Des femmes victimes de l’ère pornographique. C’est ce que s’attendaient à trouver les sociologues américaines Elizabeth Armstrong et Laura Hamilton lorsqu’elles ont débarquées dans un dortoir d’étudiantes d’une université du Midwest, en 2004. À l’époque, elles enquêtaient sur les abus sexuels entre jeunes adultes, alarmées par les supposés ravages de la « hookup culture » sur les campus américains, raconte la journaliste Hanna Rosin dans la dernière édition de The Atlantic.
Ce phénomène, que les experts québécois en sexologie consultés traduisent par « culture des aventures sexuelles sans lendemain » (langue française, tu es magnifique, mais si peu succincte), se caractérise par une sexualité débridée chez les jeunes, dénuée de toute forme d’engagement. Dans nos sociétés « pro-déviance », le coït serait maintenant « au même rang que le petit bec sur la joue », dénonçait cet hiver la truculente soeur Marie-Paul Ross dans La Presse. Plus vulnérables et exploitées que jamais, les femmes se soumettraient au sexe sans amour dans l’espoir que leurs jeunes amants désinvoltes s’attachent à elles à force de caresses expertes, dénoncent plusieurs observateurs, dont la critique sociale américaine Caitlin Flanagan.
Or, ce n’est pas du tout ce qu’ont observé nos deux sociologues américaines au terme d’années de recherche sur le terrain. Dans les universités, et particulièrement dans les milieux privilégiés, elles ont plutôt rencontré des femmes studieuses qui ne veulent pas s’embarrasser d’un amoureux, trop occupées qu’elles sont par la poursuite de leurs ambitions. Un chum, c’est l’équivalent d’un cours de quatre crédits, leur ont dit certaines! Elles auront bien le temps de trouver leur homme une fois leur carrière en selle. Pour l’instant, les histoires d’un soir répondent parfaitement à leurs besoins.
L’enquête des sociologues et ses propres incursions sur les campus américains mènent la journaliste Hanna Rosin à conclure que les avancées actuelles du féminisme sont dues en bonne partie à la « hookup culture ». Jusqu’à un certain point, ce sont les femmes qui s’organisent pour la perpétuer. C’est qu’une relation sérieuse à cette étape de leur vie serait aussi catastrophique pour leur avenir qu’une grossesse avant le mariage l’était pour nos grands-mères, écrit-elle.
Par ailleurs, à ceux qui font rimer libération sexuelle et dégradation des mœurs, la journaliste sert quelques statistiques étonnantes : aux États-Unis, le pourcentage des adolescentes actives sexuellement est passé de 37 à 27% depuis 1988. Au Québec, la moitié des jeunes ont au moins 18 ans avant de faire l’amour pour la première fois. Pour la grande majorité, ça se passe au sein d’une relation stable. C’était le même topo en 1980, révèle une étude publiée en 2009 par des sexologues de l’UQAM. Aussi, malgré l’hypersexualisation et le libertinage, fonder une famille demeure une des aspirations les plus chères aux yeux des jeunes.
Reste que la « hookup culture » ne convient pas à tout le monde, commente la professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval Francine Lavoie, qui étudie le phénomène chez les adolescents depuis 2005. Le tiers des jeunes de 14 à 18 ans s’adonnent au sexe sans attache (« casual sex »), évalue-t-elle. Elle remarque que les filles sont plus nombreuses que les gars à éprouver un malaise après une expérience de ce type. Et qu’elles sont aussi plus nombreuses à souhaiter que l’aventure se transforme en relation romantique.
Qu’observez-vous à ce sujet? Vos expériences et vos commentaires nous intéressent.