Dans la campagne autour de Boston, on trouve vallons luxuriants, jardins de rêve, chaises de plage, palourdes et petits bateaux.
Princes des collines
Premier arrêt dans le comté de Berkshire, qui regroupe entre autres les pittoresques villes de Becket, Lenox et Stockbridge. Ses monts verdoyants jalonnés de fermes coquettes et de demeures somptueuses réjouissent l’œil après des heures de conifères et de gros pick-up sur l’Adirondack Northway. Beaucoup de New-Yorkais et de Bostonnais surmenés viennent ici se refaire une santé, me dit l’employé d’un des plus vieux jardins botaniques en Amérique, le Berkshire Botanical Garden. Lui-même a largué sa vie de fou à Boston pour ce paradis du yoga, de la bouffe biologique et du jardinage. Sportifs et campeurs y trouvent aussi leur compte : la région regorge de parcs, de sentiers en montagne et de lacs. Peu portés sur le sac de couchage, Fiancé et moi avons opté pour l’élégant hôtel Red Lion Inn, où les voyageurs posent leurs valises depuis 1773. Totalement Nouvelle-Angleterre, avec son porche spacieux, ses porcelaines et son orgie de tissus imprimés : paisley, fruits, fleurs, animaux et rayures se disputent la place du plancher au plafond.
Chaussons et violons
Les richissimes familles du Berkshire contribuent depuis longtemps à y faire rayonner les arts. On leur doit notamment le site de Tanglewood, à Lenox, résidence d’été du prestigieux Orchestre symphonique de Boston. Les salles de concert à l’acoustique soigneusement étudiée, dont une extérieure avec système de haut-parleurs sophistiqué, attirent les plus grands musiciens du monde. La splendeur des lieux vaut le déplacement : au hasard des sentiers, à l’ombre des épinettes de Norvège et des pins blancs, on croise chanteurs, trompettistes et violoncellistes en répétition. Le nec plus ultra, selon notre guide, c’est un concert en plein air avec souper aux chandelles sur la pelouse, servi par un traiteur (voir info sous la rubrique « Dining at Tanglewood »). Le plus beau de l’affaire : le prix d’entrée aux concerts est souvent de moins de 20 $ ; l’admission est gratuite pour les mineurs certains soirs.
Les mécènes financent aussi en bonne partie le festival international de danse Jacob’s Pillow, en plein cœur des bois, à Becket, près de Tanglewood. On y présente quelque 200 spectacles gratuits durant l’été. On a vu une troupe de New York s’exécuter sur une scène extérieure surplombant la colline. Magnifique. Conseil d’ami : une bonne dose de chasse-moustiques rend l’expérience plus sereine.
Gougounes et palourdes
Changement de décor total, à deux heures et demie de route du Berkshire : New Bedford, ville portuaire plutôt vétuste, jadis prospère grâce à la pêche à la baleine, où s’ouvre le fameux roman Moby Dick, de Herman Melville. Beaucoup de Canadiens français s’y sont établis au tournant du 20e siècle. Le New Bedford Whaling Museum témoigne de cet héritage – on peut y admirer un immense squelette de rorqual bleu à l’entrée. Mais on se rend à New Bedford surtout pour le service de traversier, direction Martha’s Vineyard. Avis à ceux qui n’ont pas le pied marin : l’Altantique était de mauvais poil sur le trajet de retour. Je me suis découvert une passion pour Jésus.
Ça vaut quand même la peine, le vignoble de Martha ? Bien sûr. Il y règne une ambiance de vacances « sable entre les orteils » qui happe dès qu’on y pose le pied. Pas de feux de circulation ici ni de chaînes de restos. « On est une communauté tissée serré, pro-environnement, axée sur le slow-food… Hippie sur les bords, quoi ! » explique notre guide, Ellen.
Gougounes et palourdes (suite)
Vélo le long de la côte, petite saucette dans l’Atlantique, lèche-vitrine à Edgartown. Visite des Gingerbread Cottages, ces 330 petites maisons aux couleurs d’œufs de Pâques construites par des méthodistes (il faut une lettre du clergé pour en acheter une…). Et puis, tiens, une chaudrée de palourdes bien crémeuse, avec Steven Spielberg ou Meg Ryan comme voisins de table potentiels. On engouffre des beignes décadents fourrés de crème pâtissière à minuit au Back Door Donuts (patience, la file est longue comme aux bureaux de Passeport Canada), et on s’effondre dans son lit, à un cheveu du coma diabétique.
Nous avons dormi au Isabelle’s Beach House, un joli couette et café en bardeaux de cèdre collé sur la plage à Oak Bluffs. L’endroit est tenu par Isabelle Morley, une fille vive et généreuse du Saguenay qui parle anglais avec un accent à couper au couteau, même après 25 ans à Martha’s. On s’endort en écoutant le ressac. Attention, les prix sont très élevés en haute saison : au minimum 315$ la nuit.
Boston la vénérable
Être si près et ne pas s’y arrêter ? Quand même, soyons sérieux. Boston est à une heure de route quand on débarque du traversier qui ramène de Martha’s Vineyard. Si vous êtes peu familier avec cette ville raffinée, haut lieu de culture et de savoir, je recommande chaudement la Freedom Trail. Sur quatre kilomètres de chemin en briques rouges, on part à la découverte de 16 sites capitaux dans l’histoire de la révolution américaine. On peut télécharger la carte ou se payer un guide en costume d’époque. La nôtre, une actrice tatouée qui crevait de chaleur dans sa robe longue à baleines, nous a offert une prestation hilarante. On a appris moult détails croustillants sur la vie de patriotes étasuniens : Paul Revere, John Hancock, James Otis, Samuel Adams… Ce dernier a d’ailleurs légué son nom à une bière fort populaire à Boston. Et délicieuse, dixit mon chéri.
Si marcher ne vous fait pas peur, je suggère Back Bay, un des secteurs les plus riches de Boston, où s’alignent les maisons victoriennes en grès rouge, élégantes mais sobres, et d’antiques réverbères à gaz ; South End, quartier grouillant très Plateau-Mont-Royal avec ses camions de crème glacée et ses bols d’eau devant les commerces pour accommoder les chiens ; et puis Cambridge, histoire de prétendre qu’on étudie à Harvard ou au Massachusetts Institute of Technology, nous aussi. On a d’ailleurs cassé la croûte dans une fabuleuse pizzeria du campus, Area Four, auprès de fils et de filles à papa fort bien mis.
Boston la vénérable (suite)
Une petite folie : une nuitée au Langham Hotel. Le genre d’établissement où le valet range votre veste dans le placard en arrivant dans la chambre, abandonne tout pour vous aider à ouvrir le store, et vous offre des limonades et des chocolats fins sur le bras de la maison. On se sentait comme Émilie Bordeleau et Ovila Pronovost en voyage de noces.
La magie de Salem
En sortant de Boston, un petit tour à Salem s’impose, ne serait-ce que pour y croiser de vrais de vrais sorciers. C’est dans cette ville décontractée où il fait bon respirer l’air salin que s’est tenu, en 1692, le fameux procès ayant mené 25 personnes à l’échafaud pour sorcellerie. Les puritains se sont calmé le pompon depuis, et les quelque 1 000 citoyens de Salem adeptes du Wicca (mouvement religieux qui prône le culte de la nature) pratiquent leur magie blanche en paix. Certains tiennent boutique au centre-ville, dont Leanne Marrama, tout de noir vêtue, moins pour faire « sorcière » que pour paraître plus mince, confie-t-elle. Les étagères de son commerce ploient sous les bocaux de potions, d’herbes et autres kits à sortilèges. À l’entrée, on peut déposer des messages autour de l’autel où trône le crâne d’un dénommé Robert. Moyennant une bonne poignée de billets, Leanne lit l’avenir au Tarot et parle aux morts. Un pouvoir qu’elle a longtemps tenté de nier. Mais quand tu l’as, tu l’as.
La magie de Salem (suite)
La ville exploite avec beaucoup d’insistance son capital « sorcière » ; elle a pourtant d’autres attraits. Nos coups de cœur : le Chestnut Street District et ses maisons de style fédéral, construites par l’architecte Samuel McIntire à la fin du 18e siècle (celle de la famille Phillips est ouverte aux visiteurs) ; les quais de la marina Pickering Wharf ; les collections du musée Peabody Essex, entre autres, ses superbes porcelaines de Chine ; l’étrange House of the Seven Gables, qui a inspiré au célèbre écrivain américain Nathaniel Hawthorne le roman du même titre. Un must : la communauté de Marblehead, à 10 minutes de Salem, où rivalisent les résidences somptueuses avec vue spectaculaire sur l’Atlantique. On en fait le tour à pied ou à vélo, avant de s’arrêter sur un banc près du phare pour compter les voiliers, enlacés.
Cap sur le Nord
On s’était gardé le meilleur pour la fin : les villes côtières au nord de Boston, regroupées sous le nom de Cape Ann, qu’on joint par la route 127 Nord à partir de Salem. Longeant l’Atlantique par moment, la 127 traverse aussi des boisés, des pinèdes, des terres bordées de murets de pierre autour desquels s’entortille du lierre. On roule les vitres baissées ; ça sent la rose, la fougère, l’iode. Partout, des bosquets d’hydrangées au bleu surréaliste.
Les touristes préfèrent Cape Cod à Cape Ann et, pourtant, cette dernière n’a pas de complexes à se faire. Gloucester, port de pêche fondé en 1623, surnommé « Le Beau Port » par Samuel de Champlain, a inspiré nombre de peintres et d’écrivains, dont Rudyard Kipling et Henry Longfellow. Ses usines de transformation de poissons encerclées par les mouettes et son armée de vieux chalutiers lui confèrent aujourd’hui un certain charme industriel. On y trouve également la première colonie d’artistes au pays, Rocky Neck, sise dans un bijou de péninsule. Même photogénie à Rockport, un peu plus loin. Exception faite des boutiques de pacotilles… Laissez votre voiture à l’entrée de la ville : les petites rues sont envahies de touristes.
Cap sur le Nord (suite)
À Cape Ann, il faut voir aussi Essex et Newburyport. Et puis Ipswich, une des plus vieilles villes d’Amérique (1633). On y dénombrerait 58 maisons encore habitées datant d’avant 1725 – un record au pays. S’y élève également un somptueux château surplombant la mer, Castle Hill on the Crane Estate, ouvert au public. Mais le principal attrait touristique d’Ipswich ne se visite pas, il se mange : les palourdes fraîches tirées des marais salants. Tant qu’à y être, Fiancé et moi nous sommes payé la totale, « l’assiette du pêcheur », au Clam Box d’Ipswich. Une montagne de fruits de mer frits, dont les fameuses « native clams »… Décadent. On referait la route juste pour ça.
Ce voyage a été rendu possible grâce au Massachusetts Office of Travel and Tourism.
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