série m’a touchée », a déclaré Titania Jordan, auteure du livre Parental Control : A Guide to Raising Balanced Kids in the Digital Era (Contrôle parental : un guide pour élever des enfants équilibrés à l'ère du numérique) et cheffe du marketing pour  l'application de contrôle parental Bark (non disponible au Canada).

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Titania Jordan, qui a publié sur Instagram ses cinq principales leçons à tirer de la série, a décrit les réactions comme étant chargées dans les deux sens : « Les réactions allaient de “c'est quatre heures de ma vie que je ne récupérerai jamais” à “c'est la plus belle et la plus puissante œuvre cinématographique que j'ai vue depuis des années, et cela m'a bouleversée” ». À son avis, une chose est sûre : elle a reçu de nombreux messages privés de la part de parents qui ont tout à coup ressenti le besoin de demander des conseils de sécurité en ligne pour leurs adolescents.

Adolescence est-elle basée sur une histoire vraie? 

Pas exactement, mais comme l'a expliqué le co-créateur Stephen Graham, la série reflète des tendances à la fois mondiales (les discussions sur les influences toxiques des médias sociaux rappellent le tristement célèbre Andrew Tate) et locales au Royaume-Uni (des attaques à l’arme blanche y ont fait les manchettes au cours des dernières années).

La série n'a cependant pas besoin d'être entièrement ancrée dans la réalité pour faire écho aux tendances et aux angoisses de son époque. Selon Olivia Boukydis, responsable par intérim du département des Services sociaux communautaires à l'université de Guelph-Humber, en Ontario, la série souligne avec succès le fait qu’il n’est pas toujours facile d’identifier les influences dangereuses en ligne. 

« L'un des grands défis pour les parents est de réaliser qu’ils ne peuvent pas tout contrôler quand il est question de la protection de leurs enfants », explique Olivia Boukydis. « Je pense que cette émission révèle que le contenu en ligne n'a pas besoin d'être alarmant ou explicite pour être nuisible. Il peut se présenter sous des formes plus subtiles. »

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Selon Titania Jordan (dont l'application Bark surveille l’activité en ligne des enfants en temps réel), c'est précisément la raison pour laquelle les parents doivent s’informer au sujet des risques numériques les plus récents et des tendances de la communication en ligne chez les jeunes. « La série était juste en ce qui concerne la cyberintimidation, dit-elle. Les enfants sont vraiment méchants les uns envers les autres en ligne. »

Elle souligne également l'importance dans l'histoire du langage codé qui échappe souvent aux parents, en particulier l'utilisation d'emojis qui véhiculent des messages cachés (et inappropriés). En tant que mère, cependant, elle considère que l'aspect le plus réaliste de la série est peut-être le sentiment d'impuissance des parents qu'elle reflète. « Nous avons donné un accès au Web à nos enfants. Nous ne savons pas quoi faire. Nous ne savons pas comment réduire cet accès. Nous ne savons pas comment le rendre plus sûr ».

Titania Jordan n'est pas la seule experte en sécurité numérique à penser qu'Adolescence rend compte d'une dure réalité parentale. « Il était tellement évident que les parents de Jamie étaient généralement bien intentionnés et très “normaux”, et pourtant la pire des catastrophes parentales s'est abattue sur eux, déclare Yaron Litwin, directeur marketing de Canopy, une autre application de surveillance parentale numérique. Ce n'étaient pas de “mauvais parents”, mais des parents typiques ! Je pense que c'est ce qui va marquer les téléspectateurs longtemps après la diffusion de la série. »

Que peuvent apprendre les parents en regardant Adolescence?

Les parents particulièrement férus d'Internet (ou d'actualités) connaissent la culture des «incels» dans ses grandes lignes. « Ils ont probablement entendu le terme “masculinité toxique”, mais ils ne comprennent pas vraiment le terme “incel”. Ils ne savent pas vraiment ce que cela signifie », déclare Titania Jordan. Yaron Litwin partage ce sentiment. « Il y a quelques années, le phénomène n'était pas aussi connu. Ces dernières années, nous avons constaté une augmentation des inquiétudes et des questions sur la manière dont Canopy peut aider à lutter contre ce type de contenu, et sur la manière de s'engager dans la “parentalité numérique” en général. »

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Les applications telles que Canopy et Bark sont des outils pour les parents qui souhaitent assurer la sécurité de leurs enfants en ligne, mais même leurs partisans soulignent que l'approche globale doit être beaucoup plus vaste. « Il ne suffit pas d'installer des contrôles parentaux, déclare Yaron Litwin. Il est essentiel que les parents s'impliquent suffisamment dans la vie de leurs enfants pour détecter les signes inquiétants, promouvoir la culture numérique et maintenir un dialogue ouvert et honnête sur tous les sujets importants et difficiles, comme ceux dépeints dans Adolescence. »

Titania Jordan est d'accord et elle invite les parents à ne pas détourner le regard lors des scènes provocantes de la série. « Vous savez, à la fin de la série, lorsque les parents sont en deuil ? », demande-t-elle en évoquant les scènes chargées d'émotion qui montrent les parents de Jamie essayant désespérément d'identifier leurs propres erreurs et n'y parvenant pas.

Dans une scène, il est mentionné que Jamie passait le plus clair de son temps enfermé dans sa chambre avec son ordinateur, et c'est là que Titania Jordan croit qu'ils ont commis une grave erreur. « Les parents sont affligés par le fait qu'ils pensaient que leur fils était en sécurité dans sa chambre, mais ce n'était pas le cas, parce qu'il avait un accès illimité à la technologie. Ce que cette série doit faire, c'est convaincre les parents de ne pas autoriser ces technologies connectées dans les chambres à coucher. Vous ne pouvez pas donner accès à Internet à votre enfant en vous disant qu’il ne ferait jamais rien de mal parce que les bons enfants font de mauvais choix et qu'ils sont tous très facilement influençables. »

Ces points de vue ne sont pas seulement anecdotiques : Olivia Boukydis, qui a travaillé avec des jeunes au Royaume-Uni et en Amérique du Nord, affirme que les parents et la société dans son ensemble ont tendance à être réactifs plutôt que proactifs lorsqu'il s'agit d'influences néfastes en ligne. « Notre esprit est davantage occupé par des contenus explicites, directs et alarmants, explique-t-elle. En conséquence, nous nous éloignons de la création d'un espace pour certaines de ces influences plus subtiles. »

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Elle cite des personnalités comme Andrew Tate, dont la rhétorique n'est devenue une préoccupation générale que lorsque ses effets sur les jeunes garçons ont été indéniables dans le monde entier, et souligne que les parents ne devraient pas se contenter de surveiller l'activité en ligne de leurs enfants; ils devraient s'y impliquer activement.

« Co-visionner et s'intéresser à ce que regardent vos enfants peut favoriser les conversations sur le contenu », explique Olivia Boukydis, et permet même aux parents de réfléchir à leurs propres habitudes numériques. Si les enfants peuvent observer ce que font leurs parents et les voir expliquer : « Je m'intéresse à ce contenu, mais je me rends compte maintenant qu'il me met trop de pression »... cela leur montre ce que signifie fixer des limites.

Qui peut soutenir les parents inquiets?

« Si votre instinct de parent ou votre radar s'éveille et que vous êtes inquiet, ne commettez pas l'erreur d'essayer de tout gérer par vous-même, dit Titania Jordan. Demandez à votre enfant de parler à un adulte de confiance qui n'est pas vous, qu'il s'agisse de son pédiatre, d'un conseiller scolaire ou d'un thérapeute si vous pouvez vous le permettre. Ils sont capables d'amener les enfants à s'ouvrir et à parler de certaines choses auxquelles ils ont été exposés. Parfois, nos enfants nous ignorent en tant que parents, mais ils écouteront d'autres adultes en qui ils ont confiance. »

Olivia Boukydis insiste également sur l’importance pour les parents de créer des relations et de  s’intégrer à la communauté afin de mieux soutenir leurs enfants. « Je pense que la parentalité peut donner l'impression d'être une expérience cloisonnée, où l'on fait tout de travers. Il peut être très utile de commencer par trouver des contacts pour partager des ressources, du soutien et des commentaires », dit-elle.

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Au Québec, plusieurs organismes peuvent offrir du soutien et des services en cas de cyberharcèlement, notamment. Par exemple, Tel-Jeunes (textos de 8 h à 22 h 30 au 514-600-1002, appels au 1-800-263-2266 de 6 h à 2 h et clavardage sur le site de 8 h à 22 h 30) et Jeunesse, j’écoute (tous les jours sans interruption, par texto en textant le mot PARLER au 686868, ou par téléphone au 1 800 668-6868) ont des intervenants formés pour répondre aux préoccupations des jeunes et de leurs parents.

Enfin, selon Titania Jordan, ne négligez pas la ressource qui se trouve juste sous votre nez : l'enfant concerné. « Dites-lui que vous avez regardé une émission qui vous a bouleversé. Demandez-lui s’il a vu quelque chose de semblable en ligne et si ses amis en parlent, encourage-t-elle. Parlez-lui au lieu de lui faire la morale et faites-lui comprendre qu'il est en sécurité. Vous ne leur demandez pas cela pour les attraper et les punir, mais parce que vous êtes inquiet et que vous vous souciez de lui. »


La version originale (en anglais) de cet article a été traduire par l’équipe de Châtelaine en avril 2025.

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