Femme de rêve

Aimer, s’aimer, sans faire l’amour

Un phénomène médiatique au Salon du livre de Montréal, le roman L’envie, de Sophie Fontanel traite de l’abstinence sexuelle dans une société hypersexualisée. Où se termine le besoin, où commence l’obligation?

Moi qui ne lis que très peu de romans, j’avoue que je me suis plongée dans L’envie avec bonheur, dès les premières lignes. D’abord, c’est bien écrit. Et puis (avantage pour moi qui ne lis pas rapidement), c’est assez court. Pour ceux qui s’imaginent lire un roman érotique, vous serez vite déçus.

Bref, déjà le sujet inscrit en toutes lettres sur le bandeau annonce: « Si tout le monde faisait l’amour, on ne s’entendrait plus. »  Mais le roman, une autofiction, écrite par cette journaliste française de 49 ans qui a cessé de faire l’amour durant dix ans, est un bijou d’analyse de notre obsession collective pour le sexe.

Vous lirez d’abord l’entrevue qu’a faite Chantal Guy, publiée aujourd’hui.

Parenthèse: je devais manger avec Sophie Fontanel ce midi, mais me voilà plutôt avec une canne à la main et une foulure au pied, gracieuseté de l’administration Tremblay (les rues de Montréal font des victimes quotidiennement). Mes excuses à l’auteure. Je n’en ai pas moins apprécié sa prose et la profondeur du sujet.

Je me contenterai de l’oeuvre et vous pourrez toujours lui rendre visite au Salon du livre de Montréal, un prétexte comme un autre. J’aimerais bien être un petit oiseau à ses séances de signatures. Si vous avez le pied foulé, son blogue vaut le détour aussi.

Ce qui m’a frappé le plus de ce roman qui lui colle à la peau, c’est le portrait que fait Sophie Fontanel de tous les gens qui la harcèlent sur sa non-vie sexuelle. En fait, bien peu semblent en paix avec leur sexualité. Et Sophie de nous présenter ces couples plus ou moins fonctionnels, ces lesbiennes qui voudraient voir en elle une des leurs (mais refoulée), les partouzeurs qui lui font des avances, les esseulés qui la comprennent mais lui conseillent de se taire, les amies qui la trouvent trop difficile mais ne sont guère satisfaites au lit ou dans leur vie, les mères de famille trompées par leur mec.

Ne pas faire l’amour est devenu un tabou comme un autre. Sophie Fontanel ne se réclame ni des mal-baisées, ni des curés, ni des bigotes, ni des asexuées, ni des misandres:  « Mon désir à moi c’était d’attendre.« , écrit-elle. « Laissez aux gens le trésor qu’ils possèdent. Leur équilibre indéfinissable. Indéfinissable, j’avais appuyé. « C’est d’ailleurs pourquoi aucun mot ne peut nommer l’absence de vie sexuelle des humains qui espèrent. Nous disons « chasteté », ce n’est pas le bon mot. Nous disons « abstinence », ce n’est pas le bon mot. « Asexualité » n’est pas le bon mot. » 

 Dernier extrait qui vous donnera peut-être envie de plonger: 

 » On confond souvent ce désintérêt avec une impuissance. Nous sommes si nombreux à savoir que ce n’est pas qu’on ne peut pas, c’est qu’on ne s’y voit plus. Le plaisir est récolté, et après? Il n’est plus l’argument impérieux d’hier. Le jeu n’en vaut plus la chandelle. C’est pour cette raison qu’on s’éloigne. J’irais jusqu’à dire que ça fait un bien fou. »

Après l’envie de jouir, le devoir de le faire. Nous avons à nous libérer de cela aussi.

« Crois-moi, la vie privée ce n’est pas ce qu’on fait, c’est ce qu’on ne fait pas« , peut-on lire à la fin. Voilà qui devrait rassurer tout le monde.

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