Générale

Z’ai quatre ans et ze vais te voler ton mari

Il ne se passe pas une semaine sans que mon B ne me raconte les va-et-vient de sa vie amoureuse. Tantôt c’est J, tantôt c’est A, tantôt les 2. Comme j’expliquais à une dame qui s’étonnait que mon B ait déjà deux amoureuses, « Ils en ont souvent deux, mais lui, il le dit! ».

Trève de cynisme, je suis fascinée par cette pulsion (innée, acquise?) qui nous pousse vers le complément d’objet direct. Pourquoi à cet âge et dès la pré-maternelle, ont-ils cet instinct de la moitié manquante? Par mimétisme ou par pulsion?

Hier, mon B m’expliquait qu’il préférait J, désormais, parce qu’elle est honnête. C’est certain qu’elle ferait une excellente épouse. Pas de bol, il a déjà épousé A, très officiellement ce printemps à l’école. Un sacre de roi et de reine costumés avec les couronnes et tout, filmé par le prof et béni par une bande d’animateurs qui se sont crus obligés de leur faire prêter serment:  » Mon roi, tu jures que tu lui laisseras ta carte de crédit pour qu’elle puisse aller magasiner chaque semaine. » et « Ma reine, tu jures de lui faire des petits plats, de lui laver ses bas et de lui faire des massages de dos chaque soir« .

Inné ou acquis, je disais?  J’ai failli appeler cette bande d’animateurs, qui sèment des graines de conservatisme dans le cerveau de nos petits enfants, pour leur dire ma façon de penser. On m’aurait sûrement rétorqué que je manque d’humour. Je me suis ravisée, mais n’en pense pas moins. Mon fils était persuadé qu’il était marié pour de bon à six ans, allez savoir ce qu’il pensait du reste.

Ou alors, tout ça, c’est bêtement hormonal? Le Dr Marie-Andrée Champagne, que je cite aujourd’hui (au sujet de la prémémopause) pense que tous nos comportements et toutes nos humeurs sont d’ordre hormonal. Je ne suis pas loin de le croire.

Ça me rappelle cette petite Abigaëlle de quatre ans à la garderie cet hiver. Nous étions, mon fiancé et moi, venus assister à un conte de Toumani Kouyaté à Gaspé. Abigaëlle était nettement en avance sur son groupe. Intuitivement, elle a compris qu’un lien invisible existait entre le fiancé et moi. Elle est allée s’asseoir sur ses genoux à la fin du conte. Puis, elle est venue se planter devant moi en relevant le menton d’un air de défi pour retourner s’asseoir sur lui tout en s’informant de mon nom: « C’est qui ELLE? ».

On peut sourire. Mais j’ai été très marquée par cette scène. Si tôt dans la vie, les comportements humains sont déjà en place. Des Abigaëlle, il y en a partout, à 15, 25, 35 ans. Inné ou acquis? Des voleuses de mari, comme on disait autrefois. Et plus on vieillit, plus on s’en fout, curieusement… Peut-être parce qu’on sait ce qu’on vaut (et ce que valent les Abigaëlle!).

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