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Un samedi bouchonné

J’ai écrit ce billet à l’urgence. Vous vous demandez pourquoi je traîne mon ordinateur à l’urgence? J’ai aussi amené un roman, de l’eau et une barre de céréales. J’aurais peut-être dû prendre mon sac de couchage aussi. On ne se prépare jamais assez pour l’urgence.

Vendredi soir, onze heures trente. Mes voisines chantent sur leur balcon accompagnées à la guitare. Normalement, ça me fait plaisir de les entendre, mais je veux me lever tôt pour filer à la plage. Mon petit sac est tout prêt. Petit moment d’euphorie : choisir un livre, de la musique pour mon iPod, ne pas oublier la crème solaire.

Je me lève pour aller chercher des bouchons d’oreilles. J’ai acheté un nouveau modèle en cire, plus efficace parce qu’il s’adapte parfaitement aux trous de vos oreilles.  Ah oui! Tellement parfaitement! Plus tard dans la nuit, en tournant sur le côté, je sens une chose s’enfoncer très creux dans mon oreille. Vous avez déjà essayé d’enlever un truc de votre oreille avec une pince à sourcil en pleine nuit? Pas très pratique, je n’ai réussi qu’à aggraver mon cas. Voilà comment on bousille un samedi à la plage.

Samedi matin, soleil magnifique, soleil tant attendu, une belle journée pour aller à la clinique! J’arrive trop tard pour les inscriptions du matin, il faut revenir à 11h30.

Je m’arrête quelques minutes au parc en face de chez moi. Je me sens comme dans une séquence de film : les bruits de fonds disparaissent d’un côté, le personnage réfléchit. Deux gros chiens batifolent dans la fontaine. Un homme titube et passe en chantonnant une chanson que je ne reconnais pas avec une seule oreille. Une petite fille blonde  lance des branches dans la fontaine, son papa la gronde. Je me sens observée, un sans abri me fixe depuis un moment.

Ma vie passe sur le banc de parc. Dix ans, vingt ans, trente ans, quarante ans plus tard, je suis cette petite vieille avec sa canne de l’autre côté de la fontaine. J’aime les vieillards assis sur des bancs de parcs.  J’aime les couples de vieillards qui se tiennent la main. Cette image me rassure.

11h30 : j’attends 30 minutes debout en ligne pour passer à l’inscription de la clinique.

« Bonjour madame, Est-ce qu’il y a une infirmière sur les lieux? Je n’ai sûrement pas besoin d’un médecin pour mon problème. En fait, c’est une histoire idiote, c’est gênant, je me suis rentrée (et je me rends compte de l’ambiguité de ce début de phrase) En fait, mon oreille a avalé un bouchon en cire!…
Ah aucune d’infirmière, il faut attendre le médecin.  J’ai un bon roman, je vais mettre du Bob Marley et prétendre que je suis à la plage. »

Deux  heures plus tard, le médecin tente de me rincer l’oreille avec un liquide, il abandonne vite et me dit d’aller à l’urgence de l’hôpital.

« Non, pitié par à l’urgence! C’est un beau samedi ensoleillé ! »
« Normalement, j’ai une infirmière qui m’aide pour ces choses là, elle tient la lumière. »
« Je peux vous la tenir la lumière moi! »

Rien à faire. Le médecin m’envoie à l’urgence.

Sept heures plus tard, une heure du matin : retour à la vie en stéréo. Je vais  mieux apprécier les concertos du balcon des voisines avec mes deux oreilles.

On pense toujours que ces histoires ridicules ne nous arrivent qu’à nous. Et pourtant!

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