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Rester zen à 0 Km/h

Vendredi midi, 28 degrés Celcius, peut-être même 30, avec l’humidité, j’embarque dans mon vieux bazou en direction d’un spa en Estrie. J’avais battu mon record de lenteur pour me rendre au centre-ville en autobus lundi dernier, alors pas question d’emprunter la rue Sherbrooke. J’opte pour Marie-Anne vers Papineau. Il y a exactement 3.8 km entre chez moi et le pont Jacques Cartier, j’ai mis une heure pour les parcourir.

C’est inévitablement dans un bouchon à 30 degrés, que l’air climatisé rend l’âme. J’ouvre les fenêtres pour mieux profiter des gaz de mes compagnons de mésaventures exaspérés. Je commence légèrement à stresser :  mon massage prévu à 3h30 est ni échangeable, ni remboursable.

Coin Papineau/Rachel : un cycliste crie un char de bêtises à un conducteur coincé au milieu de l’intersection. Il laisse tomber son vélo, ouvre la portière  de sa victime et la referme violemment. Devant cette scène de rage du guidon, je réalise le ridicule de ma situation : « Suis-je vraiment en train de stresser pour aller me détendre au spa alors que la plupart des gens finissent à 17 heures et jouent dans le trafic tous les jours? Je souris, je monte un peu la musique et je sors mon journal. Je tombe sur l’article Vite slow, vite, slooooooooooooow de Josée Blanchette dans le Devoir. L’article idéal quand on avance à 0 Km/h dans le trafic. Merci Josée!

Bon, jusqu’ici tout va bien, mais il ne faut pas défier la théorie du chaos. Pépette exprime un petit « bip ». Je regarde le tableau de bord : une lumière rouge clignotte. « Au secouuuuurs! Mon auto va exploser au milieu d’un bouchon! » J’appelle mon cousin mécanicien spécialiste en gestion de crise.

« T’es sûr qu’elle ne peut pas exploser… hein? Euuuh l’huile? Oui, ça fait un petit bout de temps! »

La modernité a tué les stations service avec service. À l’époque, un gentil Portuguais vérifiait l’huile de Pépette régulièrement. Le garage du coin à échelle humaine a été remplacé par un gros Couche-tard où le commis lève les épaules quand je lui demande quelle est le meilleure huile pour une vieille coccinelle capricieuse.

Je sue maintenant à grosses gouttes dans le trafic. « Pépette, tu sais que je t’aime! On a traversé le continent ensemble! Sois gentille, tiens le coup jusqu’à la station service sans service! » Quelques minutes plus tard, je dépasse la source du mal : des travaux à l’intersection Papineau/Sherbrooke. Quelle idée! Je fais avaler une grosse pinte d’huile à Pépette et nous repartons vers le pont. Toujours abonnée à la théorie du chaos, je réussis à me perdre pendant au moins une demi-heure sur les petites routes de campagnes pour arriver bien stressée au spa.

Après un excellent massage par des mains d’homme, je me suis prélassée dans un bain surplombant une vue féérique sur le lac. Sur le quai, des femmes vêtues de robes de chambre blanches discutent en rond,  telles des vestales officiant une cérémonie antique. J’ai repris la route au coucher du soleil : un arc en ciel flottait au dessus des paysages pittoresques. Mon iPod en mode aléatoire m’a déniché un souvenir traduisant parfaitement mon état d’esprit : Compliments de Bloc Party. Il y a peu de paroles dans cette chanson, mais le refrain est comme un mantra de vérité qu’on ne veut pas toujours s’avouer.
We sit and we sigh
And nothing gets done
So right, so clued-up
We just get old

La journée de la lenteur aura lieu au Parc LaFontaine demain, mardi le 21 juin. Je ne pourrai malheureusement pas y assister, mais j’avais grandement apprécié l’Éloge de la lenteur de Carl Honoré. Je l’avais lu comme il se doit : couchée dans un parc en gigotant uniquement quand des fourmis exploraient mes orteils.

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