Nous sommes drôlement faits, nous les humains. Nous payons des millions par année à des bandits en cravate qui nous construisent (avec des matériaux de huitième qualité) des routes qui ne supportent pas un premier hiver. Près de la moitié de notre eau potable, engloutie par les fuites d’un réseau trop vieux, n’atteint jamais un robinet. Le cœur d’une petite ville a été pulvérisé par la négligence d’une industrie pourrie…
Pendant ce temps, nous faisons quoi ? Nous déchirons notre chemise collective en nous demandant si, oui ou non, Aïssa peut enseigner en troisième année avec un foulard sur la tête. Et si David doit enlever sa kippa pour lire des radiographies.
Je charrie ? Peut-être un peu, c’est vrai. Mais c’est parce que je suis découragée, vraiment. Et un peu en colère aussi. Comme pas mal de gens, probablement.
Ce débat est arrivé comme un tsunami, submergeant les médias, les réseaux sociaux, les conversations. À la radio d’État, un animateur chevronné s’est étonné de recevoir 700 messages d’auditeurs sur ce sujet, alors qu’un topo sur les élections municipales n’en avait pas suscité 10. Lui aussi avait l’air un peu découragé…
À Châtelaine, on s’est posé des questions. La Charte, on en parle ou pas ? Et si oui, pour dire quoi ? Nous n’avions pas envie d’en ajouter une couche, de conforter les certitudes des uns et d’alimenter l’acrimonie des autres. Pas envie de gueuler.
Devenir cyniques ? Non plus. Les Québécois, et en tout cas les Québécoises, ne veulent pas se chicaner, croyons-nous. Ni avec leurs voisins musulmans. Ni avec leurs cousins de Rimouski, de Chicoutimi ou de Montréal. Nous sommes arrivés à vivre deux référendums, une déconfessionnalisation assez rapide, à faire cohabiter en paix des Francos et des Anglos. Pas de raison qu’on ne puisse y arriver cette fois aussi.
Avez-vous remarqué ? Tout le monde parle. Les citadins, les 450, les 819, les 418. Les politiciens (du Premier ministre du Canada jusqu’aux maires des petites villes du Manitoba), les universitaires, les représentants du Conseil de ceci et ceux du Regroupement de cela. Ceux qu’on entend le moins : les jeunes. Les jeunes femmes, surtout.
Pourtant, ce sont elles qui, au premier chef, sont concernées. Elles vont vivre plus de 50 ans dans cette société dont on s’apprête à tracer les balises. Et elles non plus n’ont pas envie de se chicaner pour ça.
C’est à elles que Châtelaine a choisi de donner la parole. Nous en avons recruté quatre, d’horizons différents. L’une est juive ultra-orthodoxe, une autre est musulmane et porte le voile. Il y a une Montréalaise et une vraie Bleuette du Lac-Saint-Jean. Toutes différentes donc. Mais avec un immense point commun : le désir de vivre ensemble dans l’harmonie. L’espoir, il est là. Découvrez-les en page 101.
louise.gendron@chatelaine.rogers.com
À lire et à voir : Quatre filles et une charte. « On est différentes mais on peut s’entendre! »