Générale

Notes de lecture

Je lis tout ce qui me tombe sous la main. Mon lit est une immense bibliothèque horizontale. Débarqué cette semaine (ça sent la rentrée, les amis), le « Cabaret mystique, Histoires spirituelles » d’Alexandro Jodorowsky, dramaturge chilien, tarologue (je ne savais pas qu’on nous appelait comme ça, les magiciens qui tirent les vers du nez avec les cartes), fondateur du concept de « théâtre panique », cinéaste, initié au zen au Mexique et auteur. Comme cv, c’est invitant. Il a également fait partie du mouvement de redécouverte de la transgénéalogie, la prise en compte par les thérapeutes de tout ce qui nous est transmis par nos ancêtres et des répétitions qui se transmettent de génération en génération. « Dans chacun de nos ancêtres, dit Jodorowski, il y a un Bouddha qui dort. Réveillez-le, vous guérirez toute votre famille. » Vous lirez ça, c’est lumineux.

Je n’en suis qu’au prologue de son dernier bouquin (traduit en français chez Albin Michel), déjà alléchée:

« Quand j’ai été las d’accoucher d’oeuvres qui n’étaient que des miroirs de mes ego, j’ai abandonné l’art pendant deux ans. En m’oubliant moi-même, toute la douleur du monde m’est tombée dessus. Pris par leur vie laborieuse, n’étant pas dans l’être mais dans le paraître, les citoyens, comme moi, avaient perdu la joie de vivre. Apaisés par les drogues, le café, le tabac, l’alcool, le sucre, l’excès de viande, sans illusions sur la politique, la religion, la science, l’économie, les guerres « patriotiques », la culture, la famille, tristes animaux sans finalité portant des masques de satisfaits, nous nous promenions dans les rues d’une planète dont nous savions que nous étions peu à peu en train de l’empoisonner. La maladie de notre société était profonde, un très vieux conte chinois m’a tiré de l’abîme:

« Une grande montagne couvre de son ombre un petit village. Privés de soleil, les enfants sont rachitiques. Un beau jour, les habitants voient le plus ancien d’entre eux se diriger vers les abords du village, une cuillère en céramique à la main. – Où vas-tu? lui demandent-ils – Je vais à la montagne. – Pour quoi faire? – Pour la déplacer. – Avec quoi? – Avec cette cuillère. – Tu es fou! Tu ne pourras jamais! – Je ne suis pas fou: je sais que je ne pourrai jamais, mais il faut bien que quelqu’un commence. »

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