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Née de parents inconnus

Suite à mon billet de lundi sur ma famille biologique, voici un autre témoignage d’une enfant adoptée qui a aussi retrouvé ses parents au début de la vingtaine.

« Non, ma fille, je ne t’ai pas prise dans mes bras. Si je l’avais fait, je n’aurais jamais pu me séparer de toi, après. » C’est la réponse à la question que j’ai osé demander à ma mère biologique, bien des années après l’avoir enfin retrouvée. La boule dans mon ventre, présente à tous moments du jour, à l’origine de mon sentiment et de ma peur d’être rejetée, enfin expliquée.

J’ai toujours su que j’étais adoptée. Mes parents m’ont expliqué, très jeune, qu’ils avaient été chanceux de pouvoir me choisir. L’ironie du sort, c’est que je ressemble à mes parents adoptifs. Lorsque j’avais trois ans, à la garderie, alors qu’on expliquait comment naissent les bébés, j’ai répondu que, moi, je n’étais pas née comme ça. « Moi, mes parents sont venus me choisir. Je n’étais pas dans le ventre de ma maman. » On ne m’a pas crue, signe avant-coureur de la différence qui s’installait et du sentiment de rejet qui s’ensuit, chez les adoptés.

J’ai grandi avec un besoin intrinsèque de connaître mes origines. Mes parents adoptifs étant immigrants, je ressentais le besoin de confirmer que j’étais Québécoise, lire « pareille comme les autres », qui devint même une obsession, à l’adolescence. Encore ce trou dans mon cœur resté enfant, une angoisse que j’avais du mal à nommer. Heureusement, ma mère adoptive, femme épatante, a tenté par tous les moyens de m’aider, m’accompagnant aux Mouvements Retrouvailles, séchant mes larmes, dans les moments de désespoir, ou endurant avec compréhension mes colères soudaines « d’ado ».

À 21 ans, quand j’ai participé à un programme permettant de retrouver ses parents biologiques, j’étais exaltée. Il est très ardu de mettre des mots sur les émotions qui accompagnent cette blessure « génétique », mais j’avais espoir que ce « trou » qui m’habitait allait enfin disparaître en sachant qui est la femme qui m’a portée, en lui posant la fameuse question : « Pourquoi? » Qu’avais-je fait pour qu’elle m’abandonne? Quel scénario déchirant s’était-il produit pour qu’elle abandonne, à la naissance, ce petit bout gémissant de six livres, que des couvertures, plutôt que des bras emplis du parfum réconfortant de maman, accueillaient dans le monde? Mes grands yeux, c’était elle? Et ce nez retroussé tant détesté?

Puis vinrent la photo, la lettre et l’incompréhension. Deux inconnus : mon père, ma mère. Ma mère, mon sang, à qui je ne ressemble pas du tout ; mon père, à qui j’attribuais la faute, mon portrait tout craché. La lettre, leur bonheur de pouvoir enfin me connaître et le choc ultime, pour moi, quand j’ai compris qu’ils ont toujours été ensemble. Finalement, l’incompréhension : aucune explication. Aucune explication ne m’a été fournie, lors des premières rencontres ni des suivantes.

Au fil des ans, j’ai finalement cessé d’espérer remplir le « trou ». J’ai compris que ce vide et cette différence qui m’habitent font partie de mon identité, qu’ils définissent ma personnalité et ont contribué à bâtir ce que je suis aujourd’hui : une femme sensible, dotée d’une forte personnalité et d’une résilience tout à fait étonnante.

Fière maman de trois enfants, Marie-Karina mène une carrière en communication médicale et parcourt les sentiers du Québec à la course à pied. Vous pouvez la suivre sur Twitter: http://twitter.com/mkarina

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