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Art de vivre

Argentine : escapade de tango à San Telmo

Comment se connecter aux origines du tango ? En mettant le cap sur Buenos Aires, en Argentine. Entrez dans la danse !
Myriam Jézéquel
Tango à Buenas Aires Tango en plein air sur la Plaza Dorrego à San Telmo et la colorée rue Caminito dans le quartier La Boca. Photos: istock

À San Telmo, petit quartier de la capitale argentine, le tango est roi. Ses lieux emblématiques sont nichés là, dans des rues au pavé inégal, entre d’élégants édifices d’inspiration européenne, des fresques attrayantes et des façades décrépites. Le taxi me dépose devant Mariposita, une maison centenaire convertie en hôtel-école de tango. Derrière la porte discrète, des escaliers étroits mènent à une terrasse vitrée qui me permet d’observer en plongée des couples de danseurs enlacés. D’autres escaliers donnent accès à la cour arrière à ciel ouvert, d’où s’échappent des airs envoûtants. De petites tables rondes sont dispersées sur le damier noir et blanc.

« Redresse les épaules », « plus souples, les genoux », « pieds collés »… La maestra Carolina Bonaventura, ambassadrice du tango argentin depuis 28 ans, corrige – en anglais, en français et en espagnol – les postures des participants venus de Suisse, de France et du Canada pour suivre ses cours de tango. J’arrive pour un séjour de 10 jours, avec un groupe de l’école montréalaise Mon Tango. Qu’ils soient venus seuls ou en couple, tous les partici- pants sont réunis par la même passion : apprendre, ou perfectionner, les bases des pas et la technique des figures balanceo, parada, ocho giro…

Des duos se forment sur le plancher de danse : pendant cette séance, les hommes seront invités à guider leur partenaire, alors que les femmes répéteront leurs mouvements jusqu’à bien s’approprier les sensations d’impulsion, de rotation et d’équilibre. Une vision très traditionnelle du tango, mais pas la seule pratiquée à Mariposita, où les femmes peuvent aussi apprendre à guider.

Le cours s’achève sur un tango enlacé, dans une étreinte appelée « abrazo fermé ». Souffles mêlés, yeux fermés, les couples tournoient sur le plancher lisse.

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SUR LES PAS DU TANGO

Tango en plein air, Plaza Dorrego, San Telmo Tanto en plein air sur la Plaza Dorrego, à San Telmo. Photo: istock.com

Le matin venu, je m’aventure dans les rues de San Telmo. Plaisir de m’attarder au marché du coin, où les comptoirs de restos côtoient les kiosques d’anti- quités, puis de prendre la rue Defensa et d’entrer à La Casa de los Ezeiza, cette vieille maison bourgeoise réaménagée pour accueillir des boutiques d’art. À la sortie, je me mêle aux artistes de la Plaza Dorrego qui dansent au son de l’accordéon.

Quelques pas plus loin, l’église de San Pedro Telmo et le Musée national d’histoire m’appellent. L’occasion est belle de m’arrêter prendre un maté, la boisson nationale aux herbes qui ressemble à du thé, à El Bar Britanico ou au restaurant El Hipopótamo. Le soleil donne envie de continuer l’exploration. Nouvel arrêt devant la Confiteria Ideal, un salon de thé et de danse dont la décoration raffinée a servi de décor au film Tango du réalisateur espagnol Carlos Saura, sorti en 1998 et candidat à l’Oscar du meil- leur film en langue étrangère. Devant la porte, la séquence des pas de tango est peinte sur le trottoir. Après un détour par la Plaza de Mayo, la plus vieille place de la ville, on peut visiter la majestueuse librairie El Ateneo Grand Splendid, installée dans un ancien théâtre centenaire, et les coulisses de l’opéra Teatro Colon.

SOIRÉE MILONGA

Le Club Gricel, Buenos Aires, Argentine Le Club Gricel s'anime! Photo: Luis Robayo-AFP-Getty Images

Où mettre en pratique les leçons apprises ? Les authentiques clubs de quartier, appelés milongas, s’avèrent plus inspirants que les soupers-spectacles proposés aux touristes. Et Buenos Aires en compte tant ! La Catedral del Tango, La Viruta, Parakultural et le Club Gricel, entre autres, sont tous à une courte course de taxi de Mariposita. L’aventure commence pour moi au club local Maldita. La piste de danse s’ouvre avec la musique du très réputé DJ Marcelo Rojas et se remplit aussitôt. Les jambes avancent, reculent, se croisent, se frôlent.

Un tanguero – ou milonguero, de l’autre nom qui désigne les danseurs – m’invite. Je réponds par un maladroit « buenos dias » en craignant aussitôt que mon vocabulaire limité ne lui fasse croire que ma technique est à l’avenant. Or, très vite, nos pas s’accordent en harmonie. Il prête attention à mes premiers pas, appelés « marche » dans le vocabulaire du tango. Puis, il répète mon « buenos dias » et, d’un geste du buste, impulse un giro (tour) qui me fait pivoter sur mes talons. Je virevolte, la pointe de mon escarpin dessinant la figure huit, dans un mouve- ment souple et contrôlé. Les figures se font ensuite minimalistes, fluides et ciselées. Une connexion subtile se tisse dans notre étreinte serrée. Plus rien n’existe que ce tango.

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À 23 h 30, les danseurs Mara Navarro et Facundo Cabral, des habitués des championnats interna- tionaux, se lancent dans une performance épous- touflante. La nuit magique se prolonge grâce à leur virtuosité. Tout y est : beauté, éloquence corporelle, expressivité émotionnelle, passant de l’intensité pas- sionnelle aux accents nostalgiques, de la langueur à l’ardeur. Pas étonnant que leur discipline soit ins- crite sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO !

Dernier temps fort : la voix de Pablo Ramos, portée par l’orchestre et le phrasé du bandonéon (sorte d’accordéon associé à la culture argentine), emplit la scène. Déjà trois heures du matin ?

UN AUTRE QUARTIER À DÉCOUVRIR

Rue Caminito, La Boca, Buenos Aires La colorée rue Caminito dans le quartier La Boca. Photo: istock.com

La Boca, à quelques kilomètres au sud de San Telmo, célèbre elle aussi le tango. Un flot de touristes vient admirer les maisons en tôle et en bois peint de sa rue Caminito. Pour s’assurer une place au restau- rant Encuentro, où le tango sur scène fait partie des attractions touristiques, mieux vaut réserver. La cuisson parfaite du bife de chorizo, une entrecôte de bœuf, fait honneur à la gastronomie argentine.

Pour une sortie culturelle, il y a l’impressionnante Usina del Arte, tout près de la rivière Darsena Sur. Sur un mur extérieur de cette ancienne centrale électrique transformée en auditorium et en galerie d’art, on admire une murale représentant l’actrice Tita Merello et le bandonéoniste Anibal Troilo, deux grandes icônes du tango. Et non loin de là, on aperçoit La Bombonera, le stade de football.

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DEUX LIEUX MYTHIQUES À DÉCOUVRIR

J’enfile mes escarpins pour filer à la salle El Beso, très réputée, où on danse en après-midi et en soirée tous les jours de l’année. Les femmes sont assises à des tables, le long des murs. Les hommes leur font face. L’invitation à danser suit les codes ritualisés du mirada (regard) et du cabeceo (signe de tête). Un tanguero faisant battre son éventail (ou ses plumes de paon ?) vient de choisir sa partenaire ; d’un geste vif, il ferme l’accessoire et le glisse dans sa poche de pantalon. Souriante, la jeune femme moulée dans une robe noire passe un bras autour de son cou.

Le Café Tortoni, situé sous l’Académie nationale de tango, est un bel endroit où s’imprégner de la culture du tango, entre deux soirées de danse. Ce lieu fondé en 1858, qui abrite plus de 100 œuvres, rappelle les chics bis- tros parisiens. Une magnifique sculpture montre, atta- blées, trois grandes personnalités argentines : l’auteur- compositeur-interprète Carlos Gardel, la poétesse Alfonsina Storni et l’écrivain Jorge Luis Borges. Le chef d’orchestre Oscar Juan de Dios Filiberti et la chanteuse de tango María Graña, entre autres figures importantes, ont fréquenté le lieu. Aujourd’hui encore, la salle La Bodega accueille plusieurs artistes célèbres. Le menu complet inclut des petites douceurs typiques de la cuisine locale, dont l’alfajor, un biscuit fourré au dulce de leche, et le medialunas, sorte de croisement entre la brioche et le croissant.

DERNIER TANGO À SAN TELMO

Cours de dance à l'école de tango Mariposita Carolina Bonaventura (2e à partir de la droite) en plein cours de danse. Photo: Mariposita.oficial-Pablo Scavino

Fin du séjour : Carolina Bonaventura présente ses chorégraphies, avec ses danseurs professionnels, lors d’une réception. Dans une captivante tension, les mouvements des corps de Leonardo Cordoba et Mary Lescano semblent suivre les impulsions de l’âme. Les déplacements harmonieux d’Adana Jimenez et de Pablo Condé élargissent l’espace, comme portés par un élan profond, vital. « Cette chorégraphie raconte un moment de ma vie », confie Carolina. En 2013, la fin de sa relation amoureuse avec son partenaire de vie et de scène a failli mettre un terme à l’existence de l’école Mariposita, qu’ils codirigeaient. « Dans cette société machiste, tout le monde pensait que l’école lui appartenait. Je devais recommencer à zéro. C’est à ce moment-là que j’ai créé ma méthode d’enseignement. Je devais démon- trer que je n’avais pas besoin de partenaire [sur]. » Dans ce tango, intitulé comme la chanson La vida es corta (la vie est courte), « les rôles de guideur et de guidé alternent tout le temps ». Un tango aux rôles équilibrés donc.

De même, dans ses cours, tout en préservant l’es- prit traditionnel du tango, Carolina Bonaventura fait évoluer les rôles en enseignant celui de guideur aux femmes – pour sortir cette danse des stéréotypes et de sa technicité. « Le tango est une relation et une rencontre magique ». Par sa méthode, la chorégraphe cherche à préparer à la rencontre de l’autre, par la conscience de soi, [ainsi] à la résonance de la musique et au partage de l’émotion. Pour elle, « l’âme du tango, c’est l’essence de l’être humain ». Animée par cette vision, je danse un dernier tango… Qu’il puisse ne jamais finir !

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La Librairie El Ateneo Grand Splendid, Buenos Aires La Librairie El Ateneo Grand Splendid. Photo: Jeison Higuital-Unsplash

LES INCONTOURNABLES

HÔTEL-ÉCOLE

Mariposita 950, rue Carlos Calvo

Renseignements et réservations : info@mariposita.com.ar

Les cours de danse (adaptés à tous les niveaux, y compris débutant) sont inclus lorsqu’on réserve l’une des six chambres.

Le personnel de l’hôtel aide les clients à réserver des places dans les milongas de leur choix.

SALLES DE DANSE

Maldita Milonga 571, rue Perù El Beso 416, rue Riobamba Club Gricel 1180, rue La Rioja

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LIEUX À VISITER

La Casa de los Ezeiza 1179, rue Defensa

Teatro Colon 1171, rue Tucumán.Visites de 50 minutes en anglais six fois par jour Entrée : 18 000 pesos argentins (29 $ CA)

Librairie El Ateneo Grand Splendid 1860, avenue Santa Fe

BOIRE ET MANGER

Café Tortoni 825, avenue de Mayo

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Confiteria Ideal 384, rue Suipacha

Encuentro nativo 854, rue Magallanes

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