Yalda Machouf-Khadir. Je me retenais d’en parler le temps qu’elle était en prison. Je connais Yalda, ses soeurs, ses parents. Du bien bon monde. Engagés. Exaltés parfois. Sérieux aussi. On ne badine pas avec la politique dans cette maison. Quoique. Amir et Nima sont toujours partant pour débattre, discuter, défendre et monter au front. Rigoler aussi. Même si on ne partage pas toutes leurs idées, c’est possible d’en découdre sans se détester. Ce n’est pas le cas de tous les Québécois… Chez les Machouf-Khadir, la tolérance est au menu du jour.
Durant leur enfance, les trois filles (dont la benjamine est un modèle d’espièglerie et de joie sur deux pattes) se sont fait lire « Histoire des religions » dans La Pléiade avant de s’endormir le soir. Mère militante, père militant, grands-parents militants; ces enfants n’ont pas connu les fins de semaine dans les glissades d’eau ou à La Ronde, non. Elles ont passé leur enfance dans les manifs, en poussette, puis à pied, portées par cette flamme, ces convictions, cette fougue de la contestation.
C’est certain que lorsque ta vie est un long slogan pas tranquille, que des pancartes (On veut du pain et des roses!) attendent dans l’entrée avec les bottes et les écharpes, que le poing levé est un mode d’expression préconisé, que ton père a emprunté la voie de la démocratie pour changer le monde à sa façon, que ta mère est une féministe qui ne s’en laisse pas imposer et que tes parents ce sont rencontrés en scandant « So-so-so », c’est certain que tu ne penses pas comme la jeune ado de base, cutex, mascara, fond de teint résistant aux larmes et gougounes dernier cri, Cuba ou Old Orchard pour les vacances d’été.
Non, tu penses autrement. Je n’essaie pas d’excuser Yalda. Elle a 19 ans, cherche encore les limites (son père aussi, d’ailleurs et ça fait du bien aux institutions qui de toute façon sont corrompues à l’os) et elle est portée par le groupe, son groupe, comme tous les ados. J’étais triste de la savoir en prison même si elle semble avoir dépassé les limites.
Yalda Machouf-Khadir à sa sortie du Palais de Justice de Montréal.
Photo: Jacques Nadeau, Le Devoir
Et si cette Jeanne d’Arc du printemps érable devait être accusée de quoi que ce soit, j’espère que le (la) juge aura la même clémence que celui qui a jugé le jeune Pardi en lui imposant du travail dans la communauté après avoir tué une enfant de trois ans avec son bolide. Yalda est tout à fait la candidate pour ce genre de punition. Une punition avec un sens commun et une visée sociale.