Culture

Guylaine Tanguay: tête à tête avec une superstar accessible

Depuis son apparition sur la planète country, Guylaine Tanguay connaît un succès qui ne se dément pas. Derrière cette populaire chanteuse, adulée par un public fidèle, se cache une fonceuse qui, s’il n’en tient qu’à elle, se lancera un jour en affaires.

Portrait de Guylaine Tanguay

Photo: Melany Bernier

On fait difficilement plus sympathique que Guylaine Tanguay. D’un naturel désarmant, la Jeannoise à la chevelure blonde incendiaire répond sans détour à toutes nos questions. Avec son accent chantant – qu’elle n’a pas perdu malgré les années passées loin de sa région natale –, elle aborde sans pudeur son parcours parfois sinueux, où se sont succédé bons coups et décisions moins heureuses. Châtelaine l’a rencontrée dans un café, au bord du canal de Lachine, à Montréal.

D’où te vient cet amour du country ?

Toute mon enfance, à Girardville, j’ai baigné dans le country. Chez nous, on en écoutait et on en chantait beaucoup. Ma mère aimait ça et mon père, un trucker, était fou du country américain. À sept ans, je chantais dans les festivals westerns et les concours amateurs. Pour moi, c’était normal de chanter, ça n’a même pas été un choix.

De tous tes albums, lequel te représente le mieux ?

Mon plus récent, qui s’intitule C’est ma vie. C’est un album de chansons originales écrites pour moi, sur des sujets que j’ai choisis. J’ai pris un risque en faisant cet album, car les gens sont habitués à m’entendre chanter des reprises. Mais cette fois, c’est tout moi. J’ai même écrit certaines des chansons. C’est un album que j’assume à 100 %.

De quel accomplissement es-tu le plus fière ?

De ma première présence à Tout le monde en parle. Mon réflexe a été de me dire : « Mais qu’est-ce que je vais aller faire là ? » En fait, comme ça faisait des mois que j’étais la meilleure vendeuse de disques au Québec, ils voulaient simplement savoir c’était qui, Guylaine Tanguay. Au final, ça s’est très bien passé; j’ai bien fait rire Guy A. quand j’ai dit que ma ménopause était arrivée avant mon succès. Et dire que je croyais qu’ils m’invitaient pour rire du country…

Parce que c’est un sujet de moquerie ?

On va pas se le cacher : si je me suis d’abord lancée dans la pop, c’est parce que le country n’était pas bien vu. Personne ne m’aurait aidée si j’avais voulu pousser ma carrière dans cette direction-là. Mais la pop n’a pas du tout fonctionné pour moi. Quand t’es pas à la bonne place, les gens le sentent.

Alors qu’aujourd’hui, tu es suivie par une horde d’inconditionnels…

Oui, et c’est parce que j’en prends soin comme de ma famille. Quand je donne un spectacle, je vois ça comme quand je reçois les gens chez moi : je sais ce que je vais leur servir, je prépare la maison, je tamise les lumières, j’installe une belle vibe. Je prends soin de mes invités du moment qu’ils arrivent jusqu’à leur départ. C’est pareil avec le public. Il arrive, je m’en occupe quand je suis sur scène et je le rencontre après, parfois pendant plus d’une heure. Et ça se poursuit dans la rue. Si on m’arrête pour jaser, je jase. Même dans mes tournées des boutiques Marise, les gens viennent me voir, se confient…

D’où vient ton association avec cette chaîne de boutiques ?

Il y a quelques années, le propriétaire des 43 boutiques Marise est venu vers Carl [NDLR : son mari et gérant] et moi pour nous demander de nous associer à lui. Pour moi, il n’en était pas question. Comme pour tous les projets, je commence par dire non parce que j’ai peur de perdre ce que j’ai acquis. J’avais tellement rien avant que mon premier réflexe, c’est toujours non : on garde ce qu’on a et on en prend soin.

Mais tu as fini par céder…

Oui, parce qu’il a accepté mes conditions. Dans ses boutiques, j’ai ma propre section, l’Espace Guylaine, que j’ai façonnée à mon image. J’ai aussi mon mot à dire sur tous les vêtements qui s’y trouvent. Pas question de prendre n’importe quel vêtement et de mettre mon nom sur l’étiquette. En fait, j’adore ça ! D’ici quelques années, j’aimerais même ouvrir deux boutiques à moi. Elles s’appelleront Guylaine !

Y a-t-il une femme d’affaires qui sommeille en toi ?

Oh oui ! Moi, il faut que ça bouge. Souvent, en musique, c’est Carl qui initie les projets. Chacun son travail. Mais je suis toujours impliquée. En fait, j’ai toujours été la meilleure employée partout où j’ai travaillé, parce que même si l’entreprise ne m’appartenait pas, j’en faisais toujours un peu plus.

Quand j’ai accepté de m’associer à Marise, je me suis engagée à faire la tournée des boutiques. Ça me demande du temps. Mes rares journées de congé, je les passe souvent là. J’y vais avec mon gars de son et je chante deux ou trois chansons. Ensuite, je magasine avec les clientes pendant plusieurs heures. Je m’occupe d’elles pour créer de beaux moments. Tu sais, un veston, c’est un veston, un jean, c’est un jean. Il ne sera pas plus beau parce que c’est écrit Guylaine sur l’étiquette. Mais si la dame a un lien plus personnel avec le vêtement, alors oui, il sera plus beau.

Tu lâcherais la musique pour te lancer en affaires ?

Jamais ! Je veux juste avoir une autre option le jour où je devrai réduire le rythme un peu, même si j’ai de la misère à me convaincre. Depuis des années, ma vie est très intense. Alors, ce sera peut-être mon corps qui va me convaincre. Je souffre de fibromyalgie, une maladie qui me cause de vives douleurs. J’ai mal aux os, à la peau, mes mains enflent au point où je ne peux plus déplier les doigts. Pour fonctionner, je dois régulièrement avoir des infiltrations de cortisone dans les mains, les épaules et les pieds.

Ça ne semble pas nuire à ton travail; tu as lancé trois albums en 2022 !

Dans le country, les gens attendent un nouvel album chaque année. Mais pendant la pandémie, ça n’a pas été possible. Alors, quand tout a été mis sur pause, j’ai fait des spectacles virtuels où j’interprétais des chansons choisies par le public. Sur le lot, certaines revenaient souvent. On a décidé de les endisquer. Ça a donné les albums Ginette à ma façon, Céline à ma façon et Vos coups de cœur à ma façon, tous lancés en 2022. On a rattrapé le temps perdu !

En 2025, cela fera 20 ANS que tu as lancé ton premier album country. Que dirait la Guylaine d’aujourd’hui à la Guylaine d’alors ?

Sois ce que tu veux et non ce que les autres veulent que tu sois. Au début de ma carrière, j’ai beaucoup écouté les autres. J’ai passé des années à vouloir faire plaisir. Puis un jour, j’ai décidé d’être moi-même, de chanter ce qui me tentait. Et je n’ai jamais été aussi heureuse. Je regarde les photos de moi à l’époque, jeune, mince et sans une ride, et je vois une femme malheureuse. Aujourd’hui, je vis avec mes plis, mon petit gras et je suis bien.

Quelle femme t’inspire le plus ?

France Beaudoin. Quand on arrive au studio où elle tourne En direct de l’univers, elle nous traite comme si on était la personne la plus importante au monde. Elle fait tout de façon tellement saine ! Elle crée des projets, elle les finance, elle les anime, tout ça en demeurant d’une gentillesse incroyable. Je connais peu de gens qui sont à ce point complets.

Y a-t-il un artiste qui te touche particulièrement ?

Quand il chante, Fred Pellerin a une espèce d’imperfection dans la voix qui dégage beaucoup d’émotion. Je le trouve passionnant, curieux, intelligent. Il est moi, il est toi, il est le monsieur en Gaspésie, il est la dame élevée dans une communauté autochtone à l’autre bout du Québec, peu importe. Il me rend très émotive.

Si on t’offrait un billet d’avion ouvert sur le monde, tu irais où ?

Ça te coûterait pas cher : j’irais à mon chalet, à La Doré, au Lac- Saint-Jean. Carl et moi, on vit souvent dans nos valises à cause des tournées. Alors, dès que je peux, je file au chalet, même si c’est juste pour 48 heures. C’est un endroit que j’ai mis à mon goût, où il y a de la place pour tout le monde. On a des paddle boards, des kayaks, des pédalos, des pontons… Je voulais que ce soit une place où on a le goût d’aller pour faire le plein d’énergie avec toute ma famille.

Comment voudrais-tu qu’on se souvienne de toi ?

Comme d’une personne humaine, chaleureuse. Que les gens se disent :« C’était tellement l’fun, d’être avec elle. »

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