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Habitée d’un mélange d’enthousiasme et de nervosité, je passe la sécurité à l’aéroport, barrière symbolique qui me sépare de cette grande aventure en solo dont j’ignore encore la durée…
Je me souviens de ce moment avec précision. C’était en septembre 2017. Pendant les neuf mois qui ont suivi, je suis sortie de ma zone de confort à de si nombreuses reprises – en enfourchant un scooter pour la première fois de ma vie en Thaïlande, par exemple – que j'ai été étonnée de ma propre audace.
Évidemment, j’ai pris quelques décisions douteuses et eu ma part de mésaventures. Partir en compagnie d’un guide local en randonnée de deux jours n’a pas été l’idée du siècle, notamment. Rien de grave ne s’est produit. Mais je me serais volontiers passée de ses tentatives de rapprochement et de sa déclaration « d’amour » au sommet du volcan Kerinci, sur l’île de Sumatra, en Indonésie.
Ce voyage, je l’ai vécu intensément, au gré de mes envies. Environ deux mois après avoir fêté mes 28 ans – quelque part dans les hauteurs de la Nouvelle-Zélande –, je suis revenue au Québec grandie.
À mes yeux, partir en solo, c’est avant tout cesser de dépendre des autres. Isabelle Pronovost partage mon avis. « J’adore voyager, et il est hors de question que je me prive parce que je ne trouve personne qui veut ou qui peut le faire avec moi », confie la travailleuse autonome de 51 ans.
Cela dit, avant de vous retrouver seule, perdue au milieu d’un bidonville de Bombay, mieux vaut vous assurer que ce type de voyage vous convient.
Un périple en solitaire suppose qu’à certains moments, vous ne pourrez compter que sur vous-même. « Ça inquiète beaucoup de gens, mais en même temps, ça donne tellement de belles occasions de voir de quoi on est capable », observe la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier, pour qui être seule ne signifie pas « se sentir seule » pour autant.
« Avec un ami, par exemple, on va être beaucoup dans les discussions, les blagues… Ce sera super agréable, mais je serai moins en contact avec moi-même et dans l’appréciation du moment présent, dans ce que je vois, ce que je ressens », ajoute-t-elle.
Vous pourriez même, comme moi, éprouver un sentiment intense de liberté. Imaginez : prendre vos propres décisions, à votre rythme, sans avoir à faire plaisir à l’autre ni craindre de le décevoir, sans presser ni ralentir quiconque. Le rêve !
Cette absence de compromis, c’est « le bonheur total » pour Liette Bergeron. La professeure de littérature de 58 ans accumule les séjours en solo, notamment en France et en Inde. « Quand je voyage, je n’ai pas de cases à cocher, dit-elle. Je peux explorer un même quartier pendant plusieurs jours et me créer de petites habitudes. »
Voyager seule, ça s’apprivoise, estime Geneviève Beaulieu-Pelletier. Vous pouvez vous y initier en douceur. Par exemple en jouant la touriste dans une grande ville pas trop loin de chez vous le temps d’une fin de semaine, avec tout ce que cela comporte de sorties : musée, restaurant, nuit à l’hôtel…
« Si, pendant ce séjour en solo, je ressens un inconfort, est-ce parce que j’ai peur du jugement des autres ou est-ce que mon sentiment de sécurité est ébranlé ? » questionne la psychologue. Selon elle, la réponse à cette question vous donnera des pistes que vous pourrez ensuite explorer pour planifier un plus long voyage.
Bien sûr, ce n’est pas parce que vous voyagez seule que vous serez seule tout le temps ! Vous pourriez avoir envie de rencontrer des gens sur place. Réfléchissez-y avant de tout planifier. Certains lieux favorisent les interactions sociales.
C’est le cas des hébergements avec des espaces communs pour se détendre, travailler ou cuisiner, comme dans certains hôtels ou dans les auberges de jeunesse. D’ailleurs, la plupart de ces dernières ouvrent leurs portes aux gens de tous âges et proposent des chambres individuelles en plus des dortoirs – mais plus rarement des salles de bains privées.
Vous pouvez aussi vous inscrire à des activités de groupe, comme des visites guidées pour découvrir la ville ou un musée. Et lorsque vous allez au restaurant, pourquoi ne pas vous installer au bar ? Même si vous ne nouez pas d’amitiés, vous sortirez de l’isolement quelques heures.
Faire d’agréables rencontres est assez facile, « surtout quand on est une femme seule », assure Ariane Arpin-Delorme, fondatrice de l’agence de voyages Esprit d’Aventure, qui a beaucoup voyagé en solo.
Se retrouver seule dans un nouvel environnement, c’est parfois se sentir vulnérable et exposée au danger. Le sentiment de sécurité est pourtant essentiel pour vivre une expérience positive, d’après la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier.
« Si on a des inquiétudes, on a intérêt à préparer notre voyage longtemps à l’avance pour aller chercher les informations, les astuces, l’équipement et les assurances qui vont nous permettre de nous sentir à l’aise et en sécurité », résume-t-elle.
Par exemple, si vous avez peur de vous perdre, connaître le fonctionnement du système de transport en commun de l’endroit avant d’y débarquer vous réconfortera.
Même aux plus téméraires, Ariane Arpin-Delorme suggère de réserver leurs premières nuits d’hôtel et leur trajet depuis l’aéroport, question de démarrer leur voyage rondement. Si vous vous retrouvez dans une situation inconfortable, écoutez votre petite voix intérieure et n’ayez pas peur de dire « non » ou de cesser l’activité qui vous met mal à l’aise. Et ne sous-estimez pas les effets de la fatigue. « Quand on
dort bien, on est plus alerte, on a un meilleur jugement et on est plus à l’écoute de son instinct », indique l’agente de voyages. Ainsi, évitez par exemple de trop en faire dès votre arrivée à destination.
Il est impératif de choisir une destination sécuritaire selon la classification du gouvernement canadien, que l’on trouve sur le site voyage.gc.ca. En d’autres mots, les pays qui portent la mention « Évitez tout voyage non essentiel » (orange) ou « Évitez tout voyage » (rouge) ne devraient pas compter parmi vos destinations. Une fois sur ce site web, lisez les avertissements et conseils de sécurité qui figurent sur la fiche du pays.
« La majorité des destinations voyage se situent dans le deuxième degré de sécurité, soit la catégorie jaune (“Faites preuve d’une grande prudence”) », indique Ariane Arpin-Delorme, qui ne s’en inquiète pas. « J’organise depuis longtemps des voyages au Kenya, où il y a toujours des avertissements pour la région du nord, illustre-t-elle. Évidemment, nous n’y allons pas. »
Qu’ajouter à cela ? L’experte en voyages estime que les pays scandinaves et européens en général sont d’excellents choix pour les voyageuses en solo. Elle ajoute au lot plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, comme la Thaïlande, le Vietnam et le Cambodge, ainsi que plusieurs régions d’Indonésie.
De plus, les destinations francophones – comme la France, et plusieurs régions de la Belgique et de la Suisse, sans oublier le Québec – sont de bon choix pour commencer, parce qu’elles éliminent la barrière de la langue.
Par ailleurs, n’hésitez pas à consulter des voyageuses de votre entourage ou des blogueuses spécialisées en voyage pour avoir leurs impressions sur telle ou telle destination.
Partir seule ne vous intéresse pas ou vous inquiète ? D’autres options s’offrent à vous. « Quand je veux explorer des continents où je me sentirais moins à l’aise seule, à cause d’enjeux de sécurité, de langue ou de logistique, par exemple, j’opte pour des voyages organisés », mentionne Isabelle Pronovost.
Ces derniers sont nombreux sur le marché et les formules en sont variées. Par exemple, Ariane Arpin-Delorme organise des mini-groupes thématiques (safari-photo, randonnée, gastronomie…) de sept à douze personnes, dont les participants se rejoignent à destination par leurs propres moyens. « Ça permet plus de souplesse qu’un circuit organisé classique puisque les gens peuvent arriver un peu en avance ou rester sur place ensuite », explique-t-elle.
Isabelle Pronovost a d’ailleurs trouvé chaussure à son pied avec ce type de formule, qui lui a permis de visiter, depuis 2023, plusieurs pays dont l’Égypte, la Bolivie, l’Équateur, le Pérou, la Colombie et le Sri Lanka. Toujours seule et toujours avec l’agence torontoise G Adventures, qui réunit des participants d’un peu partout dans le monde. « Il y a des gens de 20 à 70 ans, des couples, des duos d’amis et toujours quelques personnes seules. C’est très diversifié», se réjouit-elle.
Liette Bergeron, de son côté, ne veut rien entendre des voyages organisés. En revanche, la bourlingueuse se plaît à aller seule en tout-inclus dans le Sud à l’occasion. « J’appelle ça aller à la garderie : pour décrocher et être dans ma bulle, sans avoir à penser à ce que je vais cuisiner pour le souper ! » lance-t-elle.
Quant à moi, après un long et merveilleux périple en voilier effectué récemment avec mon conjoint, je peux vous assurer que… voyager seule, en toute liberté, est encore dans mes plans !
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Amélie est journaliste pigiste. Bien qu'elle soit une généraliste – curieuse et assoiffée d’apprentissages –, elle a développé plus d’expertise sur les sujets touchants la consommation durable et responsable sous toutes ses facettes, le plein air et l’équipement qu’il nécessite, les expériences de voyage et l’éthique en tourisme, de même que l’alimentation, le bien-être et la santé.
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