Générale

Le stupre et le luxe

Le Grand Prix? Je m’inquiète davantage de la nappe de pétrole de BP dans le golfe du Mexique que des retombées économiques de bolides financés par nos taxes. J’y comprends rien, désolée. Comme les Olympiques, comme la compète tout court.

Et la compète, elle est partout, tout le temps. Vous connaissez l’expression « Keeping up with the Joneses« ? En spoter aux voisins. Cette semaine, j’ai été choquée à deux reprises par cette compétition à la consommation qui gangrène nos dettes personnelles et affecte certainement la dette publique d’une façon ou d’une autre (un économiste m’expliquera…).

Tiens, à la une du cahier Habitation du Devoir de samedi dernier, on pouvait lire « Fini les chalets! Bonjour les résidences! » On y apprenait qu’un simple chalet de 180 000$ est une véritable bonne affaire de nos jours car le luxe a envahi le marché des résidences secondaires. Monster house, écrans plats, frigos en inox, aspirateur central « et tout le saint-frusquin de mise » écrit Normand Thériault.  Exit le vieux chalet qui sentait le chalet. J’ai dû « homestager » le mien pour le vendre. L’imagination n’est plus au rendez-vous. Et un frigo blanc, ça n’excite plus personne. Une salle de bain sans spa, non plus.

Autre montée de lait devant le « magazine » XY encarté dans La Presse (un cahier promotionnel qui s’adresse à la gent masculine), dont la une est consacrée à monsieur Formule Un, François Dumontier. Outre les vélos armés de roues à 1,500$ pièce, on nous présente une cuisine d’extérieur en cèdre teint (voir Déco), plus grande que ma cuisine. Le titre est éloquent « Le simple barbecue n’est plus. Place à la cuisine d’extérieur. »  Puis: « À l’ombre d’une épinette géante, l’apéritif et les lunchs sur le pouce se prennent au comptoir, composé d’une dalle unique en pierre de Champlain, tandis que le mobilier de teck teint anthracite et les sièges modulaires attendent les invités sur le carrelage en pierre de Saint-Marc. » Ouch.

Combien on gage que d’ici 5 ans, tous les banlieusards vont vouloir une cuisine d’extérieur munie de frigos, d’eau courante, d’un barbecue géant encastré et tout le saint-frusquin, hein?  « Chérie, on va pas au bord de la mer cette année, faut utiliser la cuisine d’extérieur, elle nous a coûté 20 000 piastres pis y’a pas encore fait beau cet été! »

J’étais chez Ikéa la semaine dernière, samedi 4h, Rive-Sud. Le dernier endroit où vous voulez être sur Terre quelques semaines avant la journée nationale du déménagement. La meute, la horde, les crocs sortis, les griffes aussi. Une masse molle qui se dirige vers la caisse, comme des moutons à l’abattoir. Je suis ressortie en courant, j’ai pris peur. J’ai dit aux enfants qu’on trouverait une housse de couette un autre jour, que je me mettrais à la couture et à la courtepointe, tout sauf cette orgie du tout-à-l’aubaine.

Et on gage combien qu’Ikéa nous offrira des cuisines d’extérieur très bientôt?  Chaque année les standards augmentent. Chaque année on s’enlise un peu plus.

ps: pour les nostalgiques d’une autre époque, c’est ici.

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