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Histoires d’olive

Prisée, précieuse, toujours pressée, vierge de préférence, l’huile d’olive est aussi le produit de consommation le plus trafiqué au monde, dévoile un récent livre de Tom Mueller.

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Chez Milano, célèbre épicerie de la Petite Italie à Montréal, une section entière lui est réservée. Embouteillé dans des contenants chics et parés de noms exotiques, cet « or liquide » vaut ici son pesant de noyaux : 23$ pour 500 ml d’huile de la compagnie espagnole Marqués de Valdueza, mais là, surprise : 3 litres (donc, six fois plus) de l’huile grecque de marque Lefas coûtent… 20$! Deux huiles d’olive extra vierges pigées au hasard sur les rayons, parmi la centaine d’autres. Même Sophia Loren y perdrait son italien.Et ça, c’était avant l’enquête de Tom Mueller.

Journaliste pour le New Yorker, Tom Mueller a signé en 2007 « Slippery Business », un article sur la corruption qui entache l’huile d’olive. Un commerce « plus payant que celui de la cocaïne, sans les risques », écrivait alors Mueller. L’une des raisons de ce trafic : en 10 ans, la demande mondiale pour l’huile d’olive a explosé. Uniquement en Amérique du Nord, elle a augmenté de 100%. On apprécie son goût, bien sûr, mais on l’adopte aussi pour ses propriétés bénéfiques – elle est notamment riche en antioxydants.

Le papier de Mueller a fait couler de l’encre, incitant l’auteur à creuser encore plus ce sujet qui le passionne. Le résultat : Extra Virginity?: The Sublime and Scandalous World of Olive Oil (Norton). Une ode à l’huile d’olive, la vraie, à son histoire millénaire et à ceux qui ont à cœur la pureté de cet élixir. Des gens comme Flavio Zaramella, homme d’affaires milanais et grand dégustateur à la papille sensible. « Extra vierge? s’insurge-t-il en lisant sur l’étiquette d’une bouteille d’huile d’olive  ‘‘100?% italienne, pressée à froid, moulue sur pierre…’’ Cette huile n’a rien à voir avec la virginité. C’est une pute. »

Qu’une petite huile d’olive andalouse se déguise en grande toscane, c’est une chose ; que des huiles de soya et de canola de seconde zone soient mélangées avec de la chlorophylle industrielle (pour la couleur) et du bêtacarotène (pour le goût), puis vendues comme étant de l’huile d’olive extra vierge, c’en est une autre. Et ce n’est pas rare : 30% de l’huile d’olive écoulée au Canada est trafiquée, et ce, de diverses façons.

L’Agence canadienne d’inspection des aliments dit veiller au grain (ou à l’huile), mais avec les milliers de tonnes qui entrent chaque année au pays, impossible de tout vérifier. Sans compter que le dernier budget conservateur prévoit des coupes importantes dans le nombre d’inspecteurs de l’Agence.

Le mieux, propose Mueller, c’est encore de compter sur soi-même pour éviter les mauvaises huiles. Il termine son livre par des conseils, dont celui-ci : l’huile d’olive, contrairement au vin, vieillit mal. Son espérance de vie : autour de deux ans. Vérifiez la date de péremption et cherchez aussi la date de récolte. Hélas, cette information capitale est donnée au compte-­gouttes : chez Milano, la marque espagnole nommée plus haut était l’une des rares à fournir ces renseignements. Il n’y a pas de miracle possible : seules les exigences de plus en plus élevées des consommateurs pourront faire tourner le vent. Pour qu’un jour tout baigne dans l’huile.



 

The Sublime and Scandalous World of Olive Oil
par Tom Mueller
Éditions Norton, 238 pages, 26?$
(pas encore traduit)

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