Depuis huit ans, j’ai choisi d’avoir ma résidence principale à la campagne. Dans les faits, je n’y suis pas aussi souvent que je le voudrais mais l’investissement financier et émotif est clair: locataire à la ville et propriétaire à la campagne. Ma maison ne sera jamais à Montréal même si c’est plus judicieux, car il n’y a pas d’argent à faire à revendre un chalet ou très peu en regard des efforts investis.
Peu m’importe, donnez-moi une bicoque bien située à l’orée d’une forêt, j’en fais mon affaire, je tombe en amour en moins de deux et j’achète. Pire, je n’arriverai pas à y dormir seule (j’envisage le chien, moi qui suis plutôt chat) car j’ai peur des ours. Je sais, c’est con, je vais me faire traiter en acupuncture, paraît que c’est un méridien bloqué.
Je sais aussi que cette maison va me demander trois fois plus de travail que n’importe quel duplex en ville. Tout simplement parce que la nature est forte, que les maisons de campagne sont exposées aux quatre éléments, et que lorsqu’elles sont vieilles, c’est pire. Ajoutez une ou deux cheminées, un puits, une fosse septique, un toit à déneiger, un hangar à solidifier, des mulots à exterminer, des chauve-souris à débusquer, des ratons à éloigner du compost, des chevreuils qui dévorent les haies, un étang où peuvent se noyer les enfants, et votre combat n’est pas encore terminé. Nous parlons ici de combat amical, bien sûr, sinon, vaut mieux rester dans son condo au centre-ville et adopter des poissons rouges.
Je n’ai pas été surprise à la lecture de cet article ce matin.
Dans mon bled, à la campagne, y’a plein d’artistes. Les artistes ont des horaires souples, de grandes plages à rien faire, des plages de création, si on veut, ou d’incubation, si on veut pas. Je me suis servie de mon chalet un nombre incalculable de fois pour préparer un livre, rédiger un article, un projet. Mais je me souviens que l’année où j’ai acheté mon vieux chalet avec toutes mes économies, une boss m’a lancé: « C’est rendu que les pigistes ont les moyens de s’acheter des chalets! ». J’ai failli lui répondre que j’achetais à la campagne parce que je n’avais pas les moyens d’acheter en ville (ce qui était vrai), mais je l’ai bouclée ( ce qui est rare). Cette même patronne m’a donné plus tard une augmentation de salaire sans que je la demande. Certaines personnes trouvent toujours le tour de se faire pardonner leurs erreurs.
Parlant pigistes qui ont le front de s’acheter des chalets, en ce moment je prépare un autre projet avec deux autres travailleurs autonomes dont les résidences à la campagne (permanente dans un cas) se situent à moins d’une demi-heure de chez moi… sans le trafic, ni le stationnement. C’est le temps que ça me prendrait pour aller rejoindre un(e) collègue dans un café du Plateau.
Les nouvelles technologies nous permettent aujourd’hui de faire tout à distance et de vivre une vie plus conforme à nos pulsions. Loin de la horde, à nous la paix. Désormais, elle se vend au pied carré.