Je me suis toujours méfiée des objets dont je pouvais potentiellement devenir l’esclave. Même avec mon vibrateur scandinave multifonctions, j’entretiens un sain détachement.
Lorsque j’ai reçu un iPad à Noël, il y a un an, j’étais ravie, il va sans dire. Un an plus tard, je constate que cet objet n’a pas pris une place démesurée dans ma vie, que je préfère toujours lire mes journaux papier lorsque je le peux, que je m’en sers pour écouter de la musique en cuisinant et que mon B me le pique le plus souvent pour faire des dessins. Entre le Etch A Sketch et le Doodle Art sur iPad, devinez ce qui remporte le concours de popularité. On peut même le secouer et il efface le dessin.
C’est en voyage que ma tablette m’a été le plus utile, pour mille et une choses, regarder des films, lire des livres, répondre à mes courriels, consulter le web, mon agenda, retrouver mes contacts. Mais pour le reste, non, ça ne change pas le monde. Pas pour moi, du moins. En lisant mon collègue Baillargeon, ce matin, je souriais devant ses nouvelles résolutions qui consistent à lâcher la tablette – la nuit- dont il était devenu accro depuis six mois. Devant celles proposées par mon collègue Deglise aussi, samedi dernier. (En gros: cesser de se comporter comme un chien de Pavlov face à ses courriels. Sortir un peu du multitâche. Renouer un peu avec le réel. Résister à l’abondance et faire des choix.)
J’ai toujours appliqué religieusement ces règles de détachement, jusqu’à bouder le téléphone intelligent, pour des raisons d’hygiène mentale et de refus des modes, sans compter la laisse de 600$/an pendant trois ans. Même chose pour Internet, je m’impose des pauses régulières, toutes les fins de semaine et huit semaines par an. Ce n’est même pas une prouesse, j’aime savoir que la grosse machine n’a pas d’emprise sur moi.
Aujourd’hui, je constate que sortir du multitâche exige de la volonté pour beaucoup de gens et que la plupart (surtout jeunes) ne sont même pas conscients que leur cerveau (et leur entourage) est affecté par leur comportement où le mot « urgent » a modifié leur rapport au temps.
Durant un anniversaire, récemment, j’ai demandé à un jeune ado de cesser de texter alors que nous étions réunis au salon après le gâteau. Il a eu l’air surpris, a prétexté que cinq « amis » essayaient de le rejoindre. J’ai souri. « C’est l’anniversaire de ton père et il ne sera pas toujours là. » Je n’ai pas ajouté que ses « amis » non plus ne seraient pas toujours là, surtout pas quand il le faut, alors que son père, oui.
Je considère que le civisme technologique et l’attention au présent sont à apprendre ou à enseigner (par l’exemple, notamment) au même titre que les manières de table. Mais rendu à l’âge adulte, c’est à nous de faire le bilan et de nous imposer des limites. C’est à nous de ne plus répondre chaque fois qu’on nous sonne. De ne plus être à la merci d’un appareil qui fait office de surmoi.
En passant, j’ai redécouvert un plaisir perdu durant cette pause technologique: jaser au téléphone avec des copines. On peut survivre sans Skype et Face Time.
Sur ce, et tout à fait virtuellement, je vous souhaite une année 2012 où l’urgence reprend sa place (très occasionnelle) et l’instant présent ses droits.