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Le dernier chemin de Mandela

Nelson Mandela est décédé le 5 décembre à l’âge de 95 ans. Il a vécu plusieurs vies, de prisonnier à président de son pays, et il est le héros de millions de gens. L’ouvrage Les Chemins de Nelson Mandela, paru en 2010, résume sa philosophie de l’existence.

Nelson Mandela est un héros. Une figure mythique. Après 27 ans passés en prison, dans un geste historique, il a tendu la main à ses anciens oppresseurs. Il a ainsi réunifié les Noirs et les Blancs dans un pays qui semblait condamné aux déchirements et au désespoir. Grâce à lui, l’Afrique du Sud s’est affranchie de l’apartheid.

C’était sans doute le dernier des vrais héros, comme l’écrit Richard Stengel dans Les Chemins de Nelson Mandela. En discutant de longues heures avec lui, son biographe – aussi directeur de la publication du magazine Time – a tiré de grandes leçons de vie. En voici quelques-unes.

Le courage n’est pas l’absence de peur. Ni inné ni acquis, c’est un acte volontaire : il faut le choisir. En faisant semblant d’être courageux, on peut même le devenir. « Quelquefois, c’est seulement au moment de tenir tête que vous découvrez le vrai courage. » C’est plus d’une fois la peur au ventre que Mandela a répliqué à ses geôliers. Et cela l’a rendu plus fort. L’idée, c’est de ne pas se laisser mettre en échec par ses craintes. Et d’oser.

Diriger de l’arrière. Un leader n’a pas besoin d’être toujours à l’avant. « C’est en autorisant les autres à agir que l’on communique son propre leadership, ses propres idées. » Il avait une vision tout africaine du pouvoir – et non individualiste comme celle de l’Occident. Un bon chef n’impose pas. Il écoute, encourage le consensus et tente d’orienter ses troupes vers l’action. C’est ce qu’il a fait à l’African National Congress (ANC) comme à la tête de l’État, de 1994 à 1999. « Mandela a compris dès l’enfance que le leadership collectif repose sur deux fondements : le groupe est plus avisé que l’individu et il s’implique davantage dans une décision obtenue par consensus », dit Richard Stengel. « Diriger de l’arrière opère de la même manière : vous atteignez le résultat recherché de façon harmonieuse. C’est bon pour les autres, et c’est bon pour vous. »

Voir le bien chez les autres. Mandela ne médisait pas. Le pire qu’il pouvait dire d’autrui, c’est qu’il agissait par intérêt. Il ne manifestait pas d’hostilité envers ses gardiens de prison. « Ces hommes n’étaient pas inhumains. Ils se comportaient comme des bêtes parce que ce comportement-là était récompensé. Ils pensaient que ça leur rapporterait une promotion. » Naïveté ? Aveuglement ? Non, bienveillance. Mandela était convaincu que l’être humain est d’abord intègre et digne. « Voir ainsi ceux avec qui vous travaillez attire l’intégrité et la dignité. J’en suis persuadé. »

Connaître son ennemi. Avant d’être condamné à la prison à vie, en 1964, Nelson Mandela pratique le droit – c’est un avocat réputé – et la boxe ! Sur le ring, il apprend vite que la force et l’agilité ne suffisent pas à mettre son adversaire K.-O. Une leçon qu’il mettra à profit dans son combat en faveur des droits civiques. Il explore l’histoire des Afrikaners, ces immigrants d’origine néerlandaise, allemande, française ou scandinave installés en Afrique du Sud depuis le xviie siècle, et étudie leur langue, l’afrikaans. Il découvre des points communs entre leurs peuples : tous deux ont subi la colonisation britannique. Ces connaissances lui seront bien utiles pour con­vaincre les Blancs de son pays de choisir la démocratie.

C’est une longue partie. Mandela était un optimiste prudent : il visait le long terme. Sa vie en était l’expression. Il a attendu tant d’années pour que l’harmonie raciale s’installe dans son pays… « La précipitation, dit-il, mène aux erreurs de jugement. »

Avoir un jardin à soi. Nelson Mandela a été incarcéré pendant 18 ans à Robben Island, une île-prison au large du Cap. Les conditions y étaient atroces – les prisonniers avaient droit à une seule visite et à une seule lettre tous les six mois. Après bien des tractations, Mandela a convaincu les autorités de le laisser cultiver un potager pour améliorer son alimentation et celle de ses codétenus. De cette terre rocailleuse il a tiré tomates, haricots, oignons, épinards. Et, surtout, il a fui, quelques heures par semaine, la dureté de la vie en prison et ses soucis « venus du monde extérieur, de sa famille, de la lutte de libération ». Nous devons tous trouver notre propre jardin, croyait-il.

Toutes les leçons de Mandela nous éclairent. On en citera quelques autres : être mesuré, prendre l’initiative, étudier son rôle, avoir un principe central, savoir dire non…

Les chemins de Nelson Mandela
Richard Stengel, Michel Lafon, 27,95 $, 260 p.

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