Voyages et escapades

Souvenirs de Bamako

Lucie Poulin a séjourné trois mois dans la capitale du Mali dans le cadre d’un stage en coopération internationale. Elle nous rapporte quelques souvenirs.

Bamako, au quotidien
La chaleur est accablante et des poussières de sable orangé, en suspension dans l’air sec, rendent la respiration difficile. Un âne tire une charrette pendant qu’un troupeau de vaches traverse un carrefour. Des enfants s’amusent entre eux en poussant une roue à l’aide d’un bâton. Des femmes préparent le prochain repas et chaque coup de pilon donné dans un mortier géant résonne en bruit de fond, telles des percussions qui rythment les journées. Des vendeurs ambulants traînent des babioles sur leur tête sans chanceler. J’en perds tous mes repères…

Ce qui m’a touchée : mon baptême
J’ai à peine le temps de me remettre du décalage horaire qu’on s’empresse de me rebaptiser. Ici, je m’appelle Mbadiala Keita. Renommer les Occidentaux est une pratique courante. Cela permet de les intégrer dans une culture où les traditions, les coutumes et la structure sociale diffèrent du tout au tout. Mon identité représente celle que mon peuple a forgée à travers les années. Il témoigne d’un passé et implique une responsabilité et un rang social. Les Keita, par exemple, sont des Malinkés, un peuple cultivateur d’arachides reconnu pour avoir fondé l’empire de Mali au XIIIe siècle. Au moment des salutations (qui parfois s’éternisent), on se taquine sur ses origines, qu’elles soient réelles ou non.

Ce qui m’est difficile d’accès : les femmes
Si je m’intègre aisément auprès des hommes, ça se corse auprès des femmes. Très tôt, la plupart sont contraintes d’abandonner l’école pour subvenir aux besoins familiaux. Elles doivent cuisiner et exécuter les tâches ménagères sans se laisser ralentir par les enfants. Toutes ces corvées les occupent du matin au soir, tous les jours. La préparation des repas constitue pour moi le moment de prédilection pour découvrir leur réalité. Autour de la marmite posée sur le feu, pendant qu’elles écrasent les légumes et les condiments dans le mortier, elles transmettent leur savoir culinaire aux plus jeunes.

J’ai eu l’occasion de contribuer à la préparation d’un couscous traditionnel : plus de trois heures à moudre les grains de poivre, transformer la céréale en farine et réduire les oignons en purée… À l’unanimité, les femmes m’ont dit que je cuisinais très mal !

Quelques particularités
· La température de jour oscille généralement de 30 à 40 ºC ;
· Prendre du poids est signe de bonne santé ;
· L’acte homosexuel est une pratique condamée par la société ;
· Les hommes de religion musulmane (90 %) peuvent avoir jusqu’à quatre femmes à condition de pouvoir subvenir à leurs besoins ;
· On mange de la main droite, on se nettoie de la gauche.


Regardez le photoreportage de Lucie Poulin sur le Mali.

Mon coup de cœur : l’heure du thé
La pause du thé est un moment opportun pour prendre le temps d’être ensemble. Les Maliens y consacrent plusieurs heures par jour. Ils se rassemblent, s’assoient en bordure de la route ou sous un arbre, et s’adonnent au rituel de la préparation. Pour ce faire, ils chauffent l’eau sur des braises, infusent les feuilles et ajoutent le sucre. Avant de servir le thé, ils le laissent refroidir en le transvidant d’un verre à l’autre. L’opération est répétée trois fois, sans presse.

En plus de revigorer les esprits amortis par la chaleur torride, cette pratique donne lieu aux échanges qui permettent de perpétuer la tradition orale au cœur de cette civilisation. Les vieux sages dépoussièrent leurs souvenirs. L’éloquence est un art que tous développent très tôt et qu’ils peaufinent avec les années. Les écouter est un délice dont on ne se lasse jamais. La légende de Soundjata, les mythes des griots, les mystères de la magie… cette mémoire collective se lègue de génération en génération depuis des milliers d’années.

On sent l’importance du groupe, de la collectivité et de la communauté. Personne n’est seul ou rejeté, aussi longtemps qu’il s’implique dans le clan familial, un point d’encrage social. Et moi, comme toutes les étrangères, je suis traitée comme une reine. Mes hôtes sont d’une gentillesse sans borne.

Ce qui m’étourdit : les transports
Si certaines activités s’exécutent au pas de tortue, d’autres réussissent à m’étourdir. C’est le cas notamment des déplacements routiers. Dans les minibus (appelé sotramas) qui desservent Bamako, on s’entasse, on se colle les uns contre les autres, on s’agrippe de son mieux pour rester stable… et on essaie de ne pas rater son arrêt ! Les mouvements du véhicule n’empêchent toutefois pas les femmes d’allaiter leur petit dernier.

Quant aux voitures, elles sont assez imprévisibles. Il s’agit de véhicules qui ne sont plus assez performants pour rouler sur le sol français et qu’on a envoyés au Mali pour une seconde vie. Si ce n’est pas le moteur qui s’arrête sans prévenir ou le carburant qui fuit, ce sont les portières qui ne ferment plus. Ces problèmes mécaniques ne semblent préoccuper quiconque. En cas de pépins, on se débrouille pour se rendre à bon port !  

Quelques faits
· Environ 90 % des femmes sont excisées ;
· Une Malienne donne naissance à 6,6 enfants ;
· L’espérance de vie est de 49 ans ;
· 1 adulte sur 4 sait lire et écrire ;
· 36 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour ;
· 25 % des enfants n’atteignent pas l’âge de cinq ans.
· Le Mali se classe 173e sur 177 pays en terme de développement humain selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Source : Unicef, PNUD


Regardez le photoreportage de Lucie Poulin sur le Mali.

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