Photo : Nicolas Blanchet
Curieuse, obstinée et intense, je pense. J’ai beaucoup d’intensité.
La parfumerie. J’ai toujours adoré les parfums, surtout ceux dits de niche. Je les collectionne, je m’informe, je lis sur cet univers. Pour moi, c’est un art au même titre que la musique, la photographie… Le parfum m’accompagne dans ma vie de tous les jours. Je choisis celui que je vais porter dans la journée selon mon humeur, selon ce que j’ai envie d’évoquer.
Je suis obsédée par Mitsouko, de Guerlain, que je n’arrive pas à porter en public. Il est trop daté, trop ancien. Je le porte parfois chez moi. En privé. À l’automne. Il a été créé par monsieur Guerlain en 1912. À l’époque, c’était un parfum révolutionnaire, féministe, très mystérieux, un chef-d’œuvre !
J’adore Paris, mais y rester trop longtemps finirait par m’étouffer. En fait, je n’ai jamais vécu ailleurs. J’aimerais ça. J’irais quelque part de plus wild. La Tanzanie, par exemple. À Zanzibar, tiens ! Pour vivre autre chose, manger autre chose, me coucher à d’autres heures, entendre d’autres sons.
Mes parents. Ils sont gentils, pas compliqués, beaucoup dans le don de soi, jamais dans la médisance. Ce sont des gens profondément bons. La bonté me touche. La vraie bonté, pas celle qui est intéressée.
La patience. J’ai un tempérament très dans l’action. J’ai parfois de la difficulté à comprendre pourquoi c’est lent, pourquoi c’est long. Et en cinéma, on attend beaucoup. Alors, j’ai toujours un livre avec moi. Il faut que j’accomplisse des choses pendant que j’attends, je ne veux pas passer mon temps sur mon iPhone. J’en profite pour me lancer dans des lectures qui demandent un effort intellectuel, voire émotionnel. Comme L’ordre du temps, du physicien et mathématicien italien Carlo Rovelli, que j’ai lu récemment. C’est un livre vraiment extraordinaire. Il faisait chauffer mes neurones ! Je devais choisir les bons moments pour me plonger dedans.
Salé. Olives, fromages, verre de vin, mon bonheur. J’essaie d’arrêter de manger du pain et du fromage, mais je n’y arrive pas. Sophia Loren disait : « J’aime mieux avoir 10 livres en trop et manger du fromage et boire du vin. » Je pense comme elle.
Visiter la maison de Schubert, à Vienne. J’aime beaucoup le classique, en particulier la musique de chambre de Schubert, que j’ai découverte par le cinéma grâce au film La pianiste, de Michael Haneke. Le personnage très complexe, interprété par Isabelle Huppert, joue du Schubert. Cette musique m’a happée. Schubert et moi, on aurait été de bons amis. On a un univers sensible commun. J’ai envie d’aller dans sa maison.
La graine et le mulet, d’Abdellatif Kechiche. Je l’ai vu au cinéma, et j’en suis sortie avec un besoin de m’aérer, de respirer. C’est un film nerveux, hermétique, centré sur le rituel du repas. Il a changé ma vie, car je me suis dit : ça peut être ça, le cinéma. Il y a une vérité dans ce film que je trouve très difficile à atteindre non seulement au cinéma, mais dans l’art en général.
Mon dieu, de deux millions d’affaires ! La folie, les maladies graves, les accidents. Je peux être très hypocondriaque.
Patti Smith, pour sa musique, sa poésie, sa rébellion… On aime les mêmes choses. William Blake, Baudelaire, Rimbaud, les auteurs qui ont marqué son adolescence sont les mêmes que moi. Relire Patti Smith ou l’écouter en entrevue me fait du bien. Je passerais une belle soirée avec elle.
Faire pousser des fleurs avec mon doigt. Je pointe un endroit et une fleur y pousse. Je dis orchidée, et hop ! une orchidée pousse. Je créerais des jardins partout, j’embellirais le monde.
Crémière, pendant trois étés. J’ai aimé ce contact avec la joie. Les gens sont joyeux quand ils viennent chercher un cornet.
Comme j’adore les enfants, je pourrais être enseignante. Je me sentirais utile. Car en vérité, je me sens terriblement inutile. J’ai des idéaux de communauté, d’entraide. Dans mon building, il y a des médecins, des thérapeutes… On pourrait tous s’entraider. Mais moi, qu’est-ce que je peux faire, moi ? Aller leur dire un poème ? Ben non. Ce n’est pas intéressant. Avoir le sentiment de contribuer à la société, je trouve ça important. Mais mon métier n’est pas un acte de générosité. Quand je travaille, je n’ai pas l’impression de contribuer, je suis ma passion. En revanche, quand je garde les enfants de ma voisine exténuée, par exemple, je me sens utile. Bref, être enseignante, j’aurais pu le faire.
Vouloir plaire aux autres. Je me suis longtemps sentie différente, et ça m’a complexée. Alors pour obtenir la validation des autres, je me suis censurée. Ça ne me tente plus. Tranquillement, je redeviens moi-même, j’assume mon univers singulier. Et j’essaie d’expliquer à mon fils que ce qui nous rend uniques nous rend plus forts. Quand tout autour de nous crie « conforme-toi, sois comme les autres, pense comme les autres, habille-toi comme les autres », c’est facile de se laisser emporter par le courant de la conformité. Alors je tente de lui apprendre que chacun a ses dons, sa lumière, sa personnalité. Et qu’il est important de ne pas perdre cette lumière, car c’est à ce moment-là qu’on s’éteint, qu’on devient moins intéressant.
Ça ne sert à rien d’être trop volontaire. Il faut mesurer nos ambitions, laisser la vie nous montrer le chemin et rester ouvert. Il ne sert à rien de toujours être en mode « je voudrais faire ci, je voudrais faire ça ». Savourons ce qui est là et cessons d’être tout le temps dans l’insatisfaction. Ça fait partie de l’humain d’être insatisfait et d’en vouloir toujours plus, mais c’est un puits sans fond.
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Journaliste depuis plus de 30 ans, Daniel Chrétien se passionne pour les magazines. Il a notamment mis sa plume au service de Québec Science, de L'actualité et de Châtelaine, où il a travaillé comme rédacteur en chef adjoint pendant cinq ans. Au cours de sa carrière, il a remporté une dizaine de prix de journalisme, dont le prix Jean-Paré, remis au journaliste magazine de l'année au Québec. Aujourd'hui journaliste indépendant, il continue à collaborer avec Châtelaine sur une base régulière, en signant des reportages culturels ou traitant de sujets sociaux qui touchent les femmes.