(Gros) poisson d'avril

On a si peu de rêves. Et en vieillissant (chaque année, pour les moins chanceux ou les moins friqués), nos rêves changent ou s'amenuisent comme peau de chagrin. La paix dans le monde? Trop ambitieux. Ne plus avoir mal à l'épaule? Trop réaliste. Me réincarner en espèce protégée? Invérifiable. Un rêve doit avoir un peu d'envergure pour être éligible au plan Disney en douze versements égaux. Mais il doit aussi pouvoir être réalisable si on veut y toucher du doigt.

J'ai enfin réalisé un rêve qui ressemblait à un rêve (ou un épisode de Flipper), pas à une liste d'épicerie déguisée: nager avec des dauphins. Oh, n'allez pas croire, je n'ai rien demandé, ni planifié; c'est comme l'amour, ça m'est tombé dessus par hasard. C'est la beauté du rêve éveillé: il lui faut un rien de magie pour s'incarner dans la réalité. Une minute, tu es une simple touriste épuisée et blafarde; l'autre minute, tu deviens une sirène retournée faire des sploutch parmi les siens. La preuve, c'est que mon B m'a confirmé que "ce n'est pas ma maman qui est dans l'eau" en regardant les photos.

Donc, vous croisez la "route" de deux dauphines (apprivoisés). Contrairement à un homme, vous ne connaissez pas nécessairement le mode d'emploi (affirmation osée). Elles mangent des poissons (congelés), soit. Moi, je n'en mange même plus du frais. Par respect pour les poissons, justement. Elles, elles s'en fichent, tu parles, la pêche durable, dernier de leur problème de digestion. Elles sont des emblèmes, autrefois célébrées comme des dieux chez les Grecs. Elles s'appellent Fiona et Camillia. Je ne savais pas que les dauphins avaient un dentier si bien pourvu en... dents.

Bon. Et il faut les apprivoiser avant de mettre les pieds dans leur piscine. À cause des dents, je suppose.

C'est territorial ces grosses bêtes. Et ça perçoit les phéromones. Même sous l'eau. Devriez voir l'accueil qu'elles ont réservé à mon "amorsito". De polies avec la madame, elles sont devenues complètement lascives avec le monsieur. Je vous épargne mes théories sur le sujet, je n'en ai plus. Noyées, on va dire.

Et pour remplacer les sea-doo et autre bibittes à moteur, je ne vous dis pas l'efficacité. J'en veux un en pension cet été. Je ne me déplace plus sans mon dauphin.

Voilà, c'était mon rêve. C'était même mieux que ça; du body surf en prime.

Et j'en rêve encore la nuit.