Nous n’étions pas amies, loin s’en faut. Nous n’avions rien en commun si ce n’est la blondeur, une propension à parler cul (je suis un modèle victorien à côté, mais bon). La nouvelle de sa mort ce matin, sans explications (on devine un peu à 36 ans de quoi on peut mourir quand on a lu Arcan), nous laisse pantois, sans voix.
Qu’on aime ou pas le style Nelly Arcan, la liberté n’est jamais chose gagnée d’avance, surtout pour une femme. S’afficher en putain ou en folle, jouer avec les démons sociaux, peut être un signe de lucidité (la lucidité est la blessure la plus proche du soleil, me répète souvent madame Languirand- c’est de René Char). Cela peut aussi être un arrêt de mort.
« Ce que j’écris, ce n’est pas seulement ma vie… je ne me dévoile pas tant que cela. Ma vie à moi, je la garde pour moi. », disait-elle à la sortie de « Folle ».
La reine de l’autofiction s’était détournée du genre ces dernières années mais son aura provocante la poursuivait. J’ai pensé à Marilyn (j’écoute Mad Men en ce moment et j’en suis à l’épisode de son suicide), j’ai pensé qu’il est difficile de vieillir tout en portant sa légende sur ses épaules, j’ai pensé à toutes sortes de trucs comme « les femmes vont encore prendre leur trou en se disant qu’il vaut mieux être vierge ou maman que putain et célibataire. »
Mais au final, je n’éprouve qu’une grande peine. Peut-on vivre sa vérité jusqu’au bout lorsqu’on est « différente »? Pas sûre.
Photo: Yves Barrière