Le temps est à l’eau, mon coeur aussi. J’ai reçu ce commentaire hier qui m’a chavirée, suite au billet sur le texte d’Anne-Marie Lecomte:
« J’ai lu le texte d’Anne-Marie. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps en pensant à mes deux adolescents. Je me disais, comment des familles peuvent traverser des moments si difficiles. J’ai téléphoné à ma soeur (mère de deux ados aussi) et je lui ai partagé mes réflexions. Elle m’a écouté et nous avons parlé de nos inquiétudes. Nous nous sommes dit, tout mais pas ça…Pas le suicide… »
« Deux semaines après ma lecture, ma petite nièce s’est enlevé la vie… Elle est elle aussi partie sans bruit… Nous sommes dévasté, comment survivre, comment aider ma soeur que j’adore et qui a plus que son lot de difficultés depuis déjà plusieurs année. Qui peut nous aider à se sortir la tête hors de l’eau…? Vous me direz le temps?!?! Je n’y crois pas pour l’instant, c’est trop difficile, la vie ne sera plus jamais la même. Je la voudrais encore près de nous… Anne-Marie, je lis votre texte plusieurs fois par jours, pour le moment c’est ce qu’il me fait le plus de bien, j’aimerais tellement vous parler…. merci pour vos mots Karen »
Faute de pouvoir reproduire le texte d’Anne-Marie (plusieurs l’ont souhaité, j’en ai fait la demande à Châtelaine mais pour l’instant il n’est pas disponible, selon les voeux de son auteur), j’ajoute les mots de Lytta Basset (Aimer sans dévorer, 2010) qui a perdu son fils à cause du suicide. Cette théologienne a écrit un livre sur le sujet (Ce lien qui ne meurt jamais, Albin Michel, 2007, livre de poche, 2010) mais écrit quelques lignes à ce sujet dans son dernier essai sur l’amour:
« Ainsi, dès le début et malgré nos grandes réserves d’affection, nous touchons nos limites en matière de réconfort à donner à notre enfant- à moins que nous entretenions l’idéologie de l’amour parental. Par la suite, la lucidité à ce sujet peut virer au cauchemar: « Si notre enfant a mal tourné, c’est que nous ne l’avons pas assez aimé! » La torture intérieure est à son comble à la suite d’un suicide. Et bien entendu cela peut concerner n’importe quel proche. Nous nous trouvons alors devant une évidence massive: notre amour n’a pas pu… Nous le sentions tissé d’infini, nous déchantons et le dénigrons. »
« Cependant, un chemin est possible. Personnellement, je n’ai jamais été aussi consciente de ma manière indigente d’aimer les autres que depuis la mort de notre fils Samuel. Mon amour pour lui n’a pas empêché qu’arrive le pire, mais en toute humilité je reconnais l’avoir aimé comme je pouvais, avec les pauvres ressources qui étaient les miennes. Pauvres mais réelles. »
« Depuis lors, je salue et accueille l’amour qui passe à travers moi malgré mes obstacles intérieurs: je ne suis pas dans l’autoglagellation. Cela vient plutôt de la personne en face de moi: je pressens son infinie soif d’être aimée et réconfortée. Et par contrecoup j’entrevois que je pourrais l’aimer beaucoup mieux… mais jamais à la perfection. »
Mais lorsque la peine est infinie, toutes les théories ne restent que des théories. Il y manque le baume, le silence de la caresse, la peine qu’on prend sur soi.