Mes amis le savent, me traîner au théâtre ne se fait pas sans risque. Neuf fois sur dix, je ressors en beau joual vert et je suis guérie jusqu’à la prochaine saison. Si je suis près de l’allée, il m’arrive de sortir pendant la pièce, sinon, de roupiller. Je le fais pas exprès, j’ai une sainte allergie à tout ce qui est faux et je prétends à qui veut l’entendre que le cinéma a été inventé depuis.
Je sais, c’est épouvantable de dire ça. Et du temps où j’avais beaucoup d’amis comédiens, je ne le disais pas trop. Je ne voulais pas les peiner. Le théâtre, c’est leur vie. À titre de journaliste, j’ai la chance (ou la malchance) d’aller au théâtre régulièrement et je me frappe le nez sur une démonstration de sparages narcissiques trop souvent à mon goût. L’acteur (trice) arrive rarement (mais ça arrive, heureusement et c’est pour ça que j’y retourne une fois que j’ai oublié la déconvenue précédente) à me faire oublier son ego qui est dans le chemin. Le théâtre ne rit pas, il s’esclaffe et pouffe, il ne pleure pas, il lyre et agonise. L’exagération l’emporte sur la subtilité et l’émotion n’est pas souvent au rendez-vous en ce qui me concerne.
Hier soir, c’était pire que tout. « Interprétation/Exploration 101 » Cégep Lionel-Groulx. Et pourtant, nous étions dans l’un des plus grands petits théâtres en ville. Tout était faux. Du début, (le petit laïus d’Éric Jean, directeur artistique du « 4 sous » et concepteur de la pièce, pour nous enjoindre d’éteindre nos cellulaires) à la fin, un discours grandiloquent sur… sur quoi déjà?
L’art, je crois. L’intensité. À l’entendre, le cinéma ne lui suffisait pas, la danse non plus, le théâtre pas t’encore. « Je ne veux rien raconter, je veux ressentir. » Et bien, j’ai rien ressenti. Rien de rien, sinon une immense exaspération. J’ai eu l’impression de faire un tour dans l’inconscient d’Éric Jean. Et il aurait eu besoin d’un metteur en scène, autre que lui-même.
La pièce « Chambre(s) » n’a pas réussi à me tirer de ma torpeur (j’ai essayé de dormir un bout sur l’épaule du fiancé féru de théâtre), même pas le gars tout nu qui sautait partout en ayant l’air de trouver que c’était l’idée du siècle de se mettre tout nu sur une scène et de sauter partout. J’ai tchecké le sexe du coin de l’oeil (tout à coup que…) et j’ai refermé les yeux aussi sec. Rien à voir, circulez. Et qu’on ne vienne pas me parler d’exploration dramaturgique. Tout part de l’intention…
Bon, d’accord, y’avait un truc de vraiment bon dans cet exercice d’onanisme collectif (l’expression n’est pas de moi, et j’ai aussi entendu « théâtre fifoïde » dans les escaliers), et c’était la musique de Vincent Letellier. Splendide.
Sinon, je suis vaccinée jusqu’en 2010.