Je ne sais pas si on peut appeler ça un pressentiment, ou l’expérience ou du déjà-vu all over again. Faut dire qu’avant de déménager cet été, j’ai dû vendre mon chalet sur le chemin du Pipeline (oui, oui, comme dans y’a un pipeline qui passe sous ta terre). Magnifique endroit, tranquille, belle vue, ciel magique. Mais, bon, pipeline big time, Portland-Montréal. Je m’intéresse donc au dossier depuis une dizaine d’années.
En aménageant pas très loin, près du lac Memphrémagog, je me suis dit, si c’est bon pour les moines de l’Abbaye Saint-Benoît, ça ne peut pas être mauvais pour nous. Coin moins tranquille, plus touristique, chemin passant mais joli ruisseau, maison plus grande. On a brassé les cartes et on a rebrassé les dés, en se disant, si on n’aime pas, on revendra.
Ce matin, je reçois ceci d’un journaliste qui connaît mon intérêt pour les foutus gaz de shitte! Les voilà rendus dans mon village, toi! Je ne me sens pas plus attaquée qu’avant soit dit en passant, j’avais vu venir, je vivais sur un pipeline, j’ai déménagé en me disant que n’importe quoi pouvait arriver, une compagnie minière, une école de parachutisme, des éoliennes, un chenil de Dobermans.
Ce sera probablement les gaz de schiste, et dans le centre d’un village historique par-dessus le marché. De toute beauté. Je songe aux Bénédictins qui à deux kilomètres de là, tentent de couler des jours tranquilles sur le bord d’un lac déjà surexploité par la civilisation des loisirs à moteurs. Eux non plus ne peuvent pas revendre.
Je songe à tous ces moines qui depuis le début du siècle dernier tentent en vain d’avoir la paix, témoins du massacre (et le mot n’est pas trop fort) qui s’est opéré autour d’eux. Ils doivent se dire qu’ils sont punis pour tous leurs péchés de vanité, d’orgueil, de gourmandise ou pire, je n’ose imaginer, de plaisirs solitaires… Façon judéo-chrétienne de concevoir les choses.
Dom Delorme, priez pour nous, pauvres mortels, nous en avons grand besoin. Et une fois n’est pas coutume, j’irai même m’user les genoux dans votre magnifique chapelle en espérant que le ciel est témoin de mes efforts. Tout ça, c’est de ma faute, je vous ai apporté la guigne. J’ai trop péché mon père.