Chroniques

Émilie Bibeau : le bonheur est dans la philosophie

Quel sens donner à son quotidien ? Comment agir avec respect ? Qu’est-ce que le bonheur ? La comédienne et autrice Émilie Bibeau trouve du réconfort dans les mots des grands penseurs. Sa réflexion est une ode à la vie.

Jardin/Sanjeri

Photo : Getty Images

Je me questionne tout le temps.

Dans ma tête, mes neurones sont autant de petites routes où des tonnes de pensées se bousculent à chaque seconde. Je veux tout vivre, tout analyser, tout apprendre pour mieux comprendre, agir noblement, prendre bien soin de mon monde, être la meilleure personne possible, être heureuse…

Être heureuse.
Gros programme.

Surtout quand on est la reine de l’anticipation et qu’on projette toujours trop vite le film de ce que sera ou ne sera pas sa vie. Rien n’est arrivé encore, et déjà je suis inquiète ou, au contraire, trop pleine d’espérances difficiles à combler.

Pendant que ma belle-fille chantonne « Il est où le bonheur, il est oùùù ? », à la télé la même chanson martèle qu’il est là le bonheur, il est lààà, dans le Nutella. Pendant qu’on nous bombarde d’articles nous exhortant à savourer le moment présent et les petites choses de la vie, il y a longtemps que la main d’Amélie Poulain plongée dans un sac de lentilles sur un air de piano ne me suffit pas comme explication du bonheur.

Une entrevue avec le philosophe français André Comte Sponville entendue récemment m’a marquée. Il y expliquait qu’une phrase des Essais, œuvre majeure de Montaigne, avait changé sa vie. Cette phrase disait : « Pour moi donc, j’aime la vie. »

Une phrase qui n’a l’air de rien, mais qui représente, selon lui, la plus belle définition de la sagesse. Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, la sagesse, ce n’est pas d’aimer le bonheur. La vraie sagesse, c’est d’aimer la vie. Heureuse ou malheureuse. L’aimer telle qu’elle est, dans toute son imperfection.

« Que la mort me trouve plantant mes choux, mais nonchalant d’elle et encore plus de mon jardin imparfait », continue Comte-Sponville, citant toujours Montaigne. Ce « jardin imparfait », c’est la vie elle-même. Pas seulement la vie biologique, mais aussi la vie intellectuelle, amicale, sensuelle, amoureuse, etc. Je trouve cette image de « jardin imparfait » très belle.

Avoir la force et le courage d’accueillir les événements comme ils sont, tout en ne niant pas qui on est, voilà un bon moteur d’existence. Aimer la vie telle qu’elle se présente. Imparfaite, réjouissante, chiante, tragique parfois, décevante, surprenante, triste et multiple, mais unique.

Suis-je en train de tourner du Montaigne en psycho pop ? J’espère que non, mais peu importe. Le plus important, c’est que les mots des autres nous élèvent, et il faut garder en tête que la joie est toujours possible. Toujours. Même dans les pires moments. « Rien n’est durable, rien n’est promis, tout est possible », écrit Robert Lalonde. Le bonheur, après tout, n’est qu’une question de perspective.

Comme disait Voltaire, « il faut cultiver notre jardin », si imparfait soit-il. Avec ou sans choux.

Émilie Bibeau

Émilie Bibeau évolue autant sur la scène qu’à la télévision et au cinéma. Elle est aussi lectrice à l’émission Plus on est de fous, plus on lit sur ICI Radio-Canada Première. À l’automne 2020, elle a publié Cœur vintage (éditions cardinal). Elle est de la distribution du film Le club Vinland, de Benoit Pilon.

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