Ok, parlons-en. Ça me démange finalement. Et depuis que j’ai appris ce week-end que la photo de Simone de Beauvoir à la une du Nouvel Obs était retouchée, qu’on lui avait gommé de la cellulite aux fesses pour correspondre aux normes esthétiques de notre époque, je fulmine. On voulait montrer quoi au juste? Une féministe bien dans peau et qui porte sa quarantaine avec panache ou une pin up qui se refait une beauté?
Est-ce qu’on peut sincèrement penser que Simone de Beauvoir serait fière de faire la une d’un magazine grand public de cette façon? Pas certaine. La nudité n’est plus ce qu’elle était jadis. Et me voir retouchée par Photoshop, je hurlerais dans ma tombe. L’affront est dévastateur. Sans parler de la désacralisation de l’intimité. Comme personnage public, il y a ce qu’on veut montrer et ce qu’on veut garder pour soi. Montrer son cul est une décision personnelle. Et comme je doute qu’on lui ait demandé son avis… Ce n’est pas un geste de liberté féministe de montrer son cul; ce n’est pas comme brûler un soutien-gorge en signe de protestation. Montrer son derrière est à la portée de n’importe quelle danseuse de club, de bimbo peinturlurée de l’école secondaire, d’aspirante strip-teaseuse qui prend des cours dans un sex-shop de la rue Saint-Laurent pour émoustiller son chum dans la chambre à coucher. Mais il faut y consentir. De son plein gré. La nudité est le dernier rempart qui nous reste contre les télé-réalités de notre époque. La libido est en perte de vitesse parce que, justement, on ne sait plus tracer de frontière entre désir et provoc. Il n’y a pas d’espace pour rêver. Comme l’écrivait si bien cette féministe de la première cuvée: « Ce qu’il y a de scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue« .
Mon commentaire n’a rien à voir avec les qualités esthétiques de cette photo de Beauvoir mais avec ce qu’elle charrie. Et on ne pourra pas m’accuser d’être prude ou féministe de première ligne.
Récemment, ma copine Bibi me demandait une question que seule une chum qui te fréquente depuis très longtemps peut oser: « Ça t’as jamais dérangé tes petits seins? » La question me dérangeait d’autant moins que Bibi est en admiration totale devant mes petits seins que je porte sans soutien-gorge, même après un an d’allaitement. Je n’ai jamais brûlé mes push-up, j’en porte rarement. Le seul abonnement que j’ai eu avec le soutif, c’est celui de la maternité. Fin de l’épisode, je suis retournée « nature ». C’est moi ça. Je ne supporte pas les entraves corporelles, même pas les cols roulés, c’est dire! Faut bien qu’il y ait un avantage à ne pas remplir la main d’un honnête homme. De toute façon, « La beauté se raconte encore moins que le bonheur« , écrivait encore Simone.
Bien des gars ont essayé de me faire engraisser en s’imaginant que je passerais d’un 36AA à un 36D mais je les ai envoyés valser. J’ai souffert, comme toutes les adolescentes, de cette « injustice » de la nature. J’ai appris à miser sur ce que j’avais en plus. Heureusement pour moi, mon époque ne retouchait pas le cul de Simone de Beauvoir. Et si dans 50 ans, il devait y avoir une photo de moi publiée avec du 36D, je serais contente d’être morte. Enfin.