Générale

Une question de ton

Notre journée. Soupir. Chaque année je suis légèrement irritée par le 8 mars. Des articles sur l’iniquité et des statistiques sur le partage des tâches, m’achèvent le moral. Au centre-ville, les fleuristes encouragent le client à acheter des fleurs. C’est la seule journée de l’année où je n’en veux pas. Non, merci. Offrez-moi des garderies, des salaires décents, un véritable partage au quotidien, un modèle scandinave. Les fleurs ne vous dédouaneront pas du reste.

J’ai la chance d’avoir marié un féministe, un homme qui respecte les femmes comme des égales, s’inquiète de faire sa juste part et ne les prend jamais de haut. Je ne peux pas en dire autant de tous les hommes que je rencontre sur ma route, même dans mon milieu professionnel. Combien d’intellos, plus cérébraux qu’humains, m’ont déjà fait la démonstration de leur condescendance crasse sous des airs de capucin sur le bord de défroquer. Combien de ces hommes de pouvoir m’ont regardée avec mépris, m’ont répondu (parce que j’ose leur poser des questions) avec un rien d’agacement dans la voix et un langage non verbal limite impoli. Sans compter l’ironie du sourire et le paternalisme qui vient avec.

Encore un, dernièrement, dans une soirée. Un défroqué du pouvoir se gaussant toujours de ses exploits. S’il avait pu m’exterminer du regard, il l’aurait fait. Je suis une citoyenne qui s’informe, curieuse, qui ne fuit pas la polémique. J’adore discuter mais je n’étais visiblement pas de taille à ses yeux. Il me l’a fait savoir muettement. Ça ne m’a pas émue outre-mesure; j’essuie ce genre d’attitude (amour-haine, attirance-mépris) depuis longtemps avec les hommes. Une femme libérée et articulée dérange TOUJOURS. Et tous les arguments sont bons pour la faire taire, y compris ceux d’un machisme rampant digne d’une autre époque.

Nous ne sommes pas nombreuses à parler. J’ai mis du temps à penser que je pouvais être une interlocutrice valable. J’imaginais qu’il fallait avoir complété une thèse sur le sujet avant de pouvoir me prononcer. Et je ne me sentais pas qualifiée pour tenir tête à ces messieurs importants. « Mais personne ne l’est! », m’a dit mon mari moins tout neuf qui a beaucoup fréquenté les coulisses du pouvoir, offusqué par l’attitude du monsieur très imbu de sa personne à mon égard.

Encore aujourd’hui, on attend des femmes qu’elles se taisent en présence de ces messieurs ou qu’elles se lèvent de table pour aller faire la vaisselle. Qu’on leur laisse régler le sort du monde, ils font ça très bien entre eux.

Discuter, c’est d’abord une question de ton. Et parler représente toujours un risque. Les filles n’osent pas encore prendre le crachoir. Et je peux comprendre pourquoi. Mais n’oubliez jamais que devant vous, il n’y a qu’un homme comme les autres qui a besoin de forger son identité sur un socle parce qu’il ne tient pas debout tout seul.

Bon 8 mars les filles. Et ne vous en laissez pas imposer par les statues.

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