Générale

Le party à Westmount

Nous étions dans l’esprit des Fêtes Bibi et moi. Décembre dernier. Nous rentrions d’un party plate de jeunes trentenaires branchés qui représentent ce qu’il y a de plus urbain et coolissime à Montréal. Le loft était grand, le DJ était bon et les shooters de gaspacho à la vodka épicée tout à fait succulents. Mais, c’était plate. J’ai plus l’âge d’avoir l’air bête en faisant semblant de trouver ça drôle. Je n’ai probablement plus l’âge pantoute de me retrouver dans un party branché. Je ne détiens pas les codes, ni les clés. Je m’ennuie. Nous sommes parties tôt, Bibi et moi. Pas dépitées, juste conscientes que nous n’étions ni assez liantes, ni assez tentantes. Il suffirait de presque rien, peut-être de dix années de moins…

En rentrant chez moi, nous piquons par la ville voisine de Wesmount. La rue est bondée d’autos de luxe, les lumières de Noël scintillent, les partys à Westmount sont toujours des événements qui nécessitent un « valet parking », un tapis rouge et passent difficilement inaperçus.

Je n’ai jamais été invitée dans un party à Westmount, soupire Bibi.

Pour le bénéfice des nouveaux arrivants, Bibi venait me visiter du temps où j’étais « mairesse » de Westmount dans mon château avec six salles de bain, incluant le « powder room » de l’entrée principale, et deux escaliers (celui de service et celui des maîtres). Cet épisode rocambolesque de ma vie n’a duré que trois mois mais j’aurais dû faire un party. J’étais pas dans le mood et je n’avais pas le crédit pour « backer » l’exercice mondain. Bref, Bibi m’en veut encore, je le sens… Je me sens assez coupable en tout cas, pour proposer:

Ça te tente d’aller dans un party à Westmount?

Elle me regarde, curieuse et un peu craintive. Elle me connaît.

Stationne ta caisse un peu plus loin, on va se faire remarquer en Subaru rouillée même pas noire, lui dis-je.

Nous débarquons. Je n’ai pas mis le vison de ma grand-mère. Tant pis. Je suis habillée un peu gogo, une tunique noire archi-courte et des bottes cuissardes, un seul gant en velours qui remonte jusqu’à l’épaule. Pas grave, on fera avec. Même sans les jewels, nous sommes capables d’en jeter. Bibi a fait son cours au Conservatoire et moi, ben, les jewels m’ont jamais impressionnée, surtout quand c’est tout ce que t’as de brillant à montrer.

Nous nous présentons devant la porte où une pancarte « valet parking » indique qu’il y a vraisemblablement un party. Nous traversons le barrage des gars de char en leur souriant, sans plus. On va quand même pas fumer un pétard avec eux, même si c’est tentant. Arrivées à l’intérieur, nous remettons nos manteaux à la jeune préposée au vestiaire. Nous pénétrons dans une maison dont la façade résolument traditionnelle rompt avec l’intérieur plutôt design. L’arrière de la maison a complètement été refait pour ouvrir sur le fleuve et la vue. D’immenses baies vitrées tiennent lieu de « nice piece of conversation ». Les invités, flûte de champ à la main et petite bouchée dans l’autre, ont l’air de s’emmerder. La musique est feutrée, aucun shooter à l’horizon et le code vestimentaire serait porté sur le long cette année. Nous avons l’air des amies de l’ado de la maison. Genre. J’observe le petit salon à l’entrée, désert, une flambée dans la cheminée et je me demande qui habite là. Qui s’installe dans ce fauteuil inconfortable, qui y lit, qui y jase. Personne. C’est humainement impossible. Pas feng shui. Anyway, pas mon problème.

Mon problème se précipite vers moi. L’hôtesse, visiblement. Vêtue d’une robe longue en satin bleu, gainée dans un corsage bustier qui met en valeur des bijoux qui n’ont pas été volés, sûrement offerts par un homme qui l’aime déshabillée. L’hôtesse fait trop d’embonpoint pour sa robe et sa mise en pli du jour doit sentir le spraynet. Je ne sais pas ce qu’il y a d’attirant dans cette mascarade. Elle doit penser la même chose de moi d’ailleurs. Nous ne sommes pas de la même caste, ça se sent tout de suite. Elle descend de lady Di et moi de Twiggy. Elle a gravi les escaliers qui mènent au sommet de Westmount, et moi, j’ai fait des tours d’ascenseur mais je suis encore revenue au lobby.

L’hôtesse avec un sourire cramoisi: « Bonsoir, vous accompagnez quelqu’un? »

Mes excuses à mon ex, fallait que je trouve quelque chose: « Oui, nous sommes venues retrouver mon ami X, l’ex maire de Westmount. Il nous a dit qu’il serait ici. »

Je ne connais pas X! Désolée. Vous devez faire erreur.

J’insiste, car nous savons toutes les deux qui est X et qui est l’ex maire de Westmount. Ça se voit dans ses yeux. Et je ne veux pas m’imaginer de quoi j’aurais eu l’air si X avait été parmi les invités avec sa femme. God, je vis dangereusement!

L’hôtesse s’adresse maintenant à la jeune préposée du vestiaire: Bring back the coats, wrong guests!! Vous remarquerez que nous sommes rapidement passées à l’anglais, probablement réservé aux communications avec les domestiques.

Je me suis excusée à la jeune femme (francophone) en ressortant. Elle a répondu, très professionnelle, « Moi, je m’en fous! » en haussant les épaules.

Bibi était sous le choc.

Je l’ai prise par le bras: Ben quoi! Tu voulais voir c’était quoi un party à Westmount? T’as vu combien ils étaient à s’emmerder. Money can’t buy you fun honey! Et dorénavant, ils ne t’impressionneront plus.

Pourquoi je vous raconte tout ça aujourd’hui? Ce soir, c’est l’occasion ou jamais de « crasher » un party à Westmount. Ils ne feront pas la différence entre une fille de la haute et une fille de joie.

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