Culture

Trois romans à lire absolument

Il y a de ces livres qui nous chamboulent. En voici trois – un roman autobiographique, un récit de voyage et un thriller policier comique – qui resteront longtemps dans nos mémoires.

Livre Marie Darsigny

Encore – conte de toxicomanie tranquille

L’attribution hautement méritée du prix Nobel de littérature à la grande écrivaine française Annie Ernaux, en 2022, a mis en lumière l’importance et l’exigence de l’écriture de soi. Pour celle dont l’œuvre autobiographique prend ses racines dans la sociologie, « l’intime est encore et toujours du social, parce qu’un moi pur, où les autres, les lois, l’histoire ne seraient pas présents est inconcevable. »

Quatre ans après Trente (Remue-ménage, 2018), Marie Darsigny poursuit son inscription dans ce grand héritage littéraire. Dans Encore – conte de toxicomanie tranquille, elle dissèque les démons de sa dépendance, et raconte, d’un point de vue sociologique et poétique, le tiraillement entre les extrêmes que sont la sobriété et l’intoxication. Après avoir cherché en vain un début, un milieu et une fin à son histoire, elle choisit de témoigner avec courage au cœur même de sa dépendance. Elle refuse ainsi d’adhérer au schéma narratif traditionnel et à son impératif de rédemption, de prise en charge, de renouveau. « Je veux trouver le courage de déplier soigneusement mon parcours, car c’est peut-être la pluralité des expériences qui nous libérera des récits culpabilisants trop souvent entendus à propos de la toxicomanie », écrit-elle.

Elle rappelle ainsi qu’il n’existe pas qu’une seule trame de la dépendance, qu’une seule voie valide, ni vers le rétablissement ni vers le droit d’exister dans toutes ses contradictions.

Encore – conte de toxicomanie tranquille, par Marie Darsigny, Éditions du remue-ménage, 160 pages.

À l’ombre des montagnes

Silvia Vasquez-Lavado a l’habitude des conquêtes. Première Péruvienne à conquérir le plus haut sommet du monde, seule femme latino-américaine dans l’univers élitiste de la Silicon Valley, elle a appris dès l’enfance à braver les tempêtes, autant celles provoquées par Dame Nature que celles inhérentes aux guerres contre le pouvoir masculin.

Dans cette autobiographie, l’alpiniste entraîne dès les premières pages le lecteur dans le vide abyssal d’une crevasse de l’Everest. On avance avec elle à pas prudents, aveuglées et assourdies par le blizzard, ralenties par la morsure du froid. On est conscientes du fatalisme d’un faux pas. En parallèle à ce récit d’aventures, elle raconte une enfance brisée par les abus physiques, l’exil et la répression de son homosexualité, où les menaces font écho aux périls de la montagne.

Dans un monde où la force et le capital se comptent en succès, Silvia Vasquez-Lado fait le choix d’embrasser la vulnérabilité et les failles. « Tout le monde – surtout moi, à vrai dire – aime dire que lutter nous rend plus fort. J’ai toujours vécu (et j’ai failli mourir quelques fois) selon la philosophie suivante : survivre c’est surpasser. Mais les montagnes m’ont montré à maintes reprises que la force n’est pas l’opposé de la douceur. Que les deux sont symbiotiques, » écrit-elle.

À l’ombre des montagnes, de Silvia Vasquez-Lavado, traduit par Anna Souillac, Michel Lafon, 432 pages.

Livre Harlem SHuffle

Harlem Shuffle

Colson Whitehead, l’un des rares romanciers américains qui a reçu à deux reprises le prix Pulitzer, a écrit des romans tragiques et implacables, qui rendent compte d’une Amérique déchirée par la haine raciale et l’intolérance. Dans Harlem Shuffle, l’écrivain choisit pour la première fois la voie de l’humour pour aborder ces questions. Il met en scène un vendeur de meubles et d’électroménagers new-yorkais et père de famille irréprochable. Or, aux prises avec des fins de mois difficiles, Ray Carney se laisse tenter par l’escroquerie, occupation principale de ses ancêtres depuis des générations.

Lorsqu’un braquage à l’Hôtel Theresa tourne mal, Ray sera entraîné malgré lui dans une double vie peuplée de policiers véreux, de pornographes et de gangsters à la petite semaine. Sous des apparences de roman policier captivant et rempli de sensations fortes, Colson Whitehead raconte l’histoire fascinante de Harlem et les enjeux raciaux et de pouvoir qui forgent son identité. Un conte moral jouissif, passionnant et, surtout, très drôle.

Harlem Shuffle, de Colson Whitehead, traduit par Charles Recoursé, Albin Michel, 400 pages.

 

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