Photo: Getty
J’ai allumé de l’encens pour écrire ce texte, mais je ne suis pas une gouroue. Je suis une femme de 37 ans qui, un jour, s’est retrouvée en arrêt de travail à cause d’une dépression et a dû modifier sa conception du monde pour être en mesure de (re)vivre.
J’ai consulté une psy, j’ai pris des antidépresseurs, j’ai ralenti. Tout ceci m’a aidée, bien sûr. Mais mon rétablissement est surtout dû à une quête spirituelle qui m’a ouvert les portes d’un univers empreint d’une magie dont j’avais, sans le savoir, grand besoin.
Je vis comme vous à une époque anxiogène, au confluent de grands bouleversements. La crise climatique, la guerre en direct dans mon téléphone portable, la survalorisation de l’image et autres sous-produits de la culture de la performance dans laquelle je baigne ont provoqué une crise existentielle pour laquelle j’étais peu outillée.
Je cherche à retrouver un certain sens du sacré. Le monde demande à être réinventé, et je ne sais pas par où commencer sinon par moi-même; sinon par mon propre rapport à la vie, que je souhaite à la fois apaisé et engagé.
On peut critiquer l’industrie de la spiritualité tant qu’on voudra – et on aura souvent raison ! –, l’engouement récent pour tout ce qui touche à l’ésotérisme (tarot, astrologie, sorcellerie…), à la méditation ou encore au yoga s’inscrit dans un vide que beaucoup cherchent à combler ou simplement à apprivoiser.
Quelle est cette partie de nous qui a si soif ?
Dans les cercles que je fréquente, il y a surtout des femmes. Et j’ai beau essayer d’expliquer de manière rationnelle le fait que l’engouement actuel pour la spiritualité est très majoritairement féminin, je ne peux y arriver sans faire de généralisations fondées sur des ressentis qui n’ont rien de scientifique. Mais voilà, justement : tout n’a peut-être pas à être explicable au royaume du mystère et de l’intangible.
Si elle change lentement, notre société demeure édifiée sur des siècles de patriarcat au cours desquels les besoins féminins ont été réprimés. Or, quand des femmes se réunissent en cercle pour tirer une carte dans un jeu de tarot et qu’elles laissent des symboles ancestraux leur révéler ce qui, dans leur inconscient, veut s’exprimer, quelque chose en elles se libère. Quand elles s’accordent mutuellement la permission de faire confiance à leur intuition, quelque chose en elles s’ouvre, s’assouplit.
J’écris ces lignes tandis que ma grand-mère est dans le coma, en train de mourir des suites d’un AVC survenu un jour de pleine lune. Je ferme les yeux et je la vois, frêle, allongée sur son lit d’hôpital. Je chante à mon fils les berceuses qu’elle me chantait quand j’étais petite et je sens sa présence dans la chambre. Comme une chaleur, une lumière perceptible par le cœur. Je ne perds pas mon temps à essayer de me l’expliquer rationnellement. Je ressens simplement le pouls, le courant invisible qui traverse l’univers et qui me relie à elle et à tout le reste. Et je le laisse réenchanter le monde pour moi.
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Véronique Chagnon est autrice et éditrice. Elle a été rédactrice en chef adjointe du magazine Nouveau Projet et a dirigé les sections politique, actualités et culture du quotidien Le Devoir. Son essai Au revers du monde (Atelier 10, 2024) explore le pouvoir de la spiritualité dans un monde en crise.
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