Aéroport de Bordeaux. Dimanche après-midi. Ma collègue photographe (et directrice artistique de Châtelaine) Catherine Gravel et moi débarquons dans la capitale mondiale du vin. Excitées, mais fatiguées. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit et le programme de la semaine s’annonce chargé. Ça commence même tout de suite : rendez-vous à 19 h 30 dans le hall de l’hôtel The Regent pour un dîner au resto. La Tupiña est « le meilleur bistro du monde », selon l’International Herald Tribune et il est classé par le magazine Gourmet parmi les 10 meilleurs restaurants de la planète « qui jouent avec le feu » – donc pour ses grillades sur braises. Disons que ça part bien ! Mais je me demande si ce sera suffisant pour éliminer les effets du décalage horaire.
Et pourtant… À peine la porte franchie, la magie opère. Je me sens requinquée. Un immense tupiña – « chaudron » en langue basque – trône dans l’âtre de la cheminée, sur un feu de braises. Odeur réconfortante. Accueil convivial. Le ton est donné.
Au menu, des spécialités du terroir : tripes de porc grillées (je ne savais pas que j’adorais les tripes de porc !), coquilles Saint-Jacques et morilles (à se jeter par terre), agneau braisé (gigot de sept heures, ail en chemise et haricots blancs) suivi d’un exquis fondant au chocolat. Que du bon ! Tout ça accompagné d’un bordeaux rouge des Côtes de Francs Les cerisiers aux arômes fruités. Minuit trente. C’est l’heure du dodo. Car demain, à 9 heures, c’est le cours d’initiation à l’École du vin de Bordeaux.
Un cours d’initiation vinicole le matin ? Il me semble que ça n’augure rien de bon pour le rendement de la journée. Eh bien ! Je devrai m’y faire puisque, dans le Bordelais, la vie s’écoule entre deux verres de vin. Et c’est parti. En dégustation : crus de différents terroirs. Cépages de merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc et malbec pour les vins rouges. Sauvignon, sémillon et muscadelle pour les blancs et les liquoreux. Cours sur la géographie de la région pendant la dégustation, et nous voilà prêtes à prendre la route des châteaux bordelais, guidées, rassurez-vous, par un chauffeur parfaitement sobre.
Visages de Bordeaux
Le Bordelais, dans le sud-ouest de la France, se divise en différentes régions viticoles. On y distingue la rive gauche de la Garonne, qui va jusqu’à Sauternes ; l’Entre-deux-Mers où se situe la ville de Bordeaux ; la rive droite comprenant Bouliac et Cadillac ; le Libournais avec les villages de Saint-Émilion et de Pomerol ; le Bourgeais où se trouve la côte de Blaye ; le Médoc avec les bourgs bien connus de Saint-Estèphe et de Pauillac ; et l’ouest qui abrite le village de Pessac.
Recettes bordelaises
Nos bonnes adresses
Direction Château Smith Haut Lafitte, Grand Cru classé de Graves, une haute distinction. Ici, la préservation des méthodes vinicoles traditionnelles est capitale. C’est pourquoi il y a un tonnelier en résidence – de nos jours, c’est rare, me dit-on. Cet artisan est le grand maître des fûts de chêne dans lesquels le vin est élevé.
Comme il se doit, la visite des vignobles est suivie – pauvres de nous ! – par une dégustation. La châtelaine, Florence Cathiard, vient alors nous rejoindre. Elle arrive en vélo, vêtue d’un chic tailleur noir et de bottes griffées. Quelle image ! Dans une somptueuse salle du château, cette ex-championne de ski alpin nous parle avec humour et aplomb de sa passion du vin. Je bois ses paroles avec le même ravissement que le vin.
Puis, retour à l’extérieur où nous nous dirigeons vers… un spa ! À quelques pas, juste en face du château, parmi les vignes, se trouvent Les sources de Caudalie. Fondé il y a 14 ans par l’une des deux filles Cathiard, ce spa offre petits pots et soins pour la peau élaborés à partir de pépins de raisin. Une belle histoire : en visite au château, un professeur de la faculté de pharmacie de Bordeaux aperçoit une montagne de pépins de raisin destinés aux ordures ; ces pépins, fait-il remarquer aux Cathiard, sont riches en polyphénols, d’excellents antioxydants. L’idée fait son chemin. Des exemples de soins de vinothérapie nés de cette simple remarque ? Bain à remous dans une barrique géante, enveloppement au merlot, bain à la vigne rouge… Une expérience sensorielle savoureuse dans un lieu exceptionnel.
Après avoir goûté aux bienfaits des pépins, en route pour Saint-Émilion. Ce village au charme fou sort tout droit de l’époque médiévale : des remparts dévorés par la végétation, des ruelles pentues qui serpentent jusqu’à l’église (on monte dans son immense clocher pour une vue imprenable sur les environs) et des places remplies de cafés-terrasses et de restos. Parmi eux, L’envers du décor, où nous prenons une bouchée.
Puis, nous posons nos valises au Logis de la Cadène. Le coloré aubergiste d’origine marocaine Abdou Maarfi – que tout le monde appelle Doudou – nous accueille : « Je ne connais pas votre programme mais l’apéro vous attend sur la terrasse, sous la glycine. C’est comme ça qu’on fait ici. »
Quelques verres de vin blanc Entre-deux-Mers plus tard, Doudou nous invite à passer à « sa » table. La spécialité de la maison : des grillades cuites sur sarments de vigne (les petites tiges séchées de la vigne), une façon de faire propre à la région. La côte de veau servie avec son hachis bordelais (mélange de lard, d’ail, d’échalotes et de persil) est mémorable. Et la sole que j’ai mangée ce soir-là : la meilleure de ma vie !
La tournée des châteaux se poursuit le lendemain. Pas très loin de Bordeaux se dresse le Château du Taillan. (Ses vins abordables sont disponibles à la SAQ.) Une grande blonde en jean et talons hauts nous y accueille – décidément, les châtelaines de la région ont du panache ! C’est Armelle Cruse-Falcy, l’une des cinq héritières Cruse de la troisième génération, propriétaires des lieux. Le domaine, avec ses chais du XVIe siècle, les plus vieux de la région, est magnifique. On s’y attarderait bien…
Mais nous sommes attendues pas très loin de là, au Château Lavergne. Suzanne Bourdais y a converti l’orangerie – qui servait autrefois à conserver fruits et légumes – en salle de réception intime munie d’un espace pour cuisiner en groupe. Elle y donne des cours aux touristes. Dans ce décor de palais, j’ai appris à faire le beurre blanc, un classique de la cuisine française qui consiste à brasser – avec pas mal de doigté ! – un mélange d’échalotes, de beurre fondu et de vinaigre de vin. Parfait pour mettre en valeur la dorade fraîche de notre repas de midi. Il faut savoir que la région bordelaise est située près du bassin d’Arcachon, un grand plan d’eau ouvert sur l’océan Atlantique. J’ai préparé une salade landaise, une spécialité du sud-ouest composée de croûtons, de pignons et de canard confit. Avec un verre de Floc de Gascogne, un apéro de jus de raisins et d’armagnac, disons qu’on a vu pire.
Retour en ville, à Bordeaux, pour une virée gourmande. Dans les boutiques et les marchés, les produits du terroir foisonnent : des chocolats aux raisins macérés dans le vin de Saint-Estèphe, du fromage sous toutes ses formes, des cannelés, une pâtisserie bordelaise, à profusion, et même des macarons au foie gras.
Et les restaurants, maintenant… Toute une expérience gastronomique nous attend d’abord au Saint-James. L’établissement du chef Michel Portos, situé sur l’une des rives de la Garonne, porte la signature de l’architecte français Jean Nouvel. Une immense terrasse offre une vue impre-nable sur la ville et sur une piscine noire bordée de teck. À l’intérieur, un décor épuré, tout blanc. Pour me mettre en appétit, je choisis le gaspacho de tomates jaunes, puis une mise en bouche de poisson fumé avec son sorbet de gingembre. Suivent le caviar local au beurre blanc et sa poêlée de champignons et, en plat principal, du bar accompagné d’un taboulé de chou-fleur et de menthe sur coulis d’abricot. La finale : un plateau de desserts. Impossible de faire un choix.
Je croyais avoir vécu le summum de la gastronomie bordelaise. Je me trompais. Le lendemain, le chef Thierry Marx du Château Cordeillan-Bages, de la chaîne Relais & Châteaux, nous attend de pied ferme ! Ce midi-là, il nous fait goûter à plus de 12 de ses interprétations du terroir bordelais : homard, canard, champignons, truffes, alouette ! Des miniportions – heureusement – mais servies de façon audacieuse. C’est le concept de la maison. Par exemple, le bœuf sur sarments de vigne est présenté dans un sac de plastique gonflé comme un ballon que l’on crève à l’aide de sa fourchette. Une expérience qui ravit les yeux autant que les papilles. Et quel contraste de voir toute cette modernité (le décor, les plats, les serveurs habillés de noir) dans un château !
Le dessert du voyage : Sauternes. Un coin de pays enchanteur qui a donné son nom à un nectar jaune paille très sucré. Selon le Guide du routard, plus de 1 000 internautes visitent chaque semaine le site Web du village de Sauternes qui compte… 600 habitants ! Ici, le raisin est colonisé par un champignon connu sous le nom de pourriture noble – le Botrytis cinerea –, qui augmente son taux de sucre de façon naturelle. C’est le brouillard matinal causé par l’humidité de la rivière Ciron, à proximité, qui favorise la prolifération de cet honorable champignon.
Et comme toute bonne chose se termine un verre à la main, nous concluons notre périple en dégustant les vins du Château d’Arche. Ce sont des vins doux, tantôt aux arômes de miel et d’oranges confites, tantôt aux saveurs de pain d’épices, que l’on peut – ô joie ! – trouver au Québec.
Aéroport de Bordeaux. Samedi matin. Ma collègue et moi reprenons le chemin de la maison. La tête pleine d’histoires à raconter, de souvenirs à partager et, surtout, d’idées de festins à préparer pour prolonger le plaisir et célébrer encore et encore l’art de vivre à la bordelaise. De quoi alimenter les conversations, les souvenirs et les idées de bon repas…
Recettes bordelaises
Escargots au vin blanc et aux fines herbes
Les escargots à la Caudéran offre un plus beau contraste de textures lorsqu’on la prépare avec la chapelure japonaise Panko. Ils se servent aussi bien à l’apéro qu’en entrée.
Salade verte
Au menu de tous les bistros français, la salade de verdures exige des ingrédients de qualité. À commencer par un vinaigre fin et une huile de noix de qualité pour la confection de la vinaigrette.
Entrecôtes bordelaises aux champignons
Le plat parfait à déguster avec un bon bordeaux.
Cannelés bordelais
Contraste sublime : croûte croustillante, intérieur moelleux.
Nos bonnes adresses dans la région de Bordeaux
Hôtels et auberges
· Hôtel The Regent (Bordeaux)
· L’Hôtel de Normandie (Bordeaux)
· Logis de la Cadène (Saint-Émilion)
· Château les Ormes de Pez (Saint-Estèphe)
Restos
· Restaurant La Tupina (Bordeaux)
· Restaurant Le St-James (Bordeaux)
· Cordeillan-Bages (Restaurant de Thierry Marx) (Pauilllac)
· L’envers du décor (Saint-Émilion)
Boutiques
· M le Macaron (Bordeaux)
Cours
· École du Vin de Bordeaux (Bordeaux)
· Cours de cuisine au Château Lavergne (banlieue de Bordeaux)
Spas
· Sources de Caudalie (Hôtel, restaurants, spa Vinothérapie) (banlieue de Bordeaux)
Visite de châteaux et dégustations
· Château Smith Haut Lafitte (banlieue de Bordeaux)
· Château Fonplégade (Saint-Émilion)
· Château du Taillon (Médoc)
· Château Lynch-Bages (Pauillac)
· Château d’Arche (Sauternes)
Renseignements pratiques
· Ville de St-Émilion
· Bages
· Bassin d’Arcachon
· Sauternes