Générale

La vie politique n’est pas une vie

Le message de Nathalie Normandeau est on ne peut plus clair: elle désire renouer avec sa vie privée. Et qu’un ténor du parti au pouvoir démissionne en plein exercice de ses fonctions, sans être atteint d’une maladie foudroyante, on peut imaginer que la vie privée faisait de gros signaux de fumée.

Le geste de madame Normandeau est courageux, n’en déplaise à tous ceux qui se gaussent déjà devant son avenir et l’emploi qui l’attend dans le privé. Je crois, pour ma part, que la vie politique est un boulot de titan, que ce n’est pas une vie, sauf pour de rares « élus ». Certains y arrivent, au prix d’immenses sacrifices personnels et de leur santé. Il faut beaucoup de lucidité ou être parvenu au point de non retour pour renoncer au pouvoir ainsi, aussi ouvertement, en baissant les bras, tout simplement.

Ça n’enlève rien à cette femme, une véritable bête politique, ni à ses compétences. Mais cela nous rappelle qu’il faut un temps de récupération dans n’importe quel travail ou activité sportive.

Je lis justement un livre (et même plusieurs!) qui traite de cette question capitale. La politique a beau attirer de plus en plus de femmes, la conciliation entre famille (ou vie amoureuse) et travail y est très difficile. Les « politiques » ne maîtrisent pas leur horaire, sont branchés 24/7. Nous ne sommes malheureusement pas des robots. Et n’importe quel entraîneur sportif vous dira que le temps de récupération est plus important que l’entraînement lui-même.

Dans le livre « L’apprentissage de l’imperfection« , l’auteur fait même valoir qu’il faut instaurer dans notre travail la notion de micro-récupération, 15 minutes toutes les 90 minutes. Il parle aussi de l’importance de la récupération « médiane », 7 à 9 heures de sommeil par nuit et au moins une journée complète par semaine. Et il traite de la macro-récupération, les vacances de 1 semaine à plusieurs, une ou deux fois par année.

Personnellement, je prends une pause à chaque trimestre. Cela fait de nombreuses années que j’ai constaté que rouler trois mois sans m’arrêter m’use de façon dangereuse.  Et comme je prends ces vacances à mes frais, je sais que c’est le meilleur investissement que je peux faire pour ma « compagnie ». Je me paye aussi une sieste à l’occasion (je travaille à la maison) et je vais nager le midi pour marquer une pause dans ma journée. Je ne sais pas si on parle de luxe ou de survie. Je refuse beaucoup de contrats pour préserver cette qualité de vie; je considère que cela m’est vital, justement.

Cela dit, s’imposer des pauses, des arrêts, des siestes ou des vacances, quand ce n’est pas une retraite prématurée, va totalement à l’encontre de notre culture entrepreneuriale calquée sur le modèle américain. Vous lirez l’excellent livre de Michel Perreault, « Je ne suis pas une compagnie. L’intrusion des valeurs corporatives dans notre intimité.« . Le titre en dit assez long pour comprendre que nous avons intégré tellement de valeurs corporatives (cadence, branding, auto-promotion dans les réseaux sociaux, rendements et primes à la performance) qu’il devient difficile de déclarer « faillite » avec le sourire.

C’est ce que je souhaite de tout coeur à madame Normandeau. Tant qu’à se retirer, aussi bien en rire.

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