Générale

L’arbre aux disparus

Je fréquente un peu les hôpitaux ces derniers temps -enfin, plus que d’habitude- j’ai toujours évité ces endroits malsains. Mon papa médecin, qui y passait ses journées, m’a toujours dit que c’était le meilleur endroit pour tomber malade ou mourir. Encore plus que les centres d’achat et les Wal Mart.

La vibration n’est pas bonne, c’est pas feng shui, que sais-je, c’est comme l’édifice de Radio-Canada, ça sent le malaise. Ça doit être la ventilation ou le manque de. Ces derniers temps, donc, il m’a été donné de constater à quel point la technologie et les machines ont pris notre santé en main, si on peut dire. On ne parle plus beaucoup au patient (enfin, ça dépend qui), on consulte la machine. Et des machines, il y en a partout. Ça fait peur. J’ai la chance de connaître quelques médecins qui s’informent de ma santé et de celle de mon fils. Mais dès qu’on est reçu « incognito », chez certains spécialistes, ça relève d’une immense aberration, d’une façon de percevoir la santé et le rapport soignant-soigné qui m’est totalement étrangère. La médecine en rondelles de saucissons, le corps morcelé, chaque membre coupé de l’autre, l’humain étranger à son environnement, l’environnement en orbite de l’univers. De cet ordre. Nous sommes loin de l’holistique et d’une psychologie primaire.

Et c’est pour cette médecine qui doit coûter un bras en appareils à la fine pointe de, que je paie des impôts. Personne ne m’a consultée sur ce que j’en pensais. Mais c’est « notre » médecine, et gratuite avec ça. Elle a fait ses preuves, scientifiques, alors on la ferme et on prend son mal en patience. La réforme de la médecine, c’est pour quand au juste?

Partout où la machine semble avoir triomphé sur l’humanité, partout où elle s’est emballée, il y a de jolies histoires cachées. J’en racontais une à la technicienne de laboratoire qui me faisait passer des tests d’asthme, la semaine dernière. Inspirez, retenez, poussez, poussez, poussez, poussez, poussez!!!!! On aurait dit un accouchement.

Entre deux poussées, je lui ai parlé de mon père avec qui elle a travaillé en pneumologie. Mon père avait un rapport certainement très humain avec ses patients. Je l’ai déjà vu sortir de son sarrau, une canette de Coke pour un patient branché à l’urgence: « Tenez, monsieur Tremblay, je sais que vous aimez ça! »

Un jour qu’un patient mourant demandait à mon père s’il allait se souvenir de lui après sa mort, mon père lui a répondu: « Offrez-moi une boule de Noël et je mettrai votre nom dessus. Comme ça, chaque Noël, je penserai à vous. » Des années plus tard, le sapin de Noël chez mes parents était décoré de magnifiques boules avec un nom attaché à chacune d’entre elles. Pour le moins touchant. Chaque Noël était l’occasion pour nous de nous rappeler notre mortalité et pour mon père de se remémorer tel ou tel patient.

« Je n’aurais jamais cru que votre père pouvait faire ça« , m’a dit la technicienne de laboratoire, les larmes aux yeux.

Ben non, moi non plus je ne l’aurais jamais cru capable d’autant de fantaisie. On ne connaît pas toujours les gens, même quand on travaille dix ans avec eux. Et certains médecins réussissent à conserver un rapport humain dans l’exercice de leur médecine, complètement abrutie par la machine.

Une autre jolie initiative, qui a débuté cette semaine à l’hôpital Sainte-Justine. Ça coûte 5$ pour allumer une petite lumière dans un sapin et pour aider un enfant malade. C’est moins poétique que l’histoire que je viens de vous raconter mais ça demeure tout aussi concret.

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