Livre du mois

Le livre du mois : Amanita Virosa d’Alexandre Soublière

Après le percutant Charlotte before Christ (2012), Alexandre Soublière signe un deuxième roman porté par le même souffle provocant.

Couv-Amanita-Rosa-ArticleL’histoire

L’Amanita virosa est un champignon vénéneux aussi appelé « ange de la mort ». Ainsi pourrait se nommer la florissante société Hyaena. À l’ère du cyberespace, où sphères privée et publique peuvent être piratées, cette dernière comble les fantasmes de voyeurisme de ses clients riches. Des caméras cachées sont installées chez ses victimes, célèbres ou pas, et filment leurs ébats sexuels ou autres perversions. Ces images deviennent des armes puissantes dans une lutte à finir entre pouvoir, argent, sexe, amour…

Les personnages

Winchester Olivier, 27 ans. Solitaire, il aime regarder des documentaires animaliers et boire l’eau de pluie, méprise la célébrité, recherche l’amour. Filme la dérive de la société dans un but spirituel, esthétique. Samuel Colt, son associé dans l’entreprise Hyaena. Policier, il apprécie l’argent facile et peut aller très loin dans la violence. Elsa, artiste hip-hop-médiévale-électro. Muse et proie.

À lire : le premier chapitre du livre du mois.

Pourquoi on a aimé

Voilà un immense bras d’honneur à la décadence ambiante. Roman-miroir d’une époque qui « veut toujours en voir plus ». Forcément dur et brutal. Réflexion nourrie de colère.

Alexandre-SoublièreL’auteur

Né à Sainte-Marie, en Beauce, en 1985. Études en littérature et communication à l’Université Concordia. À 26 ans, Alexandre Soublière compose Charlotte before Christ en franglais/slang/texto, ce qui ne va pas sans causer certains remous. « C’est la langue que parlent les jeunes autour de moi », dit-il. Si le français s’est assagi dans son deuxième opus, la férocité a monté d’un cran. « On dirait que la langue est un sujet plus sensible, alors que la violence ou le sexe, ça ne choque plus… » Serait-il, comme ses protagonistes, un garçon fâché ? « Oui, et je ne sais pas pourquoi. Ma vie n’est pas tragique. Je travaille de neuf à cinq dans une agence de pub… » Et la nuit, il écrit.

Amanita Virosa, Boréal, 296 pages

 

Les critiques

1. Raphaëlle Lambert

Raphaelle-LambertJ’ai aimé : Le personnage principal, un peu taciturne, œuvrant dans un monde où toutes les perversions se monnayent, son intériorité. J’aimais bien son détachement face à son travail, à son collègue, son impassibilité, qui le rend presque plus humain que les gens qu’il côtoie.

J’ai moins aimé : Certains tics de langage qui n’étaient pas nécessaires, à mon avis. On peut être québécois de son temps sans calquer les expressions anglaises! Et l’aspect techno, texto, chat dans la forme, je ne suis pas fan…

Commentaire : C’est assez cru, pas toujours beau; pas pour tout le monde.

Ma note sur 10 : 6,5

 

2. Sandrine Desbiens

944612_10151534833037696_1114524084_nJ’ai aimé : Le titre : il est sollicitant et nous force à lire la première page. Même si l’histoire en soi nous amène à poursuivre la lecture, c’est majoritairement le personnage principal qui rend l’histoire intrigante avec son côté limite paranoïaque mais qui démontre un grand sens de l’éthique, un cynisme tristounet et un fatalisme déconcertant. Également, que le thème aborde des questions actuelles face à la technologie et à son pouvoir sur les êtres qui nous entourent.

J’ai moins aimé : La simplicité des dialogues et l’histoire courte et intemporelle.

Commentaires : L’auteur pose plusieurs questions fondamentales ; il écrit des phrases souvent poignantes.

Ma note sur 10 : 6

 

3. Gabrielle Paquette


gabriellepaquette

J’ai aimé : J’ai été intriguée par le titre et bien contente de découvrir un auteur québécois.

J’ai moins aimé : Mon expérience de lecture de manière générale s’est avérée peu satisfaisante. Je n’ai pas embarqué dans l’intrigue, que j’ai trouvée prévisible et peu originale. Les personnages antipathiques ainsi que le langage presque constamment vulgaire et violent m’ont énervée. J’ai plusieurs fois eu envie de cesser la lecture, mais j’ai persisté en espérant que le récit allait finir par me toucher, ce qui ne s’est malheureusement pas produit.

Commentaires : J’aime assez les histoires déstabilisantes, les intrigues où se côtoient personnages écorchés et marginaux dans un environnement difficile à cerner, mais l’auteur n’a pas su me séduire. L’intrigue n’aurait pas souffert d’un langage un peu moins ordurier et de personnages plus subtils.

Ma note sur 10 : 5

 

4. Philippe Garon

philippegaronJ’ai aimé : Le personnage de Winchester, antihéros singulier et puissant parce qu’à la fois quasi intouchable et sensible. Ses réflexions ouvrent certaines fenêtres philosophiques, particulièrement à propos du sens des relations amoureuses. J’ai aussi aimé le regard sinistre qu’Alexandre Soublière pose sur le genre humain dans notre présent, sans toutefois l’inscrire dans un cadre géographique précis, ce qui confère à l’ensemble une portée étendue.

 

Je n’ai pas aimé : Le travail médiocre, voire inexistant, de l’éditeur. Mieux accompagné, Soublière aurait pu livrer un texte plus rigoureux et ainsi le hisser, à mon avis, au rang d’œuvre marquante. Le roman fera sans doute bonne figure comme produit culturel, mais compte tenu de divers défauts laissés par complaisance ou urgence, je ne sais trop, je suis resté sur ma faim. L’auteur avait trouvé un sacré bon filon, mais je trouve qu’il n’a pas assez creusé.

Commentaire : Pourquoi l’approche de Soublière me fait-elle penser à Stanley Kubrick? Il a du culot, c’est sûr. De l’esprit. Je demande à voir où ça va le mener. Et où il pourra nous mener.

Ma note sur 10 : 8

 

5. Marielle Gamache

mariellegamacheJ’ai aimé : Le personnage qu’incarne Winchester, le narrateur. Il est le bon et le méchant; très brillant, il est marginal dans son corps – il ne boit que de l’eau de pluie – et dans sa tête – il est triste et n’aime que les gens tristes, il fait à lui seul le roman. L’intrigue bien ficelée morcelée de réflexions philosophiques propres au narrateur maintient bien l’intérêt jusqu’à la fin.

J’ai moins aimé : Le fuckin’ – expression de l’auteur – de mot fuck utilisé à outrance finit par donner un « ver d’oreille littéraire » insoutenable. Certaines descriptions très détaillées de voyeurisme et de violation d’intimité auraient pu être omises, laissant libre cours aux fantasmes du lecteur.

Commentaires : C’est un bon roman dans son genre, très noir – cœurs sensibles s’abstenir. L’auteur ne fait pas dans la dentelle, nulle place pour les bons sentiments et la demi-mesure, tout est dans l’intensité. C’est une œuvre qui ouvre grand la porte à une réflexion sur l’étendue de l’emprise des avancées technologiques et du piratage informatique au service de la perversité humaine.

Ma note sur 10 : 8,5

 

6. Yannick Ollassa

yannickollassaJ’ai aimé : L’intégralité de l’œuvre.

Je n’ai pas aimé : Rien à dire!

Commentaires : Quel roman! Mais quel roman! Un comme je les aime. Il vous brasse, vous bouleverse, vous bouscule. Il réveille cette voix au fond de soi qui veut hurler de rage, de douleur, d’indignation. J’avais adoré Charlotte before Christ, mais cette dernière œuvre de Soublière est de loin supérieure. Ce n’est pas peu dire, car Charlotte… était admirablement écrit. L’auteur sonde l’origine de la violence et en témoigne avec une acuité phénoménale. À tel point qu’on croirait qu’il l’expérimente lui-même.

Amanita virosa signifie « ange destructeur » ou « ange de la mort ». C’est un champignon vénéneux. Les personnages sont à la fois une Aminata virosa, mais ils en sont aussi victimes, rongés qu’ils sont de l’intérieur par un mal dont on distingue partiellement la source.

Avec Amanita virosa, Alexandre Soublière soulève d’importantes réflexions sur la violence, sur la quête du pouvoir absolu, sur l’amour, la morale, l’humanitude. Sur la fatalité de l’être humain qui court irrémédiablement à sa perte.

Il révèle toute la vulnérabilité cachée derrière l’agressivité de Winch. On décèle l’humain derrière le monstre. Parce qu’il y en a bien un, derrière la violence issue de lacunes affectives et morales. Tout comme les autres personnages, Winchester Olivier est un être écorché vif et traîné dans le gros sel. On ressent sa douleur abyssale, ainsi que celle d’Elsa. Ils sont incapables d’aimer. Des êtres complètement à part, décalés. À un point tel qu’on a l’impression que Winch, Sam et Elsa sont d’une autre espèce.

Un roman brutal, complexe au point qu’il est impossible d’en aborder tous les aspects ici. Bref, un roman magistral!

Ma note sur 10 : 9,5

 

7. Isabelle Goupil-Sormany

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J’ai aimé : Vivre et penser au nom d’un sociopathe qui se trouve une niche professionnelle dans le voyeurisme commercial est un exercice audacieux. L’écriture est claire et efficace. L’auteur déborde de l’exercice pour nous offrir un suspense au potentiel intéressant.

J’ai moins aimé : Les propos du personnage principal sont grossiers, irrévérencieux, arrogants. Les intrigues amoureuses ne m’émeuvent pas. Le narrateur et les autres personnages secondaires sont trop caricaturaux. Je n’ai pas réussi à aimer lire ce roman même si les règles de départ étaient claires et qu’on a construit de façon intelligente l’intrigue amoureuse des protagonistes.

Commentaires : On comprend que c’est le regard d’un être complètement dysfonctionnel qui justifie l’écriture et les intrigues. Mais je n’y ai jamais cru et je n’ai jamais réussi à m’y intéresser. J’ai lu le roman convaincue que je finirais par apprécier l’exercice de style. Mais, au final, grand bof. Je déteste détester un roman. Les auteurs méritent mieux que ma critique cynique mais, cette fois, la chimie n’a pas su opérer. Je suis encore découragée du descriptif scatologique des premières pages. Non merci, trop pour moi!

Ma note sur 10 : 5

 

8. France Giguère

francegiguereJ’ai aimé : Rien, sauf le titre, qui a piqué ma curiosité. C’est le nom d’un champignon vénéneux.

Je n’ai pas aimé : L’histoire et le genre, pas du tout mon style. J’avais hâte de terminer le livre, tellement était nul mon intérêt pour les personnages et le récit. Sous un enrobage du genre «mettons un peu de croustillant avec une agence spécialisée dans le voyeurisme porno et un peu de violence avec le personnage de Sam», on a affaire à une banale histoire d’amour. Les coupures dans le récit avec de nombreux messages textes et électroniques m’ont agacée. Certains pans de l’histoire ne vont nulle part et semblent avoir été collés là pour ajouter du texte, comme le voyage des deux protagonistes dans un pays lointain. Enfin, l’usage des mots fuck et fuckin’ pour donner un style devient à la longue redondant et lassant!

Commentaires : L’impression que l’auteur a voulu raconter une histoire d’amour, mais pour lui donner du style et la rendre actuelle et représentante de notre époque, il a inséré plein de messages électroniques, et pour la rendre intéressante, il l’a placée dans un contexte particulier où se mêlent violence, porno et vulgarité. Bref, tout cet enrobage m’a vivement agacée.

Ma note sur 10 : 2

 

9. Stéphanie Vincent

stephanievincentCommentaires : C’est parcourue de frissons de dégoût que j’ai refermé ce roman. Ce n’est pas tant le langage texto ou les personnages grossiers qui m’ont choquée que le sang et la violence gratuite. À côté de cela, la facette plus sensible du narrateur ou les réflexions sur les thèmes universels de l’amour ou de la liberté semblent totalement décalés. C’était peut-être l’effet recherché, mais je ne suis pas arrivée à apprécier malgré tout.

Ma note sur 10 : 3

 

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