Blogue La course et la vie

Carte postale d’Ottawa

Retour sur le marathon d’Ottawa.

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Ottawa, 35e kilomètre du marathon. J’ai pus de jambes, pus de jus, et la motivation pour me « pousser » est aux abonnés absents.

Le moral va bien par contre. Le parcours est une splendeur, mon amie Caroline m’attendait au 32e kilomètre avec un Coke (caféine et sucre, le bonheur), les gamins ont sorti les boyaux d’arrosage pour rafraichir les coureurs, et je suis franchement épatée par la foule joyeuse des citoyens d’Ottawa, visiblement fiers de leur marathon à l’organisation impeccable.

À côté de moi, un gars d’une quarantaine d’année marche aussi. Il puise dans ses dernières réserves pour me sourire.

–       It’s a long race.

Tu l’as dit mon ami.

Préoccupé, il me confie que sa femme et ses enfants l’attendent sur un coin de rue, « anytime now », et je comprends qu’il préférerait que sa famille puisse avoir de lui l’image d’un fier coureur plutôt que celle d’un marcheur exténué (ce que nous sommes).

Je l’avoue humblement, à cet instant précis, je paierais cher pour m’accrocher à quelqu’un. Je regarde le prénom affiché sur son dossard.

–       Jason, how about we run the rest of this damn thing together?

Il hoche la tête, et dans un effort surhumain, on se remet à courir. En silence.

–       Thanks for the help, me lance-t-il tout à coup.

–       Jay (la souffrance a le don de faire fi des flaflas et d’aller droit au cœur de l’intimité), I’m not helping you, you are helping me. I’m hangin’ on to you for dear life, dude.

Il rit. Pas trop, pour préserver ses forces, mais il rit.

On a fait 4 kilomètres ensemble. En s’accrochant à notre pacte. Il était ma bouée, j’étais la sienne.

Tout à coup, il a vu sa femme et ses enfants. Ils se sont mis à crier, surexcités : Go Daaaaaaaaaaaad!

Il a sprinté jusqu’à eux, s’est arrêté pour les embrasser, les étreindre. C’était beau à voir.

Si beau que j’en ai salement profité pour marcher, histoire de ne rien manquer du spectacle.

Et puis, je suis repartie toute seule, et j’ai couru jusqu’au fil d’arrivée, ragaillardie par le privilège de cette vision.

J’avais vu un homme, un père, un marathonien, être un champion aux yeux de ses enfants et de sa femme.

Go Jay!

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