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Vue sur la rue des Mauvais garçons

Je ne voulais pas vivre à Paris, trop stressant, trop plein de Parisiens stressés. Je voulais vivre en province, près de la mer ou de la montagne. Pourtant, je connaissais bien la ville, j’y allais parfois deux fois par semaine quand j’étais agent de bord.

Mais il faut croire que j’y étais destinée. À quelques semaines de la fin de mon contrat dans les Alpes, un ami m’envoie une offre d’emploi pour travailler « dans Internet », ce tout nouveau truc à la mode où l’on devient millionnaire avant trente ans. J’en parle à un autre ami parisien qui me répond : « Bah oui! Je les connais très bien, tu veux que je les appelle? » Eh oui! Parfois, la vie c’est aussi simple que ça! (sauf que je ne suis pas devenue millionnaire, je suis arrivée au début de l’éclatement de la bulle des .com)

C’est ainsi que j’ai atterri à Paris à vingt-cinq ans. Je me suis installée dans un petit studio au coeur du marais, au 10 rue de la Verrerie, en face de la rue des Mauvais garçons. Le premier étage était occupé par une boîte de nuit gaie où je n’ai jamais osé mettre les pieds. J’habitais dans les toits au sixième étage sans ascenseur. Les quelques amis qui m’ont aidé à déménager, m’en parlent encore!


Ma chambre de bonne faisait moins de vingt mètres carré dont une bonne partie de la superficie perdue sous la mansarde. Elle avait quelques caprices qui lui donnaient tout son charme.

1- Il était impossible d’ouvrir la porte de la douche sans lever le couvercle de la toilette. Si par malheur, le couvercle se refermait pendant que j’étais sous la douche, je ne pouvais plus sortir. Je suis déjà restée prisonnière près d’une heure dans une douche d’hôtel, croyez-moi, on se sent vraiment tout nu et con. Je trainais donc mon téléphone portable sous la douche dans un petit sac de plastique.

2- Si je partais le petit four ou le grille-pain en même temps que le chauffage ou le sèche-cheveux, les fusibles sautaient. En fait, pour éviter tout court-circuit, je vous fermais tout, y compris les lumières, avant de me sécher les cheveux.

3- L’hiver, je ne pouvais pas manger du Nutella, le pot gelait puisque la cuisine n’était pas chauffée. Je devais aussi garder mon manteau environ une demi-heure en arrivant chez moi, le temps que la pièce se réchauffe.

4-  Un chat qui traînait sur le toit, entrait par la fenêtre pour se faire flatter. Un matin, je suis arrivée au bureau les jambes couvertes de piqûres, un collègue m’a dit :

« Ah! Mais ce sont sûrement des puces de parquet!
« Des quoi?! »
«T’as un animal chez toi? »
« Non, non mais je connais une chatte qui marche sur un toit brulant »

Mais malgré tout ça, j’adorais mon petit appartement qui avait aussi été habité par une peintre italienne et une actrice française. Je me sentais au centre du monde. J’adorais quand les copains m’appelaient pour me dire qu’ils passaient par là : « On va boire des coups? » Je me rends compte que ce qui me manque le plus de ma vie parisienne en dehors de la bouffe, c’est l’improvisation. On ne planifiait presque rien et je ne m’ennuyais jamais.

En rentrant au Québec, j’ai dû me réhabituer à réserver dans les agendas des amis. Et puis, dans les années suivantes, les enfants ont pris le contrôle de plusieurs agendas. La bohème parisienne c’était il y a dix ans, il y a un siècle, il y a une éternité! (Droits d’auteurs à Joe Dassin)


 

Légende :
Photo 1 : Lucarne sur peinture murale de ciel,  Belleville.
Photo 2 : La porte du 10 rue la Verrerie, inconnu sur la terrasse du bar du premier étage.
Photo 3 : Jeu de lumière sur la Tour Eiffel, vue des Champs de mars.

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