Le repas gastronomique français s’est joint au patrimoine immatériel de l’Unesco cette semaine. Très mauvaise nouvelle pour les gourmets. Le tango, cette pensée triste qui se danse, est également inscrit au même programme nostalgique et muséal qui gonfle les fiertés nationales.
Comprenez que je n’ai rien contre la gastronomie française, j’ai même déjà gagné ma vie grâce à elle. Mais à partir du moment où l’on doit figer les traditions, c’est qu’elles n’en sont déjà plus, vouées à disparaître et devenir des relents de cuisine. Qui se souviendra du gigot du dimanche avec ses flageolets et son gratin dauphinois, suivi des fromages fermiers et de la laitue, puis de la mousse au chocolat et du Calva?
L’industrialisation aura fait davantage que nous dépanner; elle aura tué cet ordre immuable et sacré des plats qui défilent et défient l’appétit pour en faire de la gourmandise. Le manque de temps (aucun peuple ne semble passer autant de temps à table, soit deux heures par jour) aura fait le reste.
« Si la faim touche à la vie parce qu’elle est le besoin de manger, si l’appétit touche au bonheur parce qu’il est la joie de manger, la gourmandise, elle, touche à l’ivresse et au plaisir. La gourmandise est une sorte de dimension du plaisir. » (Petit éloge de la gourmandise, Grégoire Polet).
Un petit livre absolument indispensable lorsqu’on veut défier le manque de temps et l’industrialisation à table: « Les règles d’une saine alimentation » de Michael Pollan. Mon coup de coeur de la saison malgré le titre « drabe » et possiblement moralisateur. Au contraire: de l’humour, du gros bon sens et 64 règles condensées dans un petit livre qui coûte moins de 10$ (Éd. du trésor caché). Traduit cet automne en français, ce livre est un best-seller au pays des gras trans et des Big Mac depuis sa sortie en 2009.
Règle no 24: « Manger ce qui n’a qu’un pied (champignons et végétaux) vaut mieux que manger ce qui a deux pattes (volaille), ce qui est encore préférable à manger ce qui en a quatre (vaches, cochons et autres mammifères) ». Il paraît que c’est un proverbe chinois.
Règle no 6: Évitez les aliments qui contiennent plus de 5 ingrédients.
Règle no 2: Ne mangez rien que votre arrière-grand-mère ne reconnaîtrait pas comme étant un aliment.
Règle no 48: Consultez vos tripes.
Sur ce, je viens de consulter les miennes, c’est la pause matinales pépites de chocolat noir et thé vert… Et tant pis pour mon arrière-grand-mère!