Art de vivre

Édith Cochrane : au naturel

La coanimatrice des Enfants de la télé a le sens de la répartie et l’esprit vif. A-t-elle aussi le pouce vert ? C’est ce qu’on découvre dans la série documentaire C’est plus qu’un jardin. Entre deux arrosages, Édith Cochrane entrouvre son jardin secret, parle de ses trois enfants, d’une certaine culpabilité qui l’habite, et de la voix de sa sœur qui, à tout coup, la fait pleurer…

Édith Cochrane

Photo : Andréanne Gauthier

Je la reconnais de loin à sa chevelure dorée, ébouriffée et attachée au sommet de sa tête. Elle m’attend par un après-midi frisquet dans un parc d’Outremont. Et elle est au téléphone, peut-être en interview avec un autre journaliste, qui sait ? Car la comédienne et animatrice est partout : du 7 Jours à La Presse, du site à potins Hollywoodpq.com à la grand-messe du dimanche soir, Tout le monde en parle.

La raison de ce battage médiatique ? Sa présence et celle de sa famille dans une série documentaire sur le jardinage. « J’habite à côté, on aurait pu faire ça sur ma terrasse, me lance Édith Cochrane, cherchant du regard une table de pique-nique libre. Mais il y a eu un cas de COVID à la garderie de ma fille, et elle est en confinement. »

Coïncidence : ce soir-là, Adélaïde, 3 ans et blonde comme les blés, faisait ses débuts à l’écran, en même temps que ses frères, Paul-Émile (10 ans) et Siméon (13 ans). Dans C’est plus qu’un jardin (sur le site web en tout temps et jusqu’au 1er juillet sur la chaîne UnisTV), le clan Bilodeau-Cochrane au complet essaie d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et la carboneutralité à son chalet des Laurentides. Construction d’un poulailler et d’une toilette sèche, culture de semis, élevage de grillons pour en faire de la farine…

« Le tournage a eu lieu l’an dernier, pendant le premier confinement », explique la fan de Greta Thunberg. Ce retour à la terre a connu des résultats, disons, moyens. Un vison a mangé les poules. « Et nous, on a mangé deux ou trois tomates », résume Édith, qui entend bien prendre sa revanche sur dame Nature cet été. La deuxième saison est actuellement en tournage, cette fois à leur maison en ville. Récolteront-ils assez de tomates pour cuisiner une sauce ? Réponse l’an prochain.

Des enfants à s’occuper

Elle dit avoir hésité avant de s’embarquer dans cette folle aventure, « même si le concept répond à nos valeurs et qu’on était déjà dans cette démarche-là ». Le hic : accepter voulait dire exposer ses enfants. « Sur ce sujet, mon chum et moi n’avons pas la même opinion. Manu aimerait les avoir tout le temps avec lui, qu’il y ait des caméras ou pas, il les emmènerait sur scène, ce serait La mélodie du bonheur ! Pour moi, c’est plus compartimenté. Une mère doit un peu s’affranchir de sa maternité, c’est une façon de s’appartenir, de garder un peu d’indépendance… »

Sauf que la pandémie, là comme ailleurs, a changé la donne. « Il fallait occuper nos enfants. L’école à la maison, ce n’est pas optimal. Ce projet est arrivé, il devenait fédérateur. Tout était encadré, structuré. L’équipe de tournage arrivait à 7h, il fallait être prêts. » Siméon et Paul-Émile ont eu la piqûre, semble-t-il. On les a vus récemment à bord d’un vaisseau spatial dans une pub télé d’Helix, plateforme de Vidéotron. « Ils sont inscrits dans des agences différentes, pour qu’il n’y ait pas de chicane. Pour l’instant, ils tripent, ils passent des auditions, c’est une activité, ça les déscotche des jeux vidéo. »

Suivront-ils les traces de leurs célèbres parents ? Édith hausse les épaules. « Paul-Émile, peut-être… J’aimerais qu’ils essaient toutes sortes de choses, comme je l’ai fait à leur âge. Ensuite, à eux de trouver. Et quand tu trouves la bonne affaire, c’est tellement satisfaisant et jouissif ! » Elle le sait pertinemment. Cette révélation, elle l’a vécue il y a 35 ans.

Édith Cochrane

Photo : Andréanne Gauthier

Comique-née

La scène se passe vers 1985, à LaSarre, hameau abitibien à 700 km au nord de Montréal. Une fillette regarde la télé. Ce n’est pas dans ses habitudes, et cela n’a pas changé, même si la coanimatrice des Enfants de la télé ne le crie pas sur les toits.

Radio-Québec (devenue Télé-Québec) diffuse un match de la Ligue nationale d’improvisation (LNI) et Édith, 8 ans, est médusée. « Je vois ça et je me dis : je peux le faire ! » Sarah, sa sœur cadette, confirme. « Dans les partys de famille, c’était elle la comique, celle qui entertainait. Édith a un talent inné, elle est drôle naturellement, sans avoir fait l’École de l’humour. Elle me fait rire encore. »

Oui, Édith est née avec ce grain de folie qui amuse et déride, un don du ciel dont elle tire profit comme passe-temps, qui lui « donne un buzz ». D’ailleurs, à l’époque, ses parents font de l’impro dans les bars de La Sarre, puis plus tard à Montréal, et son père a même déjà pensé devenir acteur. Mais, dans la « vraie vie », monsieur et madame sont éducateurs spécialisés. Ils ont aussi le cœur sur la main, une qualité qu’ils transmettent à leurs deux filles.

À 20 ans, Édith s’inscrit à l’UQAM en enseignement du français et de l’histoire au secondaire. Les week-ends, elle travaille auprès de jeunes placés dans des foyers. « J’avais la responsabilité qu’ils ne se sentent pas abandonnés. Pour certains, j’étais leur seule oreille…»

À l’opposé de cette noirceur, sur la patinoire de la LNI, la future enseignante cherche la lumière. Et c’est l’improvisatrice, une joueuse étoile, qui brille.

Jean-Michel Anctil fait alors partie de son équipe. «­ Elle est drôle, juste, efficace, avec un sens du punch, se souvient-il. Ç’a été un coup de foudre professionnel. » Alors, quand un réalisateur lui parle de l’adaptation prochaine d’une série humoristique britannique, The Sketch Show, Jean-Michel n’hésite pas. « Je lui dis : il faut que tu voies cette fille ! »

Jean-Michel refile à Édith des enregistrements de l’émission originale et ajoute qu’il a vanté ses mérites. Elle s’emballe… et remballe vite ses espoirs. « Les producteurs voulaient des comédiens connus et refusaient de me rencontrer », se remémore-t-elle. Les mois s’écoulent. Édith fait de la suppléance dans les écoles.

« Un jour, j’apprends d’Antoine Vézina, un ami de la LNI, qu’il passe bientôt une audition pour Le Sketch Show. J’ai désormais un agent, et je fais envoyer ma photo de casting au réalisateur. » C’est le patronyme inhabituel qui interpelle celui-ci plus que le visage : Cochrane, Cochrane, ça lui rappelle quelque chose… Dès lors, le vent tourne, et l’enseignante troque son tableau noir contre les feux de la rampe.

Édith est immensément redevable à cette émission, au réalisateur (Gilbert Dumas) et, bien sûr, à Jean-Michel Anctil (« Je l’espère bien ! » s’exclame celui-ci en riant). À l’antenne de TVA de 2004 à 2006, Le Sketch Show lui a ouvert les portes de la télé. Les rôles ont déboulé : fille de Véronique Le Flaguais dans Rumeurs, Pétronille dans la série pour enfants Kaboum, conjointe de François Létourneau dans Série noire, psychologue dans Unité 9, thérapeute improvisée dans Web thérapie… Puis elle est montée sur les planches (Appelez-moi Stéphane et Les voisins, du duo Meunier-Saia) et s’est hissée au grand écran (Le journal d’Aurélie Laflamme).

Cerise sur le gâteau: Le Sketch Show a aussi joué les Cupidon, car un certain Emmanuel Bilodeau figurait dans la distribution…

Édith Cochrane

Photo : Andréanne Gauthier

Histoires d’auditions

En entrevue, en règle générale, les comédiens parlent peu des auditions, réussies ou ratées. Peut-être une superstition à ajouter aux autres dans le milieu : les œillets, la couleur verte, ne jamais dire bonne chance…

Avec Édith, c’est le contraire. Elle n’hésite pas à raconter une riche anecdote, un moment clé apte à modifier une destinée. Ainsi, il s’en est fallu de très peu pour qu’Édith Cochrane n’aboutisse jamais aux Enfants de la télé. « Quand Véronique Cloutier a annoncé qu’elle quittait l’émission, tous les animateurs de Montréal voulaient le poste. On ne savait pas encore qu’Antoine Bertrand partait aussi.» Fortement sollicitée pour passer une audition, Édith refusait. Sa réponse : je ne suis pas une animatrice et, en plus, remplacer Véro ? Sérieusement ? Non, merci.

« Et puis, j’avais prévu une semaine de ski de fond en Gaspésie. Marie-Claude Goodwin, mon agente, a vraiment insisté. J’y suis donc allée, complètement dégagée. » Les mains sur la table de pique-nique, qui devient un plateau imaginaire, Édith mime son audition, blague, ne joue personne d’autre qu’elle-même. « À un moment, j’ai vu Antoine, qui m’a fait un signe : toi, tu vas prendre ma chaise. » Elle s’y réinstallera pour sa huitième saison dès septembre.

André Robitaille, qui a succédé à Véro, connaissait sa future coéquipière, sans plus. « J’étais plus familier avec Emmanuel et, déjà, quand je la croisais, je sentais une belle chimie entre nous, dit-il. Édith est très brillante, dans tous les sens du terme, intelligente et lumineuse. Mais la vivacité d’esprit peut être un peu tape-à-l’œil, alors que l’exigence, la volonté de s’améliorer qu’a Édith est pour moi plus important. »

Édith Cochrane

Photo : Andréanne Gauthier

Toujours une actrice

Clairement, la vita è bella pour Édith Cochrane… en particulier quand on lui propose des auditions. « J’en ai passé plusieurs dernièrement, pour des rôles importants, on dirait qu’on repense à moi comme actrice. » Elle en a décroché deux au cinéma. En septembre, elle tournera Que ta volonté soit faite, un drame de Nathalie Saint-Pierre, et Des hommes, la nuit, premier long métrage d’un jeune cinéaste, Anh Minh Truong.

« L’autre jour, au téléphone, Édith me répétait combien elle était privilégiée de pouvoir travailler, contrairement à tant d’autres artistes », dit Sarah Cochrane. Les deux sœurs, qui se ressemblent –la chevelure, entre autres –, sont très proches, même si Sarah vit à Gatineau avec ses deux enfants. Et lorsque Édith, peu expansive dans les confidences depuis le début de l’entrevue, brosse le portrait de sa frangine, la voilà soudain émotive. « J’ai beaucoup d’admiration pour Sarah, qui donne sans compter. Je pleure chaque fois que je l’entends chanter. Elle a choisi de ne pas faire une croix sur son côté mère Teresa, et d’utiliser sa voix pour faire du bien, en chantant dans les maisons de retraite et les CHSLD – avant la pandémie – plutôt que d’en faire une carrière. »

Du même souffle, Édith le confesse : « Je ressens une certaine culpabilité pour avoir ‘‘défroqué’’ de l’enseignement, j’ai l’impression que j’étais plus utile sur le terrain. » Alors, pour compenser, elle prête son nom à maintes causes : l’hôpital Sainte-Justine, Maison Kangourou (centre d’urgence et de première ligne), Maison Oxygène (hébergement et soutien pour pères en difficulté et leurs enfants), le Jour de la Terre… « Et je m’implique complètement ! »

La voilà qui simule une collecte de fonds, harangue d’invisibles gros bonnets (« ce sont toujours les mêmes, ils doivent être tannés de me voir la face ! »), met aux enchères une œuvre imaginaire avec son irrésistible bagout…

De quoi me donner envie de sortir mon chéquier. Pas étonnant que l’an dernier, elle a aidé à amasser plus de 200 000 $ en une soirée pour offrir l’accès au Centre des sciences de Montréal à des familles défavorisées. Une récolte impressionnante, à faire rougir au moins deux ou trois tomates.


L’émission C’est plus qu’un jardin est présentée sur le site web de la chaîne unis tv. Merci au Manoir Rouville-Campbell, à Mont-Saint-Hilaire, pour le formidable accueil lors de la séance photo. Merci aussi à Décathlon pour le prêt du vélo.

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