Cette fin de semaine, mon B a eu un déchirement en admirant un gros VUS blanc et rutilant: « Maman, je suis pour l’environnement mais tu sais, j’aimerais bien conduire un camion comme ça un jour. » Il se tordait de désir, déchiré entre le besoin de posséder un rêve (il a prononcé auto avant maman) et la raison, ce qu’on lui enseigne à l’école et à la maison. « Aimes-tu mieux boire de l’eau propre ou conduire un camion? Aimes-tu mieux respirer l’air de la campagne ou celui de la ville? », ai-je répondu. « J’aime mieux boire de l’eau maman. »
Bon, ok, j’y vais peut-être un peu fort. Mais hier après-midi, les fesses dans un ruisseau, je me désolais de ne pas pouvoir boire l’eau (jaune) qui déferlait en cascade derrière nous. C’était une évidence pour mon fils qu’il ne fallait pas boire l’eau. Il a pris ce monde au vol et fait avec. Moi, j’ai souvenir qu’on buvait l’eau des ruisseaux et qu’on y pêchait des écrevisses lorsque j’avais son âge.
Dans le même esprit, cette excellente réflexion sur le capitalisme, ses dérives, les rives souillées sponsorisées par BP, la montée de la Chine et la chute d’un monde basé sur l’insatiabilité. Nous sommes tous des enfants de six ans devant les promesses de ce capitalisme qui réussit à nous convaincre que nous manquons de tout. Et pourtant, nous sommes privés de l’essentiel: de l’eau, de l’air, du temps.
À lire aussi, le dernier Jean-Louis Servant-Shreiber, « Trop vite! Pourquoi nous sommes prisonniers du court terme ». « Une fois que les besoins de base sont satisfaits, il faut, pour continuer à vendre, avant tout donner envie. Le rapport aux objets déconnecte de plus en plus l’utile de l’agréable. L’obsession stratégique ressemble à la devise olympique: faire acheter davantage, plus vite et plus souvent. Plus cher, aussi, si l’on peut, mais c’est secondaire, car, l’exemple de l’iPhone l’illustre, la tendance actuelle consiste à baisser les prix pour se rattraper sur les volumes. »
« Depuis le début du XXe siècle, nous vivons dans une société de consommation qui s’est, de fait, substituée aux valeurs religieuses d’austérité et de frugalité compensées par une promesse de paradis dans l’au-delà. La consommation nous offre des satisfactions immédiates et souvent narcissiques. D’où son succès magistral.«