Comme journaliste, à titre d’humaine de passage, j’ai toujours été attirée vers les différences, tenté de leur passer le relai, de les mettre en lumière. Les différences sont souvent lumineuses par rapport au troupeau normé.
Toute ma vie, les réponses me sont venues des différences. J’y ai vu la beauté de l’insolite et du précieux dans un monde modelé, formaté, pressurisé, code-barrisé. La « normalité » m’est toujours apparue comme un monstre d’absolus et de brutalité: la loi du nombre, les pétunias en boîte de 12 l’emportant sur la fleur des champs éphémère qui nous rappelle la fragilité de la vie. Notre vie.
Pour cette raison, le film Ben X m’a jetée à terre. Complètement. J’ai été tellement touchée par ce garçon, sa lutte, son hypersensibilité. Les réponses qu’il donne. Un Martien qui nous observe, un grand voyageur qui pose son bagage.
J’ai passé ma vie à me demander si j’étais « normale », pour un jour comprendre que non. Et que c’était heureux ainsi. Que je n’avais pas de plan de match ni de carrière, pas de vue d’ensemble ni de point final à offrir. Je fais dans le détail.
Je vous laisse sur cette phrase du réalisateur Jim Jarmusch cité par Nic Balthazar, réalisateur de Ben X: Si l’on ne sait pas où on veut aller, il est beaucoup plus difficile de se perdre.