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De l’amitié

Il y a quelques semaines, dans son billet sur l’écosystème amoureux, Jean-Sébastien parlait de cette « zone floue entre l’amitié et l’amour, qui fait peur à beaucoup de gens.» J’avais déjà publié une réflexion à ce sujet sur mon blogue personnel. Je la poursuis ici, parce que ces frontières sont parfois difficiles à négocier.

Ça m’a frappé de plein fouet. C’était il y a plus de deux ans, dans un bar trop bruyant, devant une bière trop amère. Un ami qui venait de divorcer, m’a dit :
« J’ai envie d’être comme toi, libre et célibataire. »

J’étais amoureuse de lui, depuis longtemps déjà, depuis toujours. Certaines rencontres nous frappent de plein fouet. Après quelques minutes de conversation, on a l’impression de se connaître depuis toujours. S’il avait été une femme, je l’aurais aimé autant.

« Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : parce que c’était lui, parce que c’était moi. » (De l’amitié,  Michel de Montaigne)

J’espérais pas très discrètement qu’il redevienne célibataire. Le mariage n’allait pas fort, il ne parlait jamais d’elle et formulait tous ces projets au « Je ». Aujourd’hui, il parle encore au « Je », sans moi, sans nous. Il le voulait ainsi.

On a sauvé l’amitié. Mais j’y ai laissé des plumes et j’ai mis du temps à me sentir prête à voler à nouveau. Je l’avais cherché toute ma vie, c’était totalement absurde de me remettre à chercher. Grosse fatigue.

« Je repars vivre loin de toi. On a encore une nuit, juste une nuit. »

Une attirance évolue parfois en amitié, par renoncement à l’amour. Pour garder un ami, on se fait violence, en enterrant un sentiment amoureux. À force de volonté, on bâtit parfois, sur des rêves écroulés, une amitié réelle, solide comme une cathédrale miraculeuse.

Quand il me dit qu’il sera toujours là pour moi, je le crois. Parce que c’est lui, parce que c’est moi. On se saignerait pour respecter notre parole. C’est un bon gars. Il ne me croit pas.

L’amitié n’a pas besoin d’explication du pourquoi, du comment. Le lien se tisse naturellement, se solidifie avec les années et peut durer toute une vie.

Je me rappelle le jour irréel de l’enterrement de mon père. Quand je me suis levée pour parler à l’église, mon regard a balayé la salle : je cherchais les visages de mes amis, j’ai croisé le regard d’un vieil amant que je n’avais pas vu depuis des années, il avait pris congé pour m’offrir ce petit sourire d’encouragement. J’ai respiré un bon coup.

L’ami demeure au fil de nos amours et lorsqu’un amour se meurt, on espère, souvent, en garder l’amitié.

Je vous parle d’amitié cette semaine, parce que j’ai fait le plein ces derniers jours. Je me suis gavée d’amitié. J’étais essoufflée, non pire, j’étouffais. Elles m’ont redonné du souffle, comme dans cette chanson de Sia qui clôt la grandiose série Six pieds sous terre, Breathe me.

Merci à tous mes amis, hommes, femmes et extra-terrestres confondus!

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