Générale

Contre toute espérance

On peut choisir de désespérer. Mais est-ce un choix? Chez certaines personnes, ça se traduit par une baisse de sérotonine. On peut choisir de fourrer son prochain. Ça, c’est un véritable choix. Et ça nous revient généralement en pleine gueule. Et pas plus tard que demain. On n’a pas trop d’une vie pour essayer de marcher droit, de trouver sa vérité, de se regarder droit dans les yeux dans le miroir le matin et de se dire « je fais de mon mieux et je m’améliore. »

J’ai deux souvenirs d’été qui nourrissent l’espoir au fond de moi et me redonnent la foi lorsque je vacille. Curieusement, ces deux souvenirs ont quelque chose de tabou. L’un en appelle de la nudité, l’autre du toucher. Le premier est une photo de mon fils, nu fesses sur la plage d’Haldimand, en Gaspésie, s’amusant à faire rouler un billot dans les vagues. C’est l’innocence et la liberté, l’horizon et la fusion avec l’instant présent, que j’embrasse du regard sur mon fond d’écran.

Et puis, il y a monsieur Câlin, rencontré à Gaspé lors du même séjour. J’en parle aujourd’hui dans le journal, aux côtés de deux ou trois autres libres penseurs. Monsieur Câlin m’a donné beaucoup en deux heures et pas seulement des câlins. Avec lui, j’ai retrouvé le sens car son existence en a une. J’ai acheté son livre publié à compte d’auteur. La préface de son amie, la comédienne Pascale Montpetit, est tout à fait amicale et limpide:

 » Après avoir lu ton livre, j’ai trouvé le mot pour nommer notre relation: fraternelle et tendre. S’il fallait expliquer ce que sont ces choses à un Martien, je dirais que la fraternité et la tendresse sont ce qui reste quand on a tout perdu. La fraternité et la tendresse sont les deux matières premières les plus précieuses dans l’univers et pourtant elles ne sont pas cotées en bourse. »

Pascale parle aussi de la qualité de présence de son ami comédien et de sa disponibilité. J’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi vrai, d’aussi « dans ses bottines », sur sa route. Son pèlerinage m’a touchée au coeur. Et pourtant, même monsieur Câlin doute: « Parfois je me dis: « T’as rien d’autre à faire de ta vie? Donner des câlins? » Mais les gens m’écrivent, m’inspirent, me disent que je change leur vie. Quelqu’un s’est arrêté sur ma route hier et m’a dit: « Le Christ est en toi ». Deux côtes plus tard, j’ai compris! T’as rien à faire, il est en toi. Arrête d’essayer d’être. Tu es. Soi. À partir d’ici, je ne suis plus monsieur Câlin ou Martin, je suis un être humain qui partage, un être humain en devenir. »

Il m’a laissé deux cartes de « câlin gratuit » à partager avec un étranger. Jusqu’à ce jour, j’ai pas encore eu le guts d’ouvrir les bras et de faire ce qu’il fait avec tant de naturel et de générosité. J’y ai pensé avec le serrurier cette semaine, avec les gars de la construction sur mon balcon hier, avec mon propriétaire ce matin. Et je n’ai pas osé. Faire ce que Martin Neufeld a fait 150,000 fois depuis 4 ans exige une totale abnégation de soi et du courage, celui de donner sans penser à comment l’autre nous recevra, en s’exposant au rejet. Je crois que je vais attaquer la femme de ménage tout à l’heure. Elle s’appelle Eva, c’est un ange. Elle ne me jugera pas.


Martin Neufeld dit Monsieur Câlin, ouvrant les bras aux passants, rue de la Reine à Gaspé.

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