Des ingrédients plus écolos
La catégorie des protecteurs solaires n’échappe pas à la vague de la consommation écoresponsable. Les fabricants portent une attention particulière aux ingrédients qu’ils utilisent. Surtout depuis qu’une étude publiée en 2019 dans JAMA, le journal de l’Association médicale américaine, a démontré que des composants – notamment l’avobenzone, l’oxybenzone, l’octocrylène et l’ecamsule – présents dans les formules pouvaient traverser la barrière cutanée et pénétrer dans le système circulatoire. D’où un potentiel de toxicité.
On trouve de plus en plus de produits contenant des filtres entièrement minéraux (ou physiques), comme l’oxyde de zinc et le dioxyde de titane, perçus comme étant plus naturels. Attention, cependant : il ne faut pas démoniser tous les filtres chimiques, selon le Dr Joël Claveau, dermatologue spécialiste du mélanome au CHU de Québec. Certains demeurent extrêmement efficaces pour nous prémunir contre les rayons nocifs du soleil et contre le cancer de la peau. « On peut rassurer les gens, les écrans solaires sont sécuritaires. Pour bien se protéger, le mieux est d’utiliser une combinaison d’ingrédients – organiques et inorganiques [filtres chimiques et minéraux] – couvrant tout le spectre des rayons UV. »
Face à l’urgence planétaire, les acteurs du marché ont aussi fait leurs devoirs du côté des emballages, en utilisant du plastique recyclé et des matières biodégradables comme le carton.
Une autre tendance à surveiller : la protection des coraux, de plus en plus au cœur des préoccupations des marques de produits solaires. Les quelque 14000 tonnes de lotion déversées dans les océans chaque année contiennent des ingrédients soupçonnés de détruire la vie marine. Les plus controversés, l’oxybenzone et l’octinoxate, sont désormais interdits à Key West, Palau et Hawaï. Dans ce dernier État américain, des distributeurs de lotions sécuritaires gratuites ont même été installés sur les plages en janvier 2021.
Un nombre croissant de fabricants apposent la certification reef friendly (« ami des coraux ») pour signifier leur engagement envers les océans. Chez La Roche-Posay, avant de reconnaître qu’une formule est respectueuse de la vie marine, il faut démontrer qu’elle est biodégradable à 70 % et qu’elle ne pose pas de risques pour les récifs coralliens. « On fait les tests sur des coraux de laboratoire, pas dans l’océan, évidemment ! » précise Ariane Beaulieu-Sirois, experte en éducation dermocosmétique pour l’entreprise française.
Des textures plaisirs
Bâtonnet, poudre, gel ? Les soins solaires se déclinent dorénavant en un éventail de textures. « La science a tellement évolué ! Il y a 10 ans, il fallait frotter notre lotion pendant une demi-heure pour que la peau l’absorbe. Une formule sous forme d’eau ou de sérum aurait été inconcevable », affirme Machael Varricchio, expert en soins de la peau pour la marque Coola. Cette société californienne lance cette année une bruine hydratante avec FPS 18, fort pratique pour réappliquer de la protection tout au long de la journée. Des poudres libres contenant de l’écran solaire minéral permettent aussi de retoucher sa mise en beauté tout en faisant blocus contre les rayons.
Reste que les lotions traditionnelles ont toujours leur place. Les consommatrices s’attendent cependant à des formules plus légères. « Les études démontrent que la bonne vieille crème demeure ce qu’il y a de plus sécuritaire, parce que c’est plus simple à appliquer de manière uniforme, sans oublier de petits coins. Pour cette raison, on a eu envie de créer des textures encore plus aériennes et fondantes », explique Isabelle Villeneuve, vice-présidente innovation chez Laboratoire Dr Renaud.
Des soins contre la lumière bleue
Le soleil demeure la source principale de lumière bleue, mais la plupart des écrans numériques – tels ceux des téléphones intelligents, des ordinateurs, des tablettes et des téléviseurs – en émettent aussi beaucoup. On savait déjà que cette source lumineuse affectait la qualité de notre sommeil, mais voilà que ses effets sur la peau sont de plus en plus reconnus. Elle favorise, notamment, le développement du mélasma (tache brune, également appelée « masque de grossesse ») et de l’hyperpigmentation post-inflammatoire (tache résiduelle après une maladie de peau). « J’en traite énormément dans ma pratique. Des patientes me disent qu’elles travaillent avec deux écrans, un de chaque côté du visage, toute la journée », fait valoir la Dre Suzanne Gagnon, dermatologue et copropriétaire de la clinique Victoria Park Médispa Laval.
De plus en plus de fabricants ajoutent des filtres et des antioxydants à leurs soins solaires pour contrer ces agressions lumineuses. Message à retenir : oui, il faut s’enduire de crème, même si on passe la journée à l’intérieur. Selon la Dre Gagnon, une bonne protection devrait surtout inclure de l’oxyde de zinc, ou une combinaison d’oxyde de zinc et de dioxyde de titane, pour réfléchir la lumière au lieu de l’absorber.
Le point sur les redoutables rayons UVA
« Quand on choisit un soin solaire, on a tendance à magasiner un chiffre. On recherche un filtre avec un FPS (facteur de protection solaire) élevé, mais le FPS ne représente que la protection contre les rayons UVB. La vigilance envers les UVA est trop souvent négligée ! » s’exclame Ariane Beaulieu-Sirois.
Ces rayons présents hiver comme été sont capables de traverser les nuages et les fenêtres. Ils pénètrent plus profondément la peau que les UVB, modifient le fonctionnement cellulaire, contribuent au développement de cancers et accélèrent le vieillissement cutané. « Environ 70 % du vieillissement de la peau est causé par les UVA. Si j’avais un seul soin anti-âge à recommander, ce ne serait pas de la vitamine C ou de l’acide hyaluronique, mais plutôt un soin solaire avec une bonne protection UVA », dit Ariane Beaulieu-Sirois.
Le problème, c’est qu’il n’existe pas de consensus international lorsqu’on parle d’UVA. En Europe, si un emballage affiche le logo UVA (les trois lettres dans un cercle), cela signifie que la protection UVA est égale à au moins un tiers de la protection UVB (le FPS), ce qui répond aux normes. Au Canada, ce logo n’est pas réglementé, même si on le trouve sur les produits de L’Oréal Paris, Vichy, La Roche-Posay et Ombrelle, entre autres.
La Dre Suzanne Gagnon reste prudente à l’endroit de ce sigle. « C’est un élément de marketing. La marque CyberDERM offre l’une des meilleures protections sur le marché contre les UVA et la lumière bleue, mais n’utilise pas ce logo », mentionne-t-elle.
Comment s’y retrouver, alors ? Selon le Dr Joël Claveau, l’appellation « large spectre », bien qu’imprécise, demeure le meilleur indice. « Pour que Santé Canada autorise cette mention, il faut un degré de protection minimum [le critical wave length]. Ce n’est pas parfait. Tous les écrans solaires à large spectre ne sont pas égaux. Mais ça assure une certaine couverture », conclut-il.