Générale

Laisse-toi vieillir

Le livre dont je parle aujourd’hui (semaine consacrée au livre, Salon du livre de Québec, etc…) est à l’usage des femmes tristes. Mais des hommes m’ont écrit qu’ils ont pleuré en me lisant. Comme quoi, tout peut arriver en terme d’humidité.

Pour faire écho à ces deux soeurs belles (toujour aussi drôles), et à une autre qui m’écrivait récemment qu’à l’aube de la cinquantaine elle songeait au suicide ou la réclusion volontaire pour cause de « petits seins », un extrait du Traité culinaire à l’usage des femmes tristes:

« Laisse-toi vieillir: ne t’oppose pas au temps par pure malice. À l’inverse de ces dames septuagénaires à la peau plus tempérée qu’une jouvencelle de quinze ans, et pourtant fanée; aux cheveux plus blonds que les beautés suédoises, et cependant ternis; sans un seul cheveu blanc, sans une seule ride, et visiblement vieillies. Tu n’abuseras personne, comme le rappelle ce petit couplet:

Tu auras beau t’échiner à maigrir Tu auras beau t’étirer le cuir Tu ne pourra faire mieux Que prendre un coup de vieux

Je ne te demande pas de te résigner à mourir, de te plier en deux, de marcher d’un pas claudicant, d’exhiber une canne, de prendre un air funèbre; je te demande de ne pas simuler l’impossible. Accepte qu’on ait un visage à vingt ans, un autre à quarante, encore un autre à soixante.

En matière d’âge, il est impossible de camper sur ses positions, en dépit de toutes tes tentatives. La vieillesse, a dit Borges, « pourrait être le temps de notre bonheur, la bête est morte ou presque, restent l’homme et l’âme »; en outre il est des rides que le visage magnifie. Au fil du temps, on trouve enfin son propre visage, au fil du temps, on le façonne en vivant comme devant. Le sourire, la concentration, la colère, la joie, laissent leur empreinte sur un visage. Épargne-lui les violences chirurgicales.

(…)

La vieillesse que l’on accepte est naturelle, et agréable chez celle qui est capable de la porter sans fards. Celle qui se cache et se dissimule en nourrissant la vaine espérance de remonter le temps incarne un échec, donne l’illusion d’un masque qui inspire la méfiance. La séduction de ton âge n’est pas de montrer ta poitrine; tu n’es plus au temps de la séduction par un joli minois.

Tu t’es accordé le loisir d’en savoir davantage, te voilà donc plus intelligente: cela te rend plus séduisante qu’une adolescente. »

Et la bonne nouvelle, c’est qu’il y a encore des consommateurs friands d’une telle marchandise.

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